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Tourisme : L’investissement dans les hôtels n'est pas suffisant, tout l’écosystème est concerné (Karim Chérif Alami)

Le tourisme marocain reprend du poil de la bête et la feuille de route 2023-2026 est censée redynamiser le secteur avec à la clé des investissements de plus de 6 milliards de DH. Où doivent aller ces fonds pour enclencher un cercle vertueux où tous les acteurs de l'écosystème, mais aussi les touristes, pourront y trouver leur compte ? Réponses avec le président de l’ANIT lors d'une rencontre à bâtons rompus.

Tourisme : L’investissement dans les hôtels n'est pas suffisant,  tout l’écosystème est concerné (Karim Chérif Alami)
KARIM CHERIF ALAMI

Le Matin : La Feuille de route 2023–2026 est dotée de plus de 6 milliards de DH avec l’objectif d’attirer 17,5 millions de touristes et d’engranger 120 milliards de DH de recettes. Quels sont les investissements prioritaires, selon vous ?

Karim Chérif Alami :
Les chantiers prioritaires eu égard à cette enveloppe budgétaire sont, selon moi, l’aérien et la promotion du pays avec toutes les campagnes de communication menées par l’Office national marocain du tourisme (ONMT) en Europe et dans des contrées plus lointaines comme le Brésil ou les États-Unis. C’était remarquable et il fallait le faire. Cela ne veut pas dire que nous aurons des résultats immédiats, mais le Maroc se montre et profite également de l’audience dont il a profité à la faveur de la Coupe du monde. Surfer là-dessus ne sera que bénéfique.

>>Lire aussi : Le Maroc mise 6,1 milliards de DH pour attirer 17,5 millions de touristes à l'horizon 2026

Entre 2023 et 2025, la Société marocaine d’ingénierie touristique table sur des investissements de 27 milliards de DH, soit une moyenne annuelle de 9 milliards. Comment drainer ces fonds ?

Parlons d’abord de cette arithmétique qui a conduit à dresser ces objectifs. Aujourd’hui, nous drainons 12 à 13 millions de touristes par an, Marocains résidant à l'étranger (MRE) compris. L’objectif de 17 millions peut être atteint. Pour autant, si nous voulons les recevoir, je pense que la capacité litière n’est pas suffisante ; auquel cas il faudrait l’accroître. Le calcul du montant alloué a été établi en fonction du taux d’occupation et du nombre de visiteurs. Une enveloppe budgétaire a ensuite été définie. 27 milliards de dirhams correspondaient à environ 30.000 chambres, c’est-à-dire 60.000 lits. Si vous faites un calcul simple en prenant en compte un taux d’occupation de 50% par semaine sur toute une année, cela fait 30.000 clients. Sur un total de 50 semaines, cela nous donne 1 million et demi de touristes par an.
Il faut toutefois prendre en considération un autre aspect, à savoir l’hébergement dit «informel» ou alternatif (plateformes de location saisonnière), qui a connu un développement spectaculaire, voire anarchique, ces dernières années au Maroc. Ce segment devra être réglementé rapidement, car il constitue une menace pour les investisseurs de notre secteur et une concurrence déloyale, échappant la plupart du temps aux obligations professionnelles, fiscales et juridiques incombant aux opérateurs organisés.
En ce qui concerne les investissements estimés par la Société marocaine d'ingénierie touristique (SMIT), j’aimerais aborder d’autres points, notamment celui qui nous intéresse particulièrement au niveau de l’Association nationale des investisseurs touristiques (ANIT) : à ce jour, nous disposons de capacités hôtelières au sens large du terme (hôtels, maisons d’hôtes, riads, etc.), qui concernent toutes les formes d’hébergement et qui sont les établissements dits «classés». Aujourd’hui, le vrai sujet est de savoir comment faire en sorte que ces hôteliers ou ces investisseurs profitent tous de cet élan. Il faut souligner que la plupart d’entre eux sont marocains : 90% des investissements effectués au Maroc le sont par des Marocains. Chaque fois que nous produisons des analyses sur le sujet pour dessiner une sorte de radioscopie des investissements au Maroc, qu’il s’agisse d’hébergements, de restaurants ou même de campements de surf, l’écrasante majorité des investissements provient de Marocains.

