C’est l’une des ombres qui persistent encore au tableau des réformes engagées dans le secteur. La santé mentale est mal en point au Maroc. De l’aveu même du ministre de tutelle, Khalid Aït Taleb, qui intervenait mardi dans le cadre de la séance des questions orales à la Chambre des représentants, le secteur souffre de plusieurs insuffisances, à commencer par le manque des médecins spécialisés. Le secteur compte en tout pour tout 343 psychiatres, répartis sur les secteurs privé et public, soit un médecin pour 100.000 habitants, alors que l’Organisation mondiale de la santé préconise un taux de couverture de 1,7 médecin pour 100.000 habitants.
Santé mentale : difficulté d'accès aux soins pour les malades
ce problème s’ajoute la faible capacité d’accueil des 34 structures hospitalières existantes qui comptent seulement 2.330 lits, soit une moyenne de 6,64 lits pour 100.000 habitants. Ces chiffres confirment les indicateurs dévoilés par la conseillère du groupe parlementaire du Rassemblement national des indépendants, Fatima Hassouni, qui interpellait mardi le ministre sur la santé mentale des Marocains. D’après cette parlementaire, les études et rapports publiés par le ministère de la Santé lui-même, au cours des dernières années, révèlent que près de 40% des Marocains âgés de plus de 15 ans souffrent de troubles mentaux et psychiatriques, soit 9,6 millions de citoyens. Selon les mêmes statistiques, plus de 26% des Marocains souffrent de dépression au cours de leur vie, 9% de troubles anxieux et 5,6% de troubles mentaux, alors que 1% des Marocains souffrent de schizophrénie.
Pourtant la grande partie de ces malades rencontrent beaucoup de difficultés à accéder aux soins nécessaires, à cause du coût exorbitant des consultations chez les psychiatres privés, faute de médecins publics, et le prix cher des médicaments qui ne sont pas toujours disponibles, bien que le ministère de la Santé mobilise annuellement 90 millions de dirhams pour le financement de la distribution gratuite des médicaments.
Khalid Aït Taleb annonce une stratégie nationale 2024-2030
Face à ces chiffres effrayants, le ministre de la Santé a fait savoir que son département élaborait un plan national stratégique multisectoriel pour la santé mentale qui s’étalera sur la période entre 2024 et 2030. Ce plan devra prendre en compte l’approche du genre et des droits humains, et veillera à lutter contre le phénomène de stigmatisation des personnes atteintes de troubles mentaux et à garantir leurs droits sociaux et économiques.
Par ailleurs, le ministre annonce le lancement prochain d’une étude d’évaluation du système de santé mentale avec le soutien de l’Organisation mondiale de la santé. Il sera en outre question selon le ministre de compléter le cadre juridique de la santé mentale à travers la promulgation de la loi sur la santé mentale actuellement dans le circuit législatif et une deuxième loi sur les spécialités de la santé mentale. En outre, le ministre a prévu, pour faire face au problème de manque de ressources humaines, l'augmentation prochaine du nombre des spécialistes dans ce domaine, faisant état de la formation chaque année de 30 psychiatres ainsi que 10 pédopsychiatres et 185 infirmiers spécialisés. S’agissant du volet relatif au renforcement des structures d’accueil, Khalid Aït Taleb a fait savoir que de nouveaux établissements de santé mentale pour la prise en charge de malades souffrant de troubles mentaux seraient créés au niveau de Kénitra, Fès, Agadir, Béni Mellal et El Kelâa, d’une capacité d’accueil de 920 lits chacun. À cela s’ajoute l’augmentation de la capacité d’accueil du Centre d’accueil psychiatrique à Berrechid et la création de services spécialisés dans les centres hospitaliers relevant de Guelmim, Ksar El-Kebir, Dakhla, Khouribga, Midelt et Azilal.
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