Un débat très fructueux a pris place après la présentation de «Seule» (Éditions Fayard), qui est le deuxième roman de Nesrine Slaoui, où elle raconte deux histoires en parallèle. Celle de Nora parisienne, la trentaine, et Anissa à l’âge de l’adolescence, qui vit à Argenteuil. «J’ai choisi le titre "Seule", parce que dans leur vie chacune endure seule son drame et toutes les deux passent par des violences un peu spécifiques. Anissa est victime de cyber-harcèlement qui se termine par un drame. Et Nora est sur une relation de couple très violente. Pas physique, mais psychologique. C’est un peu tabou, car on a du mal à comprendre qu’il y a aussi des violences qui ne sont pas physiques, par exemple des manipulations, des insultes, des intimidations…»
En lisant le livre, on comprend pourquoi Nesrine a choisi ces deux personnages, dont les histoires se croisent à un moment donné du récit. Au départ, on comprend qu’elles ont en commun le fait d’être toutes les deux issues de l’immigration maghrébine, avec des parents marocains qui ont quitté Casablanca et Tanger dans les années 1970-1980 pour aller s’installer en France.
Dans ce roman, l’auteure voulait montrer ce que d'être une femme maghrébine en France, ce qu’elle vit, ce qu’elle peut endurer à 30 et à 15 ans. «Je trouve que c’est une identité très particulière pour cette femme. C’est le fait de ne pas trouver sa place ni en France ni au Maroc. Elle passe par un vécu plein de discriminations, tout en vivant des choses aussi sexistes comme toutes les femmes, à travers leur relation avec les hommes», précise Nesrine Slaoui qui ne parle pas seulement des relations de couple, car l’auteure a évoqué la relation de Nora avec son père. «J’ai aussi voulu parler des relations père-fille, sachant que beaucoup de papas se posent la question sur l’éducation de leurs filles dans ce monde-là et comment éduquer les garçons pour que les violences s’arrêtent. Moi, je pense qu’il y a beaucoup de violences héritées de la colonisation, avec des souffrances qu’on transmet de génération en génération, mais qui restent toujours taboues».
Le livre «Seule» donne l’impression d'être facile et qu’on peut le lire d’un trait, mais en fait il n’est pas aussi simple que ça parce qu’il parle de beaucoup de choses en même temps. À part les histoires des deux femmes et la question qui se pose : comment une femme se laisse-t-elle dominer sans réagir ? C’est la réponse à cette question que Nesrine cherchait dans son livre, en plus de la problématique inquiétante des réseaux sociaux. «C’est un espace peu régulé, notamment pour la haine des jeunes filles qui se prennent des remarques très violentes et sont en permanence jugées. Alors, ça devrait être un espace d’échange, de démocratie, d’égalité de parole entre homme et femme», indique N. Slaoui qui ne manque pas de souligner que l’idée de ce livre lui est venue, en mars 2021, après avoir assisté à la Marche blanche en hommage à Anisha d’Argenteuil, qui a été tuée par un camarade de classe, en la poussant dans la Seine. «Cette histoire m’avait vraiment marquée et m’a alertée sur plusieurs choses qu’il fallait dire. D'autant que moi, je préfère faire des livres qui font un peu de la sensibilisation aux violences et aux discriminations».
Rappelons que l’écriture pour Nesrine n’est pas née d’aujourd’hui, parce qu’encore très jeune, elle a toujours écrit, mais quand elle a grandi la question qu’elle se posait est : quand est-ce qu’elle sera publiée ? «J’ai toujours eu envie de raconter des histoires depuis toute petite. Comme je suis journaliste, j’ai cette volonté d’écrire des histoires vraies, mais j’aime aussi écrire de la fiction. Je pense que c’est dû au fait que je suis fille unique. Comme on s’ennuie beaucoup, on s’invente des histoires. Puis, je suis une grande lectrice et une fervente passionnée des mots».
Biographie de Nesrine Slaoui
Diplômée en Sciences Po, Nesrine Slaoui est journaliste. Elle a été chroniqueuse et présentatrice à France4, puis reporter
pour I-télé et France3. Elle a publié son premier livre «Illégitimes» (2021) aux Éditions Fayard. Elle a, aussi, écrit un édito pour «Femmes du Maroc», «Le Harem invisible» en hommage à Fatéma Mernissi. En découvrant la littérature de la défunte, elle veut partir à la quête du féminisme dans les rues de Fès et de son identité d’origine, pour comprendre quelle est sa vraie identité : française, marocaine ou les deux.