«Harcèlement au travail : dialoguer, agir, prévenir» est le thème d’une conférence-débat organisée jeudi dernier à Casablanca par le Comité Parité et Diversité de «2M». Cette rencontre, qui s’inscrit dans le cadre du cycle des «Débats du Jeudi» du Comité, vise à établir une compréhension commune du harcèlement au travail, en explorant ses différentes manifestations, qu'il s'agisse de harcèlement sexuel, psychologique ou discriminatoire et ses répercussions dévastatrices sur la santé physique et mentale des victimes. La rencontre a connu la participation d’un parterre d’experts qui ont passé en revue les obligations légales et éthiques qui incombent aux employeurs, les droits et les recours des victimes, ainsi que les meilleures pratiques pour une gestion efficace des cas de harcèlement. «En cas de conflit, la règle de base dans toute situation est d’entendre les deux parties», a souligné Ali Serhani, consultant en recrutement et directeur associé d'un cabinet de conseil RH.
Ce dernier a rappelé que les notions de répétition et d’intention sont clés dans la définition du harcèlement au travail, qui peut être défini comme toute forme de pression qui se fait de manière répétitive avec un objectif malsain. Il a souligné que malgré le fait que l’emploi dans sa perception sociétale passe pour une denrée de plus en plus rare, il n’y a pas lieu de tolérer le harcèlement.
Pour sa part, Réda Mhasni, psychologue clinicien et psychothérapeute, a énuméré les impacts et conséquences psychosociologiques du harcèlement au travail sur la victime, sur l’entreprise et le milieu de travail, puis sur la société. Selon lui, si l’on reconnaît déjà que l’on subit un harcèlement au travail, c’est que l’on est à moitié de chemin. «Cette prise de conscience qu’on est dans une dynamique de harcèlement est le premier pas vers la prise d’action», a-t-il affirmé. Nesrine Roudane, avocate au barreau de Casablanca, a quant à elle rebondi sur la prise de conscience qui amène à une prise de parole, tout en soulignant qu’il faut informer, former et, ensuite, sanctionner. Elle confirme, par ailleurs, l’existence d’un cadre légal à cet égard, que ce soit en termes d'articles du Code de travail ou du Code pénal. Cependant, ce cadre reste moins étoffé que celui d’autres pays.
Enfin Myriem Noussairi, spécialiste Programmes à ONU-Femmes Maroc, est revenue sur la définition donnée par l’Organisation mondiale du travail au harcèlement avant d’explorer les bonnes pratiques, les politiques internes et les programmes de formation qui favorisent la prévention du harcèlement et la création d'un climat de travail inclusif, égalitaire et respectueux de la diversité.
********************
Questions à Ali Serhani, consultant en recrutement et directeur associé d'un cabinet de conseil RH : «Prouver un harcèlement au travail est toujours très difficile, qu’il s’agisse d’un supérieur hiérarchique ou pas»
Le Matin : On entend de plus en plus parler de cas de harcèlement au travail, s'agit-il, d'après vous, d'un phénomène récent ? Et concerne-t-il plus les hommes ou les femmes ?
Ali Serhani : Non, le phénomène n’est pas du tout récent. Il a d’ailleurs toujours existé, mais on avait plus l’habitude de se taire. Grâce aux réseaux sociaux aujourd’hui, nous sommes au courant de beaucoup d’affaires. Certes, les femmes sont les plus concernées par le harcèlement sexuel, mais le harcèlement moral touche pratiquement tout le monde. Et ce qui est encore plus grave c’est que souvent cela rentre dans la normalité. La victime subit le harcèlement et essaye de le supporter comme si cela était normal.
Il est souvent difficile de prouver qu'on est victime de harcèlement au travail, surtout lorsque le harceleur est un supérieur hiérarchique. Pourquoi selon vous ?
Les juges ne peuvent se prononcer qu’après avoir examiné l’ensemble de preuves présentées par la victime. Et c’est là que se pose le problème, car malheureusement prouver un harcèlement au travail est toujours très difficile, qu’il s’agisse d’un supérieur hiérarchique ou autre. Le harceleur évite toujours de laisser derrière lui des preuves – pas de messages ou mails écrits –, les agressions sont généralement verbales et même sans témoin.
Quels sont les conseils que vous pouvez donner aux personnes victimes de harcèlement au travail ?
L’idéal serait de changer de lieu de travail et de quitter cette entreprise où elles sont victimes de harcèlement. Si cela n’est pas possible, il faut au moins demander à changer de service pour ne plus être en confrontation directe avec leur harceleur, sans oublier de prendre attache avec les délégués du personnel ou les délégués syndicaux pour les informer de cela. On leur recommande également d’informer un inspecteur du travail. Et si cela empire, il faut exposer son cas à un avocat qui lui montrera quoi faire et expliquera les voies juridiques et les procédures à suivre.
>> Lire aussi : Dénonciation de la violence faite aux femmes et aux filles : les principales recommandations du CNDH
