Le Matin : Quel est le but de votre visite au Maroc ?
Mark Rutte : Le Maroc et les Pays-Bas ont des liens étroits qui existent depuis plus de 400 ans. Il y a beaucoup de choses qui nous lient, surtout sur le plan humain, grâce à la grande communauté avec des racines marocaines aux Pays-Bas. Ils sont une source d'échanges culturels et économiques entre les deux pays. Pour les Pays-Bas, comme pour l'ensemble de l'Union européenne, le Maroc est un partenaire stratégique avec lequel nous souhaitons coopérer pour faire face aux défis régionaux et mondiaux de sécurité, de changement climatique et de sécurité alimentaire. Notre agenda bilatéral comprend également des questions importantes telles que la sécurité, la migration et la coopération économique. Cela s'applique certainement dans la poursuite du développement d'une économie verte. Continuer à entretenir nos relations en maintenant une communication régulière est donc d'un intérêt mutuel. Je suis au Maroc pour m'entretenir avec le Chef du gouvernement marocain, M. Aziz Akhannouch, et plusieurs ministres et acteurs clés de nos relations politiques et économiques, et pour échanger des points de vue, notamment avec de jeunes étudiants.
Quelle est votre lecture des avancées réalisées par le Maroc dans le domaine des énergies renouvelables ?
Je suis impressionné par les ambitions établies dans ce domaine sous la direction de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, entre autres l’objectif de 52% de l’électricité en provenance d’énergie durable en 2030 et le désir de diminuer les gaz à effet de serre de 45%. Mais ce ne sont pas simplement des visions lointaines, Noor, un des plus grands complexes solaires au monde, en est la preuve.
Le Maroc et les Pays-Bas sont engagés dans le développement des énergies renouvelables, notamment l'hydrogène vert. Quels sont les aspects de coopération envisagés ?
L’Europe a un grand besoin d’hydrogène vert pour maintenir sa production tout en réduisant ses émissions carbone. Malgré les investissements accomplis et prévus, notamment les champs d’éoliennes dans la mer du Nord pour les Pays-Bas, mais aussi avec tous les panneaux solaires que l’on trouve sur les toits et dans les champs, nous n’arriverons pas à produire assez d’hydrogène vert pour remplir nos besoins. Aussi, il y a une nécessité future d’importer de l’hydrogène vert. Nous voulons contribuer, auprès des pays qui seront les futurs producteurs, à atteindre leur pleine capacité et à mettre en œuvre toute la chaîne de valeur dans ce domaine. C’est dans cet esprit que le Partenariat vert a été signé entre le Maroc et l’Union européenne.
Le Maroc est en cours d'élaboration de son offre pour l'hydrogène vert. Quels sont les ingrédients clés pour réussir cette transition énergétique ?
L’effort à fournir est de taille et nous voulons être là pour collaborer avec le Maroc dans la prise des mesures nécessaires. Tout d’abord, nous devons éviter le gaspillage d’énergie, par exemple en isolant nos maisons et immeubles. La consommation d’énergie fossile doit être remplacée par de l’énergie durable. Cela demande de changer les sources d’énergie. Les Pays-Bas fournissent par exemple un grand effort pour changer la consommation de gaz naturel par de l’électricité en provenance de sources durables. Aussi en développant la mobilité électrique. À la demande du Maroc, les Pays-Bas ont contribué à la feuille de route du Royaume dans ce domaine. Comme il est bien décrit dans la Feuille de route de l’hydrogène vert du Maroc, il s’agit tout d’abord d’élaborer les mesures de sécurité, les lois, la réglementation, l’infrastructure, aussi bien en gazoducs que pour les ports, le stockage et le transport. Mais il faut aussi des éoliennes, des panneaux solaires pour l’énergie et des stations de dessalement pour l’eau qui forme la base de l’hydrogène vert. Finalement, il y a besoin d’investissement dans des unités de production pour l’hydrogène vert et ses dérivés, tels que l’ammoniac vert.
Comment le Royaume peut-il se positionner en tant que hub régional et international ?
Je pense qu’il est avant tout nécessaire de mettre en œuvre toute la chaîne de valeur nécessaire dans ce domaine. Il faut des éoliennes, des complexes solaires, des stations de dessalement, l’infrastructure, les ports, et peut-être aussi des gazoducs dans le futur. Mais il faut aussi des lois, la formation, la recherche, etc. Vous avez des atouts incontestables, une situation géographique stratégique proche de la demande, des possibilités de produire de l’énergie durable à bon prix, grâce au soleil et au vent abondants. Le Maroc dispose aussi déjà des industries telles que OCP et Nareva et d’installations pertinentes.
Des projets ont été initiés par des acteurs des deux pays pour le développement de l'hydrogène vert. Quelles perspectives pour ce secteur ?
Je suis très heureux que des projets dans ce domaine aient déjà été initiés, tels que la coopération entre MASEN, le Port de Rotterdam et la multinationale de stockage VOPAK, pour développer la chaîne de valeur pour l’hydrogène vert entre le Maroc, pays producteur, et Rotterdam, porte d’entrée pour l’Europe du Nord-Est avec ses grand besoins futurs dans ce domaine. Nous envisageons aussi de travailler ensemble avec le Maroc et l’Allemagne dans ce sens. On peut également citer la contribution du bureau d’ingénieur Proton Ventures, qui développe une unité de production d’ammoniac vert pilote pour l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), dans le but de faire avancer les connaissances dans ce domaine au Maroc. Je vois aussi de grandes opportunités de collaboration dans l’adaptation des ports pour manier l’hydrogène vert et la construction de nouveaux ports déjà préparés pour cette nouvelle source d’énergie.
La recherche et le transfert de compétences et de technologies sont cruciaux pour développer les énergies propres. Quel rôle à jouer pour les institutions opérant dans ce domaine pour le partenariat entre nos deux pays ?
Comme il s’agit d’un secteur relativement nouveau, il reste beaucoup à développer. Aussi, la recherche et développement est primordiale. Je suis donc heureux que le Maroc ait déjà pris des initiatives dans ce domaine, qui permettront au pays de mieux développer ce secteur. J’espère que les centres de recherches des deux pays, comme TNO et IRESEN se retrouveront pour développer ce domaine dans une approche gagnant-gagnant.
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