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«Montréal-Marrakech» : Une collaboration Sud-Nord, d’égal à égal

Les 23, 24 et 25 juin se joueront les premières du spectacle de danse «Montréal-Marrakech», au Festival Montpellier Danse. Conçu par les chorégraphes Taoufiq Izeddiou et sa consœur Danièle Desnoyers, le spectacle se veut comme un pont de création entre les deux rives de l’Atlantique, sur un pied d’égalité.

Depuis leur rencontre à Marrakech lors du Festival «On Marche», les chorégraphes Danièle Desnoyers et Taoufiq Izeddiou ont entrepris un projet de collaboration artistique qui dépasse les frontières géographiques et culturelles. Travaillant d'égal à égal, ils ont uni leurs visions artistiques distinctes pour créer un langage commun et repousser les limites de la danse contemporaine. Leur pièce intitulée «Montréal-Marrakech», créée en plusieurs étapes depuis 2019, sera présentée en première mondiale lors du festival Montpellier Danse, les 23, 24 et 25 juin. Pour enrichir leur création, ils ont également fait appel au musicien Ben Shemie, leader du groupe Suuns, et au concepteur lumière Hugo Dalphond, qui ont apporté une contribution essentielle.

Danièle Desnoyers, figure phare de la scène québécoise et directrice de la compagnie Le Carré des Lombes depuis 1989, est connue pour avoir le goût des pièces atypiques, mêlant danse, arts visuels et musique dans des configurations sophistiquées. De son côté, Taoufiq Izeddiou est un fervent défenseur de la danse contemporaine au Maroc. Il a fondé la compagnie Anania et créé le Festival de danse contemporaine «On Marche» à Marrakech. Depuis la fin des années 1990, il développe une pratique innovante, fusionnant tradition et modernité sur la scène chorégraphique internationale.

Travaillant dans deux régions du monde très différentes, ces deux chorégraphes ont ressenti le désir de confronter leurs approches de la danse et de pousser leurs écritures prospectives vers un objectif commun. C'est ainsi que le projet «Montréal-Marrakech» a pris forme, engageant le binôme dans un entre-deux expérimental inclassable, nourri par des questionnements à la fois artistiques et politiques, notamment sur le rapport à l'autre et au monde.

La pièce chorégraphique incarne cette hybridité fondamentale, dépassant les territoires définis. Elle se matérialise à travers quatre interprètes, deux femmes et deux hommes, issus de formations et de cultures diverses. Du côté de Montréal, Myriam Arseneault et Abe Simon Mijnheer, tandis que du côté de Marrakech, Chourouk El Mahati et Moad Haddadi.

Écrire à deux

Le projet est né de l'invitation de Taoufiq Izeddiou à quelques membres de la délégation québécoise pour assister au festival «On Marche». Inspirés par ce contexte unique, les deux chorégraphes ont choisi de proposer un travail conjoint avec davantage d'impact et de mordant : une véritable co-création au lieu de simplement présenter leurs travaux dans leurs pays respectifs. Taoufiq souhaitait ainsi offrir à ses danseurs la possibilité de découvrir une réalité de la danse différente de celle du Maroc.

Pour Danièle Desnoyers, cette collaboration lui permettait de satisfaire sa curiosité envers le Maroc et de sortir des sentiers battus en créant dans des contextes extraordinaires. Mais c’était également, pour elle, une manière de faire œuvrer la danse dans le rapprochement entre les deux rives, surtout en réalisant les difficultés dans lesquelles pataugent les danseurs marocains. Une co-création avait donc un bien meilleur apport que des étalages de savoirs mutuels.

Mais très vite, les deux chorégraphes ont réalisé qu'ils devaient trouver un terrain d'entente pour harmoniser leurs écritures et établir un langage commun. Pour Danièle Desnoyers, le défi consistait à trouver les mots et les balises pour accorder leurs violons et donner vie à leur projet. Pour Taoufiq Izeddiou, il a suffi de s’écouter mutuellement pour avancer ensemble, symbolisant ainsi l'essence de leur collaboration artistique.

Le bassin vu du Nord

Très vite, les deux chorégraphes se sont confrontés aux différences d’approche de la danse, entre le Maroc et le Canada, ou à plus large mesure, l’Afrique/Orient et l’Occident, notamment en ce qui concerne le travail du bassin, qui été un point central de leur collaboration. Taoufiq Izeddiou a soulevé la question des bassins du monde, soulignant que plus on se dirige vers le Sud, plus le bassin est sollicité dans la danse, tandis qu'au nord, il est pratiquement absent, ce qui a posé une véritable question politique dans leur création. Ils ont donc cherché à canaliser et à trouver des chemins communs, en explorant les failles et «en tombant pour mieux se relever», explique Danièle Denoyers, en soulignant que danser avec le bassin ne revêt pas la même signification pour une femme montréalaise que pour une femme marocaine. Si cette dernière a l’habitude de danser avec le bassin dans une expression traditionnelle, la femme occidentale relie la danse du bassin à une certaine lascivité et à la sexualité. Les différentes perceptions et sensations ont donc enrichi leur travail, évitant les stéréotypes et les clichés souvent associés à la danse avec le bassin.

La création de «Montréal-Marrakech» représente une expérience unique de co-création artistique, transcendant les frontières géographiques et culturelles. Danièle Desnoyers et Taoufiq Izeddiou ont su relever le défi d'unir leurs visions artistiques distinctes pour créer un langage commun et repousser les limites de la danse contemporaine. Cette collaboration témoigne de l'importance de l'échange et du dialogue dans la création artistique, en mettant en lumière les richesses et les possibilités qui émergent de la rencontre entre différentes cultures et expériences.

Danser marocain

Malgré l’évolution dynamique et prometteuse de la scène de la danse contemporaine marocaine, qui gagne en visibilité et en reconnaissance internationale et malgré les efforts personnels des chorégraphes marocains, la discipline fait encore face à plusieurs défis. Les ressources financières limitées, le manque de structures adaptées et la reconnaissance institutionnelle sont autant d’obstacles à surmonter pour assurer une pérennité et un développement continus de la danse contemporaine dans le pays.

Militant de toujours de la reconnaissance de la danse contemporaine comme discipline artistique distincte des danses populaires et du théâtre, Taoufiq Izeddiou ne cesse de former des danseurs et de multiplier les canaux d’échange et de création pour imposer le Maroc sur la scène internationale. Pour le chorégraphe, la danse au Maroc a tout à offrir à la danse contemporaine mondiale qui, elle, a été largement explorée.

Créateur inlassable, Taoufiq Izeddiou poursuivra ses représentations puis qu’il dansera lui-même le 30 juin, le spectacle «Danse Nord» dans le cadre du même festival. Il se déplacera à Marseille, les 4 et 5 juillet, pour présenter sa création «Hors du monde» au Festival de Marseille. Il clôturera sa tournée à Berlin et à Zurich, avec le spectacle «Hmadcha», fin août.

Lire aussi : La danse, une discipline marginalisée au Maroc, selon les professionnels

 

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