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SIAM 2023 : L’agriculture africaine face au changement climatique

Après les deux conférences tenues à Marrakech en amont de la COP22 en septembre 2016 et à l'Université polytechnique Mohammed VI de Benguérir en novembre 2019, une troisième conférence de l'Initiative pour l'adaptation de l'agriculture africaine au changement climatique (Initiative AAA) a été organisée les 3 et 4 mai, en marge du Salon international de l'agriculture au Maroc (SIAM 2023). Rassemblant un parterre de hauts responsables africains de l'agriculture et de l'économie rurale, ainsi que des représentants d'institutions techniques et financières, cette réunion a été notamment marquée par la présentation du rapport du comité scientifique et des recommandations de l'atelier des donneurs.

SIAM 2023 : L’agriculture africaine face au changement climatique
Ph. Sradni

Lancée par le Royaume du Maroc lors de la COP22 à Marrakech en novembre 2016, l'Initiative pour l'adaptation de l'agriculture africaine au changement climatique (Initiative AAA) vise à enrayer la vulnérabilité de l'Afrique et de son agriculture aux changements climatiques en soutenant la mise en œuvre de projets concrets destinés à améliorer la gestion des sols, la maîtrise de l'eau agricole, la gestion des risques climatiques et le développement des capacités et des solutions de financement.

Comme la sécurité alimentaire sur le continent reste extrêmement exposée aux aléas du changement climatique, la conférence organisée en marge du SIAM 2023 a donc offert aux acteurs de l'agriculture africaine l'occasion d'évaluer les progrès accomplis, de réfléchir aux défis posés et aux moyens de les relever. «L’initiative AAA tient, aujourd’hui, une place élevée dans l’agenda politique. Elle bénéficie de l’adhésion et de l’appui d'un grand nombre de pays africains, d’organisations internationales et régionales, d’institutions financières, du secteur privé et de la société civile. Elle est également soutenue par un comité scientifique international de haut niveau puisant son expertise dans les institutions académiques et de recherche de renommée mondiale», a indiqué en ouverture des travaux de cette conférence ministérielle le ministre l'Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, Mohammed Sadiki. «Dès son lancement, nous étions conscients que pour maintenir la dynamique vertueuse créée par la COP22 et pour répondre aux attentes générées, il était impératif de réussir une mise en mouvement rapide et de démontrer des résultats tangibles sur le terrain. Dans ce sens, et avec l’appui de la Banque mondiale, de l’Agence française de développement, du Partenariat NDC, du Centre international d’agriculture tropicale (CIAT), de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et des experts locaux africains, «l’Initiative AAA» a entrepris l’accompagnement des pays africains frères dans un processus de renforcement de capacités et de formulation de plans nationaux d’investissement dans l’adaptation et la transformation du secteur agricole et la préparation de projets spécifiques et bancables dans chacune de ses 4 composantes, à savoir la gestion des sols, la gestion de l’eau, la gestion des risques, notamment par des mécanismes assurantiels, et le déploiement d’instruments novateurs de financement de l’agriculture familiale», a ajouté le ministre.

Ces Plans, poursuit M. Sadiki, «sont des outils stratégiques complets visant à renforcer la résilience des agriculteurs face aux changements climatiques et à assurer une sécurité alimentaire durable. Aujourd’hui, sept pays africains (Côte d'Ivoire, Mali, Cameroun, Ghana, Burkina Faso, République du Congo et Maroc) ont pu bénéficier de ces Plans, nécessitant ensemble un investissement de 2,4 milliards de dollars et sont susceptibles de profiter à près de 9 millions de petits agriculteurs».

Sécurité alimentaire en Afrique : beaucoup de défis restent à relever

Prenant également la parole lors de cette conférence, le président du Conseil économique, sociale et environnemental et de l’Union des Conseils économiques et sociaux et institutions similaires d’Afrique (UCESA), Ahmed Reda Chami, a rappelé que le Maroc a adopté un ensemble de plans et de stratégies (Maroc Vert, Génération Green 2020-2030, Halieutis, la Stratégie énergétique de 2009 et celle de l’eau) dans l’objectif de renforcer la production, la transformation et la commercialisation des produits agricoles et alimentaires. «Ces stratégies ont certes permis au pays de développer ces secteurs de manière considérable, mais des défis restent encore à relever, ayant trait notamment à l’adaptation aux changements climatique, à l’utilisation efficiente de l’eau, à la capacité de transcender les frontières dans l’optique d’intégrer les chaînes de valeur régionales et de diversifier les marchés d’exportation et à la transformation et la commercialisation des produits alimentaires», a dit M. Chami.