C’est pourquoi ils sont et doivent être à nos yeux une priorité. Il faut d’abord se focaliser sur ces gens-là, qu’ils soient petits, grands ou moyens. Nous devons défendre tous les acteurs du tourisme sur la chaîne de valeur. Il faut tout faire aujourd’hui pour que ces entités soient plus rentables qu’elles ne l’ont été surtout après deux années de crise sanitaire, parce que nous n’en sommes pas encore sortis. Ce n’est pas en deux ans que nous allons compenser toutes les pertes subies et que ces entreprises reconstitueront leur fonds de roulement, leur trésorerie et leur marge bénéficiaire. Il faut prêter une attention particulière à ceux qui ont investi, et ce pour une simple raison : il ne s’agit pas uniquement de défendre les intérêts des actionnaires ou des investisseurs ou des PME.

Pourquoi de nouveaux investissements, y compris les IDE (Investissements directs étrangers), se dirigeraient-ils vers ce secteur si les investissements de celles et ceux qui y ont déjà investi ne sont pas rentables ? Aujourd’hui, la vraie préoccupation est de poursuivre les efforts entrepris sur les dessertes aériennes, sur la promotion de la/des destination(s). Il faut non seulement promouvoir le Maroc, mais aussi ses régions dans lesquelles se trouve une myriade d’acteurs concernés par le tourisme et qu’il ne faut pas négliger. Plus nous aurons de trafic, plus nous aurons de touristes, plus nous conforterons ceux qui ont déjà investi dans le secteur, plus nous pourrons générer d’investissements demain.

Il faut aussi définir ces investissements. Parlons-nous de maisons d’hôtes, parlons-nous du projet casablancais de convertir le palais de la foire en palais des congrès, d’un autre projet de Palais des congrès à Marrakech qui date d’il y a dix ans et qui pourrait sortir de terre d’ici 3 à 4 ans ? Quand nous parlons d’investissements, nous ne pensons pas uniquement aux hôtels, maisons d’hôtes, auberges, restaurants, car il y a d’autres acteurs dans l’écosystème : palais des congrès, aéroports, parcs d’activités, transport et logistique, raccordement numérique du pays, artisanat, sécurité, santé, etc. Ces sujets très importants n’ont pas été négligés dans la feuille de route, mais ne dépendent pas que du ministère du Tourisme. Il y a aussi l’Intérieur, la Santé, la Culture, etc. Quand nous évoquons la question de la valorisation du patrimoine par exemple, cela relève essentiellement du ministère de la Culture. Culture et tourisme sont intimement liés dans de nombreux cas. N’oublions pas tous les touristes marocains qui visitent ou revisitent leur pays, se rendent dans des festivals, des musées, etc. Donc, ne nous concentrons pas uniquement sur les hôtels. La question de l’animation retient souvent l’attention médiatique. Il faut aussi en parler et la prendre au sérieux. On remarque, par exemple, que dans un pôle touristique comme Agadir il en manque cruellement.
N’oublions pas non plus la question de la souveraineté. Un sujet évoqué à plusieurs reprises par Sa Majesté le Roi. Il faut certes attirer les investisseurs étrangers, mais ces derniers ne viendront que s’ils trouvent des gages de rentabilité dans la destination où ils investissent. Ce que nous observons bien souvent au Maroc, ce sont de grandes enseignes et de grandes chaînes hôtelières qui ne mettent pas la main à la poche. Ce sont les Marocains et l’État, à travers la CDG, qui investissent et construisent.

En somme, la construction de nouveaux hôtels n'est qu'un pan de ces investissements...

Je ne pense pas, en effet, qu’il faille trop se focaliser sur l’hôtellerie. Quand nous parlons d’investissements, n’oublions pas la dimension immatérielle qui comprend le marketing, la communication, la valorisation du patrimoine qui est par ailleurs très insuffisante par rapport à d’autres pays. Ajoutons à cela d’autres investissements qui relèvent de l’infrastructure. Par exemple, l’aéroport de Marrakech qui commence à saturer, celui de Casablanca qui est indigne d’une ville qui est la capitale économique du pays et qui se veut être un hub africain. Autre exemple aussi avec la compagnie nationale RAM. Nous laissons la place aux opérateurs étrangers qu’ils soient low cost ou autres, subventionnés par le Maroc à travers l’ONMT. Pourquoi ne pas encourager Royale Air Maroc (RAM) qui est en difficulté ? Entre-temps, Ethiopian Airlines qui était une toute petite compagnie est aujourd’hui deux fois plus grande que la compagnie aérienne marocaine : 120 avions contre 55 pour nous.

