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Entretien avec la comédienne marocaine Sanae Assif

L’artiste Sanae Assif nous parle de la pièce «Elle était une fois la jupe» qui a remporté le Grand Prix au Festival du théâtre africain à Rabat ex aequo avec le spectacle comorien «Je n’ai pas de nom».

Entretien avec la comédienne marocaine Sanae Assif

Le Matin : Parlez-nous du spectacle qui a séduit le jury au Festival du théâtre africain à Rabat.
Sanae Assif
: «Elle était une fois la jupe» c’est un seul sur scène que j’ai co-écrit avec le metteur en scène Amine Boudrika. Dans ce spectacle multidisciplinaire, je joue avec un musicien, de la vidéo. La pièce revient sur l’affaire de la jupe ou des filles d’Inzegane, le fait divers qui a eu lieu en 2015. Deux filles sont allées dans un souk de la ville. On a dit qu’elles étaient habillées d’une façon inconvenable, mais on n’a jamais vu la photo de leurs tenues. Elles ont été poursuivies pour atteinte à la pudeur et perturbation de l’espace public. Il y a eu un chamboulement à cause de cette affaire, des manifestations... Après, on a adopté une loi punissant le harcèlement dans les espaces publics au Maroc.



Comment avez-vous adapté ce fait-divers sur scène ?
On ne reprend pas que le fait divers que tout le monde connaît, mais je joue le rôle de Houria, une couturière qui voit sa vie chamboulée à cause de cette histoire. On a écrit cette pièce pendant le confinement en allant jusqu’à l’interdiction de la jupe, l’imposition d’une tenue pour tout le monde… Le fait divers d’Inzegane a tout d’une tragédie : on commence par un incident insignifiant pour arriver à des événements extraordinaires. Cette histoire m’a touchée et inspirée en tant qu’artiste femme marocaine. À travers le personnage de Houria, je partage avec le public comment quelque chose d’intime qui est le vêtement, un choix individuel, se transforme en affaire publique qui envahit son atelier.
Dans notre culture, on estime toujours qu’il y a une séparation entre le public et le privé alors qu’il n’y en a pas en réalité. On est tous concernés par ce qui se passe dans l’espace public et l’intime ne peut pas vivre seul.
Houria voit ses rêves s’arrêter et se remet en question, car on condamne cette jupe qu’elle a toujours faite avec amour et bonnes intentions. Elle deviendra la source du mal. La pièce montre comment une simple couturière dans un quartier populaire angoisse à cause d’un fait divers. En tant que femme, on ressent une sorte de solitude après l’incident d’Inzegane. On se dit que ça peut nous arriver aussi. Le théâtre sert à partager tous nos débats, nos soucis, à les mettre sur la place publique pour les discuter.

Que représente pour vous le fait de jouer cette pièce dans un événement africain ?
Ce festival est une bonne opportunité pour rencontrer nos collègues africains au niveau artistique et gestionnaire.
Pour nous tous, c’est l’occasion d’ouvrir un marché de diffusion. Par ailleurs, cet événement nous permet d’apprécier notre identité marocaine multiple, les points communs et les différences avec les autres pays africains. Entre pays africains, il n’y a pas beaucoup de problématiques en commun, nos histoires ne sont pas très différentes et c'est ce qui fait notre richesse. Chaque artiste essaie de raconter le vécu autrement, de le présenter sous un autre regard, une autre façon qui permet de le revoir.

Qu’est-ce que vous espérez du Festival du théâtre africain ?

J’espère que ce festival sera un début de plateforme pour pouvoir travailler ensemble, imaginer le développement du théâtre sur notre continent et avoir des structures qui le portent pour être accessible au public.

Quels sont vos autres projets ?

J’ai un autre projet qui s’appelle «Rêve sans frontière – Fatéma Mernissi» avec Amal Ayouch et la metteuse en scène de théâtre française Anne-Laure Liégeois. Il s’agit d’une dramaturgie qui traverse une dizaine de textes de Fatema Mernissi qui a écrit des essais sociologiques, mais aussi le best-seller «Rêves de femmes». La dramaturgie essaie de traverser ces œuvres sociologiques en brodant avec l’histoire du roman.

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