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S.M. le Roi à Paris Match : c'est tous les jours que je m'efforce de faire le mieux possible pour mon pays

Dans une interview accordée à l'hebdomadaire français “Paris Match” de cette semaine, S.M. le Roi Mohammed VI livre une fine analyse de la situation internationale à la suite des événements tragiques du 11 septembre et des conséquences de ce drame sur la

S.M. le Roi à Paris Match : c'est tous les jours que je m'efforce de faire le mieux possible pour mon pays
Abordant la question du fondamentalisme, le Souverain a notamment déclaré : Je n'ai de leçon à recevoir de personne sur l'Islam. Les Musulmans n'ont de leçon à recevoir de personne. Les Musulmans ont le Coran et Dieu. Il n'y a pas d'intermédiaire. Le seul juge, c'est Dieu. Je ne permettrai pas que quelqu'un puisse s'ériger en tant que conscience. Ce serait une insulte aux Musulmans.
Avec cet entretien