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Taux obligataires : Pourquoi ce retournement haussier agressif en 2022

Les taux obligataires au Maroc ont connu un retournement haussier agressif en 2022, marquant une rupture avec la tendance décennale, selon une nouvelle étude d’Attijari Global Research. Au-delà du durcissement de la politique monétaire de la Banque centrale, trois facteurs auraient accentué les pressions haussières sur les taux. Il s’agit du relèvement des exigences de rentabilité des investisseurs dans un contexte inflationniste, du recours quasi exclusif du Trésor au marché intérieur et du ralentissement de la demande des investisseurs en BDT.

Taux obligataires : Pourquoi ce retournement haussier agressif en 2022
La demande des investisseurs - qui a franchi à la baisse la barre symbolique des 300 milliards de DH à 253 milliards en 2022 - s’est orientée essentiellement vers des maturités courtes.

Attijari Global Research (AGR) vient de publier un rapport annuel sur le marché des taux marocain en 2022. Il en ressort que les taux obligataires ont connu un retournement haussier agressif l'année dernière dans un contexte marqué par le durcissement de la politique monétaire de Bank Al-Maghrib (BAM) entamé à compter du second semestre. Or, le renchérissement des conditions de financement du Trésor en 2022 contraste avec la bonne maîtrise des finances publiques. L’étude rappelle, en effet, qu’en dépit des surcoûts additionnels de la Caisse de compensation, l’État a pu mobiliser des ressources supplémentaires afin de maîtriser son déficit budgétaire à 5,1% contre 5,5% en 2021. Au-delà du durcissement de la politique monétaire de la Banque centrale, trois facteurs auraient accentué les pressions haussières sur les taux, selon les économistes d’Attijari Global Research.

Taux réels négatifs à partir du 2e trimestre

Le premier facteur concerne le relèvement des exigences de rentabilité des investisseurs dans un contexte de taux réels négatifs à compter du deuxième trimestre 2022, qui s’explique par une inflation élevée de 6,6% au terme de l'année, soit un plus haut depuis près de 30 ans. Ainsi, les taux obligataires ont subi des tensions haussières significatives compte tenu de la baisse importante de la demande des investisseurs confrontée à une offre soutenue en Bons du Trésor (BDT), principal instrument de financement public intérieur.

D’ailleurs, ce repli de la demande s’est traduit par une hausse du taux moyen de satisfaction de 8 points, passant de 38,7% en 2021 à 46,7% en 2022. «Dans ces conditions, nous avons assisté à un relèvement des exigences de rémunération des opérateurs locaux envers les BDT», détaillent les experts d’AGR.

Le deuxième facteur porte, justement, sur ce net ralentissement de la demande en BDT. Sur ce volet, l’étude AGR souligne qu’en plus de ce recul de la demande des investisseurs – qui pour la première fois depuis 2017 a franchi à la baisse la barre symbolique des 300 milliards de DH à 253 milliards en 2022 – cette demande s’est orientée essentiellement vers des maturités courtes.

Le poids de celles-ci dans les portefeuilles des investisseurs a progressé de 28% à 51% sur la période 2021-2022. Ceci s’est opéré au détriment des maturités moyennes (MT) dont le poids a reculé à 37% en 2022 contre 55% en 2021. Concernant le long terme (LT), sa part a reculé de 17 à 12% durant la même période.

Selon l’étude, ce net ralentissement de la demande en BDT et son orientation vers le compartiment CT (court terme) s’expliqueraient par trois principaux éléments. D’abord, le creusement du déficit de liquidité bancaire à fin 2022 de près de 22 milliards de DH à 86,5 milliards DH : la circulation fiduciaire a atteint un plus haut de plus de 30 ans. Ensuite, cela s’explique par l’orientation du Trésor vers les nouveaux mécanismes de financements innovants relativement plus attractifs que les BDT. Ces nouvelles opérations ont atteint 25 milliards de DH à fin 2022 alors que la loi de Finances 2022 ne prévoyait que 12 milliards. Enfin, ce recul de la demande traduit aussi le manque d’appétit des sociétés de gestion et des assurances envers les BDT dans un contexte inflationniste ainsi que les anticipations de relèvement du taux directeur.

Par ailleurs, le troisième facteur qui aurait contribué à accentuer les pressions haussières sur les taux concerne le recours quasi exclusif du Trésor au marché intérieur de la dette publique vu que les conditions de financement à l’international étaient nettement moins favorables par rapport à la dernière sortie de 3 milliards de dollars en 2020. D’ailleurs, la part du financement intérieur a représenté 91% du financement global en 2022 contre 89% en 2021, et une moyenne de 50% durant la période 2019-2020. Ce niveau tient compte du recours du Trésor au tirage de la LPL auprès de BAM pour 21 milliards de DH en décembre 2022.

En résumé, «nous assistons à un inversement de la courbe obligataire primaire avec des taux CT supérieurs à ceux du MLT. En raison d’une très faible demande en BDT sur le compartiment LT suite au relèvement des exigences des investisseurs, le Trésor n’a pas marqué de hausse de taux sur ce segment. Dans ces conditions, la politique d’émission du Trésor en 2022 s’est ainsi alignée sur la structure de la demande en BDT des investisseurs orientée à plus de 50% vers le CT».
À titre indicatif, le taux 26 semaines a dépassé pour la première fois depuis 2015 le seuil de 3%, soit un spread de plus de 40 PBS (points de base) avec le taux 5 ans. Les taux primaires CT ont ainsi connu des hausses atteignant 167 PBS en une année, tandis que l’appréciation des maturités MLT a oscillé entre 6 et 88 PBS. Concernant la courbe obligataire secondaire, les maturités courtes ont connu des hausses sensibles dépassant les 140 PBS en 2022.

Lire aussi : Bank Al-Maghrib doit relever son taux directeur à 3,50% en 2023 (Fitch Solutions)

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