Là encore, si nous parlons de souveraineté, nous devons nous doter d’un champion du ciel marocain. L’Open Sky, c’est bien, mais nous devons également défendre nos intérêts. RAM doit jouer pleinement son rôle, car, ne l’oublions pas, le centre de décision est au Maroc. Heureusement, elle est déjà soutenue par l’État, mais nous devons aller plus loin dans son renforcement pour la hisser au rang de grandes compagnies. Turkish Airlines, par exemple, était en quasi-faillite, en très grande difficulté et réputée dangereuse, lorsque l’État turc a décidé d’en faire le champion, le porte-drapeau, le vaisseau amiral du pays et du secteur du tourisme. Aujourd’hui, elle est la deuxième compagnie mondiale.

Pour résumer, les investissements doivent concerner tout l’écosystème. Les hôtels, ce n'est pas suffisant. Même en disposant des plus beaux, si vous n’avez pas l’avion vous n’avez pas le client ; s’il n’y a pas de cordon sanitaire, cela donnera une mauvaise image du pays ; s’il n’y a pas d’animation, les touristes ne reviendront pas, etc. C’est un aspect important pour le Maroc où le taux de retour n’est pas très élevé. Nous devons faire en sorte que les clients reviennent chez nous.

Qu'en est-il des régions et de quelles façons les investissements touristiques doivent parvenir à mettre en avant les spécificités de chacune d’elles ?

Ce sujet me tient particulièrement à cœur. Il faut évidemment d’abord se concentrer sur les régions qui sont les plus dynamiques : Marrakech-Safi et Souss-Massa. Ces destinations sont porteuses, que nous le voulions ou non, du tourisme. Marrakech est une destination relativement récente. Auparavant, elle était une destination de circuit où les hôtels fermaient à fin mai et pour tout l’été. C’est pratiquement un mystère. Marrakech est une destination mondiale désormais. Quand nous interrogeons les gens, ils connaissent Marrakech, mais pas le Maroc. Il arrive en second plan en termes de notoriété spontanée. Aujourd’hui, Marrakech et Agadir représentent environ 60% du tourisme national, englobant les touristes étrangers, nos compatriotes à l’étranger et le tourisme local. Ce dernier segment ne doit pas être négligé. Tout le monde s’accorde à dire que le Maroc dispose de potentialités très intéressantes, voire significatives, dans le tourisme, et chaque région a ses attraits. Si nous voulons réussir sans nous disperser, car nous n’avons pas des moyens illimités et il ne faut pas se mentir, il faut que les régions et les collectivités locales prennent le lead et s’impliquent davantage.

Régions et villes commencent à disposer de ressources financières propres, et le secteur du tourisme peut constituer un axe majeur de leur développement. Agadir l’a fait et a bien avancé sur ce chantier, à travers une SDR (Société de développement régional). Je pense que chaque région va ou devrait s’inspirer de ce qui a été fait à Agadir sur ce plan. Si nous voulons réussir, nous devons penser surtout à cette échelle. Toutes les grandes destinations mondiales disposent de structures régionales qui sont exclusivement consacrées à l’accueil des visiteurs, la promotion de la destination, à la communication, à l’accueil des investisseurs, etc. En somme, il faut penser globalement et agir localement. Il faut avoir une approche locale et c’est là que nous pourrons réussir, car nous serons beaucoup plus proches des acteurs. Et nous revenons ainsi au profil de ces acteurs. Intéressons-nous à ceux qui relèvent du tourisme de niche, et c’est ce que recherchent les clients. Il y a un changement de comportement depuis la pandémie. Les clients recherchent l’authenticité, à vivre une expérience marquante, à être plus proches des habitants des zones urbaines ou rurales qu’ils visitent. Il faut prendre garde au «surtourisme», aujourd’hui dénoncé dans certaines destinations européennes, créant des effets de concentration qui ne correspondent plus aux attentes des hôtes et des touristes. Le tourisme de niche, avec de petites structures : du trek, du surf, s’attabler dans un petit village, c’est ce que beaucoup de touristes recherchent aujourd’hui. Le Maroc dispose heureusement de ce type d’opérateurs. Il faut aussi les promouvoir et les encourager.

