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La course à la décarbonation des marchés publics est lancée

La part des offres de la commande publique soumises par voie électronique est passée de 15% en 2019 à 68% en juin 2022, le gouvernement ciblant les 100% en août 2023. Au regard des 40.000 appels d’offres annuels, la dématérialisation totale des procédures réduira les trajets routiers des soumissionnaires de 86.000 à 6.000 km, soit une baisse des émissions de CO2 de 84%. De plus, avec l’appui de la Banque mondiale, une charte verte pour les marchés publics est en cours d’adoption, avec l’introduction de critères écologiques au sein de la plateforme des appels d’offres en ligne.

La course à la décarbonation des marchés publics est lancée
À travers le Programme d’appui en faveur de l’inclusion financière et numérique, déjà lancé, et le prochain financement «Climat Maroc», la Banque mondiale soutient la numérisation et l’écologisation des marchés publics au Maroc.

Le groupe de la Banque mondiale consacre de plus en plus ses financements aux mesures d’atténuation des émissions ou d’adaptation climatique. Au Maroc, outre les grands projets, une réforme «discrète», soutenue par la Banque mondiale, contribue à cet objectif. Il s’agit de la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics. En 2022, le gouvernement marocain a dépensé environ 245 milliards de dirhams en marchés publics. La commande publique représente ainsi 20% du PIB du pays et plus de 40.000 appels d’offres par an.
Or auparavant, tous les soumissionnaires devaient effectuer des démarches en personne à chaque étape de la procédure : se rendre au bureau local des marchés publics pour rassembler les documents d’appel d’offres, obtenir une garantie bancaire, soumettre une offre, prendre part à l’ouverture des plis, soumettre d’autres documents après notification de l’attribution du marché et signer le contrat. «Ces démarches nécessitaient un nombre important de déplacements (un total de 12 trajets routiers d’environ 60 km chacun, soit 720 km par soumissionnaire), entraînant d’importantes émissions de carbone, mais aussi une perte de temps et d’argent particulièrement dissuasive pour les PME», expliquent des économistes de la Banque mondiale dans une nouvelle publication. L’objectif visant à attribuer 30% des appels d’offres publics aux PME, inscrit dans la loi marocaine, semblait difficile à atteindre. Pour y parvenir, l’un des leviers possibles pour les États est l’adoption d’une procédure numérisée qui facilite la participation de ces structures.

Dématérialisation des procédures de la commande publique

La Banque mondiale a ainsi soutenu, dans le cadre de son Programme d’appui budgétaire en faveur de l’inclusion financière et numérique, les réformes menées par le Maroc en vue de dématérialiser les procédures de commande publique, permettant ainsi aux entreprises d’y prendre part en ligne en effectuant toutes leurs démarches à distance.
Rappelons qu’en mars dernier, la Banque mondiale avait approuvé un troisième prêt de 450 millions de dollars dans le cadre de ce programme d’inclusion financière et numérique, en complément des deux financements précédents, qui vise notamment la numérisation de la passation des marchés publics pour améliorer l’accès des PME aux contrats publics. Déjà entre 2020 et 2022, les autorités marocaines ont pris trois dispositions imposant (i) à toutes les entités adjudicatrices publiques de publier le nombre et la valeur des contrats attribués aux PME ; (ii) à tous les soumissionnaires de passer par le portail des marchés publics ; et (iii) la numérisation des garanties bancaires.
Avant cette réforme, en décembre 2019, le pourcentage d’offres soumises par voie électronique s’élevait à 15%. Il est passé à 68% en juin 2022, le gouvernement visant les 100% en août 2023. «Grâce à cette dématérialisation, les émissions de carbone ont nettement reculé, en dépit même de la hausse de la consommation d’énergie générée pour le traitement et le stockage des données», estiment les experts de la Banque mondiale (Walid Dhouibi, spécialiste senior de la passation des marchés publics, Caroline Cerruti, spécialiste senior du secteur financier, et Cyril Desponts, économiste).

L’administration publique doit réduire son empreinte carbone

D’ailleurs, au regard des 40.000 appels d’offres annuels et d’une moyenne de quatre soumissionnaires par appel d’offres, la réforme a réduit les trajets routiers des soumissionnaires de 22 à 2 par appel d’offres, seule la signature du contrat exigeant le déplacement en personne du soumissionnaire retenu. À son achèvement, la réforme pourrait faire chuter la distance parcourue sur une année par la totalité des soumissionnaires de 86.000 à 6.000 km seulement, soit une baisse des émissions de CO2 de 84%.

Néanmoins, précisent les experts de l’institution de Bretton Woods, des mesures supplémentaires sont nécessaires pour passer de la dématérialisation au véritable verdissement des marchés publics. Cela consiste à faire en sorte que l’administration publique réduise effectivement son empreinte carbone à travers non seulement ses processus d’achat, mais aussi ses achats eux-mêmes. «Le Maroc s’y emploie, avec le soutien de la Banque mondiale : une charte verte pour les marchés publics est en cours d’adoption, avec l’introduction de critères écologiques au sein de la plateforme des appels d’offres en ligne, afin que les entités publiques achètent des biens qui répondent à certaines normes environnementales», révèlent-ils. À ce propos, et comme nous l’annoncions en exclusivité le 9 mai dernier, la Banque mondiale doit approuver, d’ici juin prochain, un financement stratégique de 350 millions de dollars en faveur du Maroc pour sa transition climatique. Ce prêt soutiendra le Royaume dans la mise en œuvre de sa contribution déterminée nationale (CDN) dans le cadre de l’Accord de Paris (www.lematin.ma). L’appui de la Banque mondiale a pour objectif d’intégrer les considérations climatiques dans la gestion du secteur public et à renforcer la résilience climatique des groupes vulnérables et des écosystèmes. Parmi les projets phares, l’écologisation des marchés publics.

Compte tenu de son importance dans l’économie nationale, l’écologisation des marchés publics représente un levier puissant pour l’État afin de transformer son pouvoir d’achat important en catalyseur de l’action climatique. Pour libérer ce potentiel, le nouveau financement soutiendra : (i) l’adoption du Pacte d’exemplarité de l’administration (PEA) qui fixe des objectifs ambitieux de réduction de l’empreinte carbone, (ii) l’adoption d’un guide sur les «achats écologiques », (iii) l’introduction des «critères verts» dans la plateforme d’e-Procurement et (iv) l’application de critères verts pour les appels d’offres de produits prioritaires. 

Lire aussi : Certification des crédits carbone : quels sont les enjeux pour le Maroc et comment il compte les gagner

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