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Sociétés régionales multiservices : ce qu'en pense l'expert Amin Bennouna

Les sociétés régionales multiservices soulèvent de nombreuses interrogations. Pour nombre d’observateurs, le passage à ces sociétés, où la participation publique au capital ne peut être supérieure à 10%, conduira systématiquement à une augmentation du coût du mètre cube d’eau et du kilowattheure d’électricité. Mais pour l’expert en énergie Amin Bennouna, le problème se situe ailleurs : seules cinq régions ont la capacité de drainer les investissements privés nécessaires à la mise en place de ces SRM. Pour les sept autres, la situation s’avère bien plus complexe.

Sociétés régionales multiservices : ce qu'en pense l'expert Amin Bennouna

L'arrivée prochaine d’entreprises régionales pour assurer la gestion des services de distribution d’électricité, d’eau potable et d’assainissement liquide de services mutuels ne cesse d’inquiéter. De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer une «marchandisation» de la gestion de ces services vitaux. Amin Bennouna, lui, envisage la question sous un autre angle.

Avec la marge actuelle, la distribution d'électricité dans les grandes villes assure son autosuffisance

Invité de «l'Info en face» pour parler particulièrement d'une éventuelle hausse du coût du kilowattheure après le passage aux SRM, M. Bennouna indique qu’«aujourd'hui, il y a des sociétés de distribution hors ONEE (et même au sein de l'ONEE) qui prennent l'électricité à 85 centimes le kilowattheure et la revendent en moyenne (tous niveaux de tension et de consommation mensuelle confondus) à 1,15 dirham, ce qui leur laisse une marge brute de 30 centimes le kilowattheure». «Avec ces 30 centimes, la distribution d'électricité est censée être autosuffisante, c'est-à-dire qu'elle couvre toutes ses charges. Pour les distributeurs privés, ce type de tarif est suffisant, étant donné qu'ils opèrent dans le cadre d'une gestion déléguée, dans des villes où il y a beaucoup de clients et où la distance entre les clients est relativement faible. Ce tarif est donc suffisant et les entreprises dégagent des bénéfices», explique l’expert.

Pourquoi faire appel aux sociétés régionales multiservices ?

En réponse à cette question, M. Bennouna fait remarquer que certains pensent que cela serait imputable à l'existence de certains points noirs où il y aurait une «guéguerre» entre l'ONEE et certaines sociétés (Casablanca, Marrakech, etc.), soulignant que «ce n'est pas vraiment de cela qu'il s'agit». «Dans certains endroits, ce sont des régies communales ou privées qui sont responsables de la distribution de l'eau et de l'électricité, ainsi que de l'assainissement. Dans d'autres, c'est l'ONEE qui est responsable de ces trois services, et encore pour d'autres, l'ONEE n'est responsable que de la distribution de l'électricité, tandis que les régies locales sont responsables de l'eau et de l'assainissement. Il est tout à fait compréhensible qu'on veuille organiser tout cela, et je n'ai aucun problème avec l'idée d'aller vers la régionalisation. Mais le problème se situe ailleurs».

La gestion déléguée privée reste limitée aux grandes villes

«Si l'on partait de la situation politique visée par le Maroc avec ce concept de régionalisation avancée, et si l'on restait complètement dans ce cadre, on dirait alors : la régionalisation avancée équivaut à l'octroi de pouvoirs de plus en plus étendus aux douze régions», explique M. Bennouna. Et donc, poursuit-il, «comme en 1971 les communes ont été autorisées à créer des régies communales, puis en 1996 la loi de la décentralisation les a autorisées à déléguer la gestion, elles ont donc la possibilité de faire appel à des opérateurs, même privés. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que, malgré ce pouvoir, la gestion déléguée privée n'a pas beaucoup fait son chemin au Maroc. Les entreprises ne se sont bousculées pour aller distribuer l’eau et l’électricité à Figuig, par exemple, et on sait bien pourquoi».

Et l'expert – qui se déclare «contre le concept de marchandisation, car tout a un prix, et il doit être payé d'abord par le consommateur, et pas forcément par la collectivité» – d’affirmer que là où il sera gêné, c'est quand «nous allons avoir des disparités régionales énormes, et nous n'aurons pas d'entreprises privées qui voudront se lancer dans les régions les plus pauvres». «Il n'y aura pas de candidats à la porte et il faudra donc mettre de l'argent sur la table pour compenser les disparités entre les régions», affirme-t-il. Et de se demander : «qu'y a-t-il de vraiment régional dans cette loi en termes de pouvoir de décision ? C'est le gouvernement qui décide de tout et les régions n'ont qu'à subir.

Et à la fin, quand elles ne trouveront pas preneurs pour la gestion déléguée, qu'est-ce qu'on va faire ? On se tournera vers la solution consistant à faire appel à l'ONEE, parce que c'est très simple». Et de poursuivre : «quand un investissement privé ne rapporte pas, on n'a pas de candidats, et on se retrouve à appliquer ce qu'on a déjà fait ailleurs, le principe pas très beau consistant à privatiser les profits et à socialiser les pertes. En d'autres termes, les belles régions à forte densité de population et à forte consommation d'électricité trouveront preneurs. Et puis aux autres, personne ne s'intéressera, et ce sera à l'ONEE de prendre le relais».

D'après M. Bennouna, seules les régions de Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra, Marrakech-Safi, Tanger-Tétouan-Al Hoceïma et Fès-Meknès s'avèrent rentables aux tarifs d'aujourd'hui. «Toutes les autres ne pourraient pas être rentables et ne trouveraient pas preneur. Par conséquent, il faudra soutenir le prix de l'électricité, car sans cela, on ne pourra pas avoir un tarif uniforme dans les douze régions».

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