Cela va non seulement promouvoir ces régions, leur permettre d’avoir un axe de développement supplémentaire, mais aussi favoriser la création d’emplois. C’est un objectif appuyé par Sa Majesté le Roi. Nous parlons souvent de tourisme inclusif. Il doit donc inclure tout le monde, tous les opérateurs. Prenons le cas des régions d’Ouarzazate et Zagora qui sont à l’arrêt. Il n’y a que le cinéma qui compense, insuffisamment. Elles sont pourtant parmi les plus belles destinations du Maroc. Les avons-nous promues, y a-t-il un problème de dessertes aériennes ? Un certain nombre de paramètres entrent en compte. Toute la région est sinistrée, ce qui était déjà le cas avant la crise Covid. Si nous ne nous en occupons pas, cela signifiera en creux que nous acceptons le fait – en concertation avec la région, car c’est elle qui devrait prendre l’initiative – que le tourisme ne soit pas un axe de développement. C’est toute la région qui vivait du tourisme, toute la vallée, Drâa, Zagora, Mhamid, etc., qui risque d’en pâtir et d’en souffrir alors que nous avons là quelque chose de fabuleux. La région doit s’en occuper et être l’actrice du tourisme local. Je pense que l’approche strictement du haut vers le bas touche à sa fin ou devrait être abandonnée. Il faut mettre en œuvre une approche plus inclusive, où les acteurs locaux ont toute leur place et ont tout intérêt pour leurs populations à améliorer ce secteur.

Y a-t-il d’autres régions sinistrées ?

Oui. Fès-Meknès est très en deçà de ce qui pourrait y être fait. Il y a une feuille de route qui est en cours d’élaboration avec la SMIT et la région. Mais encore une fois, c’est à chaque région de se prendre en main. C’est un sujet plus global que nous appelons la mise en tourisme : vous disposez d’un lieu (un site, une ville, une médina) et vous demandez «Que dois-je faire pour le/la rendre touristique ?» Les pistes de réflexion peuvent être nombreuses : l’accessibilité à internet, la rénovation d’un musée, la signalétique, etc. Il faut parvenir à présenter des prestations qui vont améliorer la réputation de la destination.
Prenons l’exemple de Bilbao, une ville industrielle du Pays basque, riche certes, mais qui n’était pas réputée être une belle destination. La ville a décidé de promouvoir le tourisme et résultat : elle a réussi à attirer le Musée Guggenheim. Aujourd’hui, tout le monde connaît Bilbao grâce à ce musée. Voici un exemple de mise en tourisme d’une ville qui accueille deux millions de touristes par an. Au Maroc, nous avons un patrimoine culturel et immatériel inestimable, mais qui n’est pas mis en valeur. Pourquoi ? Parce que le chantier est éparpillé entre plusieurs acteurs. Culture et tourisme sont intimement liés. Il faut prendre le train en marche de l’évolution des attentes et envies des touristes. Travailler sur ce segment ne pourra qu’être bénéfique au Maroc, aux opérateurs touristiques et à la population de manière générale.

L’année 2022 a connu un bond des investissements touristiques dans la région de Dakhla. Quelle est votre lecture ?

Il est vrai qu’il y a un engouement pour Dakhla depuis maintenant dix ans et nous ne pouvons que nous en féliciter. Le site est unique au monde et accueille une clientèle qui vient du monde entier, notamment pour la pratique du kite surf. Nous pourrions regretter de ne pas avoir inscrit cette dynamique dans une démarche écoresponsable. Certains endroits ont été bétonnés. La lagune a été préservée, mais il faudrait également préserver l’environnement dans son ensemble si nous voulons nous inscrire dans une logique de développement durable. Mais Dakhla reste un succès.
Quand le Maroc a adopté sa Vision 2010 puis 2020 du tourisme (produit d’un partenariat public-privé), nous avions émis des priorités en faisant du balnéaire un axe stratégique du développement touristique. Mais sur le terrain, plusieurs choses faisaient défaut : les infrastructures en retard et l’absence de communication, notamment sur la durée. Il y a eu des campagnes promotionnelles au moment d’inaugurations, mais cela ne s’est pas inscrit dans la durée. Pourquoi le projet de la station de Saidia a-t-il capoté ? D’abord parce qu’il y a eu un retard dans les infrastructures et la communication a été insuffisante. Il a fallu dix ans pour que la station émerge enfin. Autre exemple, celui de la station de Lixus près de Larache. Personne ne la connaît. Elle est aujourd’hui à l’abandon. C’est la raison pour laquelle il faut appréhender tout investissement avec prudence. Il ne s’agit pas uniquement de construire des ports ou des marinas et des hôtels ou des complexes touristiques. Il faut aussi penser à leur communication et à maintenir un niveau d’activités élevé sur le long terme.

