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Partis politiques : la lecture sans concession de Mustapha Sehimi

Quelle lecture pouvons-nous faire de la scène politique ? La majorité est-elle trop forte ou au contraire c’est l'opposition qui trop faible ? Selon le professeur de droit et politologue Mustapha Sehimi, tant la majorité que l'opposition sont aujourd'hui faibles. La première n'a pas la capacité de porter et d'incarner les réformes, alors que la seconde est fragmentée et présente un large spectre de référentiels politiques.

Partis politiques : la lecture sans concession de Mustapha Sehimi
Mustapha Sehimi.

La majorité est aussi faible que l’opposition. Cette faiblesse trouve son origine, d’après Mustapha Sehimi, dans le système politique et le système partisan. «Nous vivons aujourd'hui une crise de la représentation institutionnelle, politique, partisane, etc., et donc les discours des partis politiques, de la majorité comme de l'opposition, ne sont ni audibles, ni mobilisateurs».

La conjoncture politique n’est pas d’une grande lisibilité

Il y a des facteurs qui ne permettent pas d’identifier des clivages significatifs entre la majorité et l’opposition. Les conditions dans lesquelles se sont composées et la majorité et l’opposition ne sont pas d’une grande cohérence. Pourquoi ? «Tout d’abord, nous avons des partis qui étaient dans la majorité pendant 10, 15, 20 ans, etc., qui se retrouvent aujourd’hui dans l’opposition. Et donc c’est un élément de confusion pour le citoyen et l’analyse politique», explique M. Sehimi.

Concernant la cas particulier du Rassemblement national des indépendants (RNI), le politologue se dit perplexe par l’attitude de ce parti qui «se comporte comme s’il n’avait aucune part de responsabilité dans les bilans des précédents cabinets. Cette situation est tout à fait préoccupante». Pour lui, c’est comme s’il s’agissait de tout refaire à partir d’octobre 2021, sans assumer le bilan des précédents cabinets. «Or dans ces cabinets, le RNI avait des postes clés, notamment ceux du Commerce, de l’Industrie, de l'Agriculture, etc.», rappelle le politologue. M. Sehimi soulève ainsi la problématique liée au «déni de responsabilité». «Nous avons le sentiment aujourd’hui que les nouveaux ministres veulent faire du neuf comme si rien n’avait été fait auparavant et chaque ministre s’occupe donc de minorer, voire évacuer ce qui a été fait par son prédécesseur, et cela nuit à la lisibilité des politique publiques», dit-il.

Promesses du gouvernement Akhannouch

Les déclarations générales du gouvernement en fin octobre 2021 étaient très optimistes (création d’un million d’emploi, taux de croissance de 6%, une batterie de mesures sociales…). Mais il se trouve aujourd’hui que dans les faits, on est loin du compte. Pourquoi ? Cela serait imputable, selon le politologue, à deux raisons :

  • Même si ce gouvernement compte d'excellents profils, ceux-ci restent néanmoins des profils technocratiques. La difficulté pour eux est de mettre à profit leurs compétences et de les traduire en politiques publiques dans leurs départements respectifs.
  • On a le sentiment que ce gouvernement travaille en «silos». C’est-à-dire que chacun est dans un couloir sans aucune possibilité de coordination. Il y a des choses qui avancent, comme c’est le cas dans le secteur de l’eau, qui est pris en main enfin avec une politique d’équipement, de valorisation, etc. Il y a aussi le secteur de l’Industrie qui se porte bien. Il y a également celui de l’Éducation qui a l’avantage d’avoir une vision de réforme pour 2030. La difficulté à côté de ce travail sectoriel est de coordonner tout cela au niveau du Chef du gouvernement pour donner une visibilité à une politique.

Conjoncture internationale hostile

En octobre 2021, rappelle M. Sehimi, personne ne pouvait prédire que le 24 février 2022 il y aurait le déclenchement du conflit russo-ukrainien avec les effets qui s'en sont suivis, avec la hausse des prix des hydrocarbures, des céréales, etc. D'autant plus que nous étions dans le dernier semestre de la pandémie dont les mesures restrictives n'ont été levées qu'en avril 2022. Le gouvernement n'a donc pas bénéficié d'une conjoncture internationale favorable.

Le PAM est dans une position confortable

En ce qui concerne les deux autres partis formant la coalition gouvernementale aux côtés du RNI, M. Sehimi est d'avis que le PAM se trouve dans une position confortable. Ce parti «a fait la meilleure affaire, car il rentre en fin de compte dans le gouvernement avec 7 portefeuilles». Ce parti, poursuit le politologue, est également attendu au tournant sur sa capacité à mener jusqu'au bout les réformes sociales qui sont à l'ordre du jour (Code pénal, Code de procédure pénale, Code de la famille et aussi Code du travail). Par ailleurs, et concernant les sorties médiatiques et les déclarations du secrétaire général de cette formation, M. Sehimi estime que la communication de ce dernier est «brouillonne et confuse».

L’Istiqlal dans une situation moins confortable

Quant au Parti de l'Istiqlal, le politologue pense que cette formation est dans une situation moins confortable, tout d'abord parce qu'elle est sous-représentée dans ce gouvernement. L'autre facteur gênant pour l'Istiqlal est le statut de son secrétaire général, Nizar Baraka, et la cohésion de son équipe. «L'Istiqlal a connu plusieurs crises, dont la séquence de son ancien secrétaire général Hamid Chabat. Mais sur les 25 membres de son comité exécutif, aucun n'est ministre», note M. Sehimi.

Une opposition éclatée

En ce qui concerne l'opposition, que le contexte inflationniste était censé revigorer, M. Sehimi souligne qu'elle est éclatée avec un large spectre de courants. «Il y a peu de points d'accord entre les cinq partis d'opposition (PJD, USFP, PPS, MP et UC)», précise le politologue. Concernant particulièrement le cas de l'USFP, le politologue estime que l'idée qui circule concernant le positionnement ambigu de cette formation politique et selon laquelle elle tablerait sur un remaniement gouvernemental «qui se fera le moment venu», n'est pas à écarter.

Lire aussi : Entre arguments et contre-arguments, le gouvernement et l’opposition à l’heure du bilan

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