Ces défis, poursuit le président du CESE et de l’UCESA, ne concernent pas uniquement le cas du Maroc, mais la majorité des pays africains, d’où l’importance de développer une vision concertée avec des objectifs et des cibles communs en matière de sécurité et de souveraineté alimentaires. Et pour asseoir cette vision, il serait opportun d’après M. Chami de :

  • Renforcer le processus d’intégration régionale en Afrique via un effort permanent en matière d’harmonisation des politiques et des réglementations agricoles, commerciales et industrielles et la mise en place des cadres d’intégration dynamiques et viables.
  • Développer des chaînes de valeur régionales dans le domaine agro-alimentaire pour assurer la complémentarité et l’échange des avantages comparatifs entre les pays africains. Trois filières illustrent bien ces potentialités de co-développement : le sucre, le cacao et l’anacarde.
  • Améliorer la résilience africaine face au changement climatique en créant de nouvelles variétés capables de résister aux conditions climatiques changeantes.
  • Mobiliser les financements nécessaires en incitant notamment les gouvernements à prendre en compte la composante adaptation dans leurs budgets, et en se mobilisant pour pousser les gouvernements des pays industrialisés à honorer leurs engagements, notamment la mobilisation des 100 milliards de dollars par an promis lors de la COP 2009 de Copenhague.
  • Mieux organiser les circuits de commercialisation des produits agricoles et limiter la spéculation des intermédiaires.
  • Protéger, réhabiliter et valoriser les écosystèmes forestiers et leurs services, vu leurs rôles en matière de régulation du cycle d’eau, de séquestration du carbone, d’alimentation humaine et animale et de lutte contre la vulnérabilité sociale.

L'Afrique a le potentiel de faire de son secteur agroalimentaire un levier majeur de son développement global

Dans le rapport du Comité scientifique de l’initiative AAA présenté à l'issue de cette conférence ministérielle, il a été bien noté que «l'Afrique a le potentiel non seulement d'assurer sa sécurité alimentaire, mais aussi de faire de son secteur agro-alimentaire un levier majeur de son développement global». «Pour cela, l'agriculture ne doit plus subir mais s'organiser et renforcer sa résilience», souligne le rapport. Pour atteindre cet objectif, le comité scientifique de l'Initiative a mis l'accent sur 8 points :

  • Intégrer l’adaptation de l’agriculture au changement climatique et la protection de l’environnement dans la planification économique.
  • Accroître les investissements publics dans l’agriculture et les infrastructures connexes et promouvoir les partenariats avec le secteur privé dans ces domaines.
  • Améliorer l’accès au financement, en particulier pour les petits agriculteurs.
  • Encourager la gestion des risques climatiques par des systèmes assuranciels adaptés aux conditions spécifiques des agricultures africaines.
  • Accorder une attention particulière à la filière technologique, soit l’ensemble «recherche- formation-développement», étant donné qu’elle est la clé de l’amélioration de la productivité, de la compétitivité, de la résilience et de la durabilité.
  • Exploiter les opportunités qu’offre la digitalisation.
  • Faciliter l’adoption par les agriculteurs des technologies appropriées par un ensemble cohérent de subventions intelligentes et ciblées.
  • Redoubler d’efforts pour parvenir à un accord dans le cadre des négociations climatiques multilatérales se tenant dans le cadre des COP sur les questions qui préoccupent le plus l’Afrique.

L'agriculture africaine face aux changements climatiques : que préconisent les donneurs ?

L'atelier des donneurs, réuni le 3 mai, a également formulé des recommandations relatives à :

  • L'intégration des risques liés aux changements climatiques dans les politiques africaines, à travers le développement de mécanismes d'anticipation, la prise en compte de la diversité de ces risques et le développement de systèmes d'assurance.
  • La reforestation pour faire face au principal défi climatique de l'Afrique, à savoir un accroissement de la sécheresse.
  • La régénération des terres dégradées, qui représentent 65% des terres africaines (et peuvent générer 70 milliards de dollars).
  • Trouver des mécanismes d’appui pour les startups porteuses d’innovation (et donc de risque), comme par exemple instituer des quotas en leur faveur dans les marchés publics.
  • Décloisonner le concept de développement agricole pour l’intégrer dans un développement systémique et trouver des solutions spécifiques à chaque territoire ou contexte.

Lire aussi : SIAM 2023 : Tenue de la troisième Conférence Ministérielle de l'Initiative AAA

Lire aussi : La sécurité alimentaire tributaire de politiques agricoles et alimentaires performantes et efficaces (Chami)

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