Début d’année difficile pour les exportateurs marocains d’habillement. Leurs livraisons vers l’Union européenne (UE), leur principal marché, ont chuté de 14% en valeur durant les 4 premiers mois de 2023 à 823,56 millions d’euros. Cette contreperformance est la plus forte parmi les dix premiers fournisseurs de l’Europe, aux côtés de la Chine (-14% également). C’est ce qui ressort des derniers chiffres publiés par l'association Evalliance de coopération textile entre l'UE, l'Asie du Sud-Est et la Méditerranée.
Avec cette évolution, le Maroc (neuvième) a été dépassé, pour la première fois, par la Tunisie (huitième) dans le classement des principaux fournisseurs d’habillement de l’UE. À fin avril 2023, les exportations tunisiennes d’habillement vers l’Union ont crû de 13,6% à 837,92 millions d’euros. «Cette performance, la meilleure de celles des dix premiers fournisseurs de l’Europe, est d’autant plus remarquable que le marché européen est en baisse (-4,7% à 27,68 milliards d’euros), marqué par une consommation vestimentaire en berne et des problèmes en cascade dans la distribution», décrypte Jean-François Limantour, président du Cercle euro-méditerranéen des dirigeants textile-habillement (Cedith) et de l'association Evalliance.
La majorité des fournisseurs, tant asiatiques que méditerranéens, enregistrent des baisses de leurs exportations vers l’UE, notamment le Top 3 : La Chine (-14% donc), le Bangladesh (-3%) et la Turquie (-11%). En volume, les exportations marocaines ont également chuté de 21%, contre une quasi-stabilité pour la Tunisie (-0,9%). «Il y a sans doute la conjonction de plusieurs facteurs qui explique la baisse des exportations du Maroc», a déclaré au journal «Le Matin» Jean-François Limantour. Selon cet expert, le marché européen est déprimé en raison de l'inflation.
Les consommateurs européens à revenus moyen et modeste ont des difficultés pour boucler leurs fins de mois, ce qui les conduit à sacrifier leurs dépenses d'habillement, soit en n'achetant plus de vêtements, soit surtout en achetant des effets moins chers. Cela provoque donc significativement une réduction du marché du moyen de gamme au profit de celui du bas de gamme.
Les industriels Marocains de l'habillement face aux producteurs asiatiques
«Le Maroc, positionné sur le moyen de gamme, est donc actuellement directement impacté par ce glissement du marché vers le bas, glissement qui favorise les producteurs asiatiques», précise Jean-François Limantour. À ses yeux, cette situation va certainement durer aussi longtemps que l'inflation sera forte, c'est-à-dire au moins toute l'année 2023, d'autant que les risques de récession économique en Europe sont grands. Est-ce qu'ensuite, lorsque l'inflation élevée aura disparu et que l'économie repartira, le marché du milieu de gamme se développera à nouveau ? «En attendant cet hypothétique retournement, les industriels vont continuer à souffrir», estime le patron d’Evalliance.
À l’inverse, la Tunisie est aujourd’hui le fournisseur le mieux positionné pour répondre à la demande croissante moyen-haut de gamme des marchés d’exportation. «Ce segment se porte bien, car pour l'essentiel, il s'adresse à des consommateurs aisés, qui n'ont pas de telles contraintes budgétaires et qui ne sont donc pas très affectés par la montée des prix», détaille Jean-François Limantour. En effet, la valeur des vêtements exportés par la Tunisie est plus du double de celle de pays «bas de gamme» comme le Bangladesh et très supérieure à celle des produits de ses concurrents directs : 22% de plus que les produits marocains et 31% de plus que ceux de Turquie ! À fin avril, la part du Maroc dans les importations d'habillement de l’UE est tombée pour la première fois – depuis la période post-Covid – au-dessous de 3% contre 3,4% en 2021, l’année où le pays était classé septième fournisseur de l’UE.
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