Le monde célèbre, ce mardi 28 février, la Journée internationale des maladies rares. Leur nombre dépasse aujourd’hui les 8.000 pathologies. Et pas moins de 1,5 million de personnes en souffriraient au Maroc. Ces maladies sont à l’origine de nombreuses difficultés pour les patients et leur famille. À commencer par le long combat qu’ils doivent mener (entre 2 et 10 ans) rien que pour établir un diagnostic exact. Puis arrive l’étape de la prise en charge et du traitement. Et là encore, les patients atteints de maladies rares se retrouvent face à de multiples obstacles tels que l’absence de centres de soins spécialisés, la non-disponibilité des médicaments… Pour améliorer leur prise en charge, les experts recommandent d’améliorer le diagnostic génétique de ces maladies.
Pas moins de 1,5 million de personnes atteintes au Maroc
«L’hérédité et la génétique jouent un rôle important dans la genèse des maladies rares. En effet, environ 80% d’entre elles sont d’origine génétique; elles prennent naissance dans nos chromosomes, dans la fameuse molécule d’ADN, d’où l’importance du diagnostic génétique», souligne Dr Khadija Moussayer, présidente de l’Alliance Maladies Rares au Maroc (AMRM). Et d’ajouter que «ces vingt dernières années, le diagnostic génétique des maladies rares a connu une grande révolution, grâce aux nouvelles techniques d’analyse de l’intégralité du génome humain. La progression de cette technologie appelée séquençage a été fulgurante. Le temps de sa réalisation est passé de plus d’une année à moins d’une journée et son coût est passé de dizaines de millions de dollars à quelques centaines de dollars».
Dr Moussayer explique, par ailleurs, que les maladies rares sont généralement transmises des parents aux enfants, soit selon le mode dominant ou récessif. «Pour le mode dominant, il suffit qu’un des parents soit porteur du gène altéré pour que l’enfant ait un risque de 50% de développer la maladie. Pour la transmission de type récessif, chacun des deux parents va avoir une seule copie du gène défaillant, insuffisante pour les rendre malades, mais leur enfant en regroupant les deux copies va avoir un risque de 25% de présenter la maladie. Le mariage consanguin, encore fréquent au Maroc, augmente le risque des maladies génétiques de type récessif», développe le médecin.
Afin de sensibiliser le corps médical aux maladies rares et attirer l’attention sur la nécessité d’améliorer le diagnostic génétique au Maroc, l’AMRM a organisé, samedi dernier à Casablanca, la quatrième Journée nationale des maladies rares sur le thème «Les maladies rares et l’hérédité». Cette rencontre a été l’occasion de mettre en avant les nouvelles techniques de diagnostic qui ont ouvert le champ à la thérapie génique, une autre façon de traiter les maladies génétiques en remplaçant le gène malade par un gène sain.
Dr Khadija Moussayer, présidente de l’Alliance Maladies Rares au Maroc : «De nombreux médicaments efficaces ne sont pas encore disponibles chez nous»
Le Matin : Quel est l'état des lieux des maladies rares au Maroc aujourd'hui ?
Dr Khadija Moussayer : Ces maladies posent encore d’énormes difficultés aux patients et à leurs familles : errance diagnostique, isolement psychologique, difficulté d’accès aux soins, situation de handicap physique ou mental. Néanmoins, ces dernières années, d’importants progrès ont été accomplis. Des médecins-généticiens, qui sont au cœur des maladies rares, ont été plus nombreux à être formés. Des pédiatres se sont spécialisés à juste titre en neuropédiatrie, les symptômes neurologiques étant très fréquents dans la présentation clinique des maladies rares. Par ailleurs, la spécialité de médecine interne est devenue de plus en plus connue par le grand public, son rôle est crucial dans les maladies auto-immunes dont la plupart sont rares.Et qu'en est-il de la prise en charge des patients ?Il existe 8.000 maladies rares et seulement 5% d’entre elles bénéficient d’un traitement médicamenteux. Il y a eu une amélioration indéniable de la prise en charge de certaines maladies rares avec introduction et remboursement de médicaments très onéreux. C’est le cas notamment des maladies lysosomales, où une partie de la cellule, appelée le lysosome responsable de la digestion et du recyclage des déchets de la cellule, est défectueuse.Toutefois, de nombreux médicaments ne sont pas encore disponibles dans notre pays, je cite le cas de l’angiœdème héréditaire, une maladie rare qui peut engager le pronostic vital par la survenue d’un œdème laryngé et dont des traitements très efficaces existent. Il y a, par ailleurs, une insuffisance de structures spécialisées dans les maladies rares.
Quelles sont, d'après vous, les actions à mener pour améliorer la prise en charge des patients ?Le chantier est vaste, il faut absolument l’implication des autorités sanitaires dans ces maladies. Parmi les mesures qui me paraissent urgentes, il y a la généralisation du dépistage néonatal qui permet d’éviter le handicap mental qu’engendre l’hypothyroïdie congénitale et celle de la phénylcétonurie qui peuvent être soignées, respectivement par un traitement peu onéreux et par un régime alimentaire spécifique. Il faut sensibiliser aux risques des mariages consanguins qui augmentent l’incidence des maladies rares.Les tests génétiques occupent une place centrale dans le diagnostic des maladies rares, et parfois dans le choix des traitements et dans des décisions d’interruption de grossesse. Un effort doit être fait pour mieux équiper les centres de médecine génétique. C'est en activant tous ces leviers que les personnes atteintes de maladies rares pourront espérer un meilleur avenir dans notre pays.
Lire aussi : Maladies rares : l'accès aux traitements toujours très compliqué