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Lundi 17 Mars 2025
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IA et droit d’auteur : des créateurs en demande de garde-fous

Acteurs hollywoodiens inquiets pour leur avenir, musiciens composant avec l’intelligence artificielle (IA), écrivains craignant de voir leurs œuvres pillées... Alors que Paris accueille lundi et mardi un sommet mondial sur l’IA, les créateurs sont en demande de garde-fous qui restent largement à concevoir.

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La France, pays du droit d’auteur inventé par Beaumarchais, a prévu un «week-end culturel» avant le sommet, samedi et dimanche. Ce sera une «plateforme d’échanges où chercheurs, créateurs et grand public pourront réfléchir ensemble à la place de l’IA dans des disciplines telles que l’écriture, les arts visuels, la musique et les images», d’après le gouvernement. Sans décideurs toutefois.

Car la culture ne devrait pas être à l’ordre du jour des discussions entre chefs d’États et de gouvernements.

«Plus que des mots, des actes», clament pourtant 38 «organisations internationales représentant l’ensemble des secteurs créatifs et culturels» dans un communiqué publié vendredi. «Il n’y aura pas d’IA éthique sans les autorisations des titulaires de droits», affirment ces fédérations de musiciens, cinéastes, artistes visuels, traducteurs, auteurs, journalistes, etc.



Des grèves pour réclamer des garde-fous en matière d’IA ont perturbé Hollywood puis le secteur des jeux vidéo aux États-Unis depuis 2023, à l’initiative du syndicat des acteurs américains (SAG-AFTRA).

Les plus remontés sont souvent les comédiens de doublage qui estiment leurs droits d’auteur piétinés chaque jour, quand ils entendent leurs voix reprises, sans leur accord ni de rémunération, dans des imitations de plus en plus ressemblantes à mesure que progressent les technologies.

Regroupés en France dans le mouvement #TouchePasMaVF, ils disent prêcher dans le désert.

«Nous n’avons toujours pas été reçus par le ministère. Nous sommes 5.000 comédiens qui essaient, par un biais ou un autre, une connaissance... Et rien ne marche. Je pense que ça ne les intéresse pas», expliquait l’une des stars du métier, Brigitte Lecordier, la voix française de San Goku dans «Dragon Ball», à la presse fin janvier.

Moins unis, les écrivains savent aussi le fruit de leur travail exploité sans contrepartie, d’une manière plus difficile à déceler. Et contrairement aux doubleurs, qui n’y trouvent aucun intérêt, certains d’entre eux posent des questions à ChatGPT, Gemini, DeepSeek ou Le Chat.

«Ça me fait avancer plus vite dans mon travail de documentation», confie l’un d’eux, sous couvert d’anonymat.

Quant à voir leurs livres utilisés pour donner des réponses à d’autres auteurs, à peu près tous sont hostiles. Avec une solution plébiscitée : le droit d’opposition («opt-out»).

En France, la Société des gens de lettres, organisation représentative d’auteurs, a demandé jeudi aux «acteurs de l’IA» de respecter «la liste des oeuvres qu’ils ne sont pas autorisés à utiliser», celles de leurs membres. Encore faut-il que ces entreprises la consultent.

Une autre société d’auteurs, la SACD, qui couvre notamment le théâtre et le cinéma, a jeté un froid en signant avec Genario, une startup française qui propose de l’aide à la rédaction de scénarios par intelligence artificielle. Leur accord impose de rémunérer les auteurs pour l’utilisation de leurs créations, mais des scénaristes ont dénoncé un «pillage».

Dans la musique, la tentation aussi est forte face aux possibilités infinies qu’ouvre l’IA, d’un faux album d’Oasis à un morceau des Beatles retravaillé grâce à cette technologie plus de quarante ans après la mort de John Lennon. Le titre intitulé «Now and Then» a été récompensé aux Grammy Awards dimanche.

Autre exemple avec la compositrice française DeLaurentis, qui a toujours exploité le potentiel de l’informatique et qui sera sur scène en clôture du «week-end culturel».

«Quand t’es toute seule dans ton studio, que t’es une nana et que tu veux avoir des sonorités d’hommes, c’est quand même génial d’avoir un outil qui te le fait», dit-elle à l’«AFP». Mais, quand on pointe le débat éthique, elle répond : «Je trouve dommage qu’en fait, les gens qui en parlent», ce ne sont «pas les artistes».
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