Comment voyez-vous le rôle du Fonds Mohammed VI pour l’investissement dans la dynamisation du secteur touristique ?

Ce Fonds, nous l’attendions. La Charte de l’investissement a été publiée, les décrets aussi. Je pense qu’il s’agit d’un très bon instrument au service du tourisme. Le secteur est considéré comme l’un des six ou sept secteurs stratégiques identifiés. Il est prévu dans le cadre du Fonds Mohammed VI qu’un certain nombre d’hôtels aujourd’hui en déshérence ou en difficulté – à Marrakech par exemple, 18% de la capacité litière sont concernés – soit repris pour un total de 40.000 chambres, qui vont donc s’ajouter aux 30.000 chambres, selon les estimations de la SMIT. Là où l’action du Fonds peut être très utile, c’est de venir en soutien aux investisseurs nationaux pour accroître leurs ressources et leur capacité d’endettement et accompagner ainsi la relance du secteur. Il peut s’agir de prêts participatifs ou de quasi-fonds propres qui viendraient en sus de ce qu’a misé l’investisseur. Le Fonds peut donc agir comme un accélérateur de croissance. Nous ne savons pas encore comment les choses pourraient se dérouler. Nous parlons d’un montant de 15 milliards de DH d’investissement pour l’ensemble des secteurs ciblés. Nous ne savons pas comment ce montant sera réparti entre les secteurs concernés. Les études réalisées à l’époque expliquaient que ces 15 milliards devraient générer 45 milliards d’investissements au total entre acteurs publics et privés.
Pour en revenir à l’investissement de 27 milliards de DH de la SMIT, il devrait être porté par le privé.

La priorité sera-t-elle donnée au tourisme balnéaire, d’affaires ou interne ?

Gardons en tête l’une des grandes problématiques de notre pays qui est celle de l’emploi. N’oublions pas que le secteur du tourisme est pérenne avec un taux de croissance moyen de 3% selon les données de l’Organisation mondiale du tourisme parce que la demande de voyage est récurrente et constante. 10% des habitants de la planète ont pris l’avion. 90% ne l’ont donc jamais pris. C’est énorme. Il existe une classe moyenne émergente dans les pays asiatiques par exemple et notamment la Chine composée de 100 millions de personnes pour ce seul pays et donc, 100 millions de voyageurs qui veulent voyager à l’étranger. Le tourisme va ainsi continuer de croître. Il faut à mon avis proposer des projets qui intéressent cette clientèle. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille négliger le reste. Il faut non seulement que les touristes viennent et reviennent, mais qu'ils parlent en bien de la destination Maroc.
Je suis sceptique quant à l’accent mis sur le balnéaire, car d’autres pays de la rive méditerranéenne – Grèce, Croatie, Turquie, Tunisie, Égypte – ont plus d’atouts que nous. Pour nous positionner, je pense qu’il nous faut d’abord renforcer la destination Saïdia qui commence à émerger. Le reste de la côte nord marocaine est fabuleuse, d’Al Hoceïma à Tanger. Il faut aussi stimuler le développement de la station balnéaire d’Agadir. Elle était dans les années 1970 la première destination touristique du Maroc. Elle a souffert par la suite de mauvais calculs qui l’ont longtemps tirée vers le bas. Un énorme travail mené par le Conseil régional du tourisme et la région est en cours. Le tourisme d’affaires dans des villes comme Casablanca et Marrakech a de l’avenir. C’est un vrai sujet de rentabilité. Ces deux villes disposent de projets de palais des congrès qui pourraient combler le vide des hôtels en basse saison.

À l’intérieur de ces axes, une attention soutenue doit être portée aux voyageurs marocains. Ils voyagent de plus en plus dans leur pays, quelle que soit la classe sociale ou la tranche d’âge. Dorénavant, les établissements hôteliers au Maroc sont fréquentés principalement par des touristes marocains, si l’on raisonne en nombre de nuitées. Ce n’était pas le cas il y a quelques années. Il faut prendre au sérieux leurs demandes et leurs besoins. Un tourisme fort doit reposer sur un marché domestique solide. Cela ne fera que conforter le secteur et l’investisseur.

Nezha Maachi

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