«La diaspora n’est pas qu’un pourvoyeur de fonds, elle est aussi un pourvoyeur de stabilité macro-économique. Ses transferts sont une source de financement structurel en Afrique, largement devant l’aide publique au développement et les investissements directs étrangers (IDE). La diaspora africaine est aussi l’image de cette Afrique résiliente. Ses transferts financiers ont survécu à la pandémie, à l’inflation et à la hausse des prix de l’énergie, déjouant les pronostics. Mais s’ils ont transcendé les aléas de la conjoncture internationale, ils sont «arbitrairement» impactés par les coûts des transferts de fonds.
Les pays africains sont les pays du monde vers lesquels les transferts de fonds sont les plus chers», a affirmé, jeudi à Rabat, le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita. Ouvrant les travaux du forum de Rabat pour la réduction des coûts des transferts de fonds de la diaspora africaine, le ministre a donné le tempo et présenté la nature des réflexions qui devront être engagées tout au long de ce Forum. Il s’agit, selon M. Bourita, d’identifier en urgence les approches et les solutions innovantes à même de répondre au besoin d’optimisation des transferts de fonds de la diaspora. Car le constat est sans appel : le coût des transferts vers le continent demeure le plus élevé à l’échelle mondiale, a-t-il insisté.
Résilience des transferts et disproportion des coûts
Dans son rapport, publié en mai 2022, la Banque mondiale confirme la résilience des remises migratoires. En effet, les transferts de fonds ont remarquablement résisté aux effets économiques de la pandémie de Covid, affichant même une augmentation en 2020 dans de nombreux pays africains, qui s’est confirmée en 2021. Selon les chiffres contenus dans ce rapport, «les transferts migratoires vers l’Afrique subsaharienne ont progressé de 14,1% pour atteindre 49 milliards dollars en 2021 et de 7,6% en 2021 vers la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), pour atteindre 61 milliards de dollars». Toutefois, et malgré l’importance de ces chiffres, le coût des transferts vers le continent demeure le plus élevé.
«Ces coûts constituent des barrières disproportionnées. Je dis bien disproportionnées, car pour un envoi de 200 dollars, les frais moyens s’élèvent à près de 8% pour l’Afrique subsaharienne, là où les tarifs pratiqués dans le monde entier se situent dans la moyenne des 6%. C’est près du triple des 3% espérés par la cible numéro 10 des Objectifs de développement durable à l’horizon 2030. Quel manque à gagner !», s’est exclamé le chef de la diplomatie marocaine lors de ce forum.Appel à l’adoption de nouvelles approches et solutions
Un constat partagé par le ministre des Affaires étrangères, de l’intégration régionale et des Togolais de l’extérieur, Robert Dussey, qui a qualifié la situation actuelle de «déplorable» et allant à l’encontre des objectifs durables et de l’agenda 2063 de l’Union africaine. D’après ce responsable, il est désormais nécessaire de mettre en place des infrastructures adéquates et de renforcer les cadres réglementaires favorables à l’optimisation des transferts de fonds de la diaspora. Le ministre togolais a mis également l’accent sur la nécessité de convenir d’un cadre et d’une procédure pour engager très rapidement des négociations formelles avec les principales agences de transfert de fonds afin de les amener à réduire les coûts de leurs prestations.
Le ministre estime nécessaire par ailleurs de développer des solutions technologiques innovantes pour les envois de fonds dans le but de réduire les frais, d’accélérer les transactions, de renforcer la sécurité et de lier les envois de fonds à une gamme complète de services financiers, afin d’inciter les migrants et les membres de leurs familles à investir dans les économies de leurs pays. «Je lance un appel pour le renforcement du partenariat entre les institutions financières africaines, les centres de recherches, les incubateurs de talents et les organisations des diasporas africaines, afin d’explorer toutes les options technologiques, opérationnelles et stratégiques en vue non seulement d’infléchir les coûts des transferts, mais aussi d’accroître les possibilités pour les migrants de contribuer au financement des projets de développement dans leurs pays d’origine, notamment par l’utilisation de nouveaux instruments pour capter les placements. Ces initiatives contribueront à dégager d’importantes ressources financières chaque année au profit des ménages les plus vulnérables, orientées vers des investissements productifs créateurs d’emplois», souligne M. Dussey.
Abdellatif Jouahri : les transferts MRE pèsent 8% du PIB
«Les recettes des tranferts des MRE ont enregistré un bond historique de 37% en 2021 et de 13% en 2022», a indiqué le gouverneur de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, lors de ce Forum. D’après le responsable, ces transferts ont atteint 8% du PIB, financé plus du tiers du déficit commercial et représentent près de 20% des ressources collectées par les banques. Revenant sur la situation du Maroc, le wali de Bank Al-Maghrib a souligné que les pouvoirs publics et la Banque centrale ont très tôt œuvré, de concert et en coordination avec le secteur bancaire, à consolider cette dynamique en favorisant, en particulier, la diversification des canaux de transmission et la réduction des coûts.
C’est ainsi que le Maroc a développé depuis plusieurs décennies une solide infrastructure bancaire s’appuyant sur une présence transnationale de proximité qui constitue un atout majeur pour l’accompagnement des compatriotes dans leurs pays de résidence. Les banques marocaines se sont également implantées dans 27 pays du continent et disposent désormais de filiales et de succursales dans 7 pays européens et d’une cinquantaine de bureaux de représentation à travers différentes régions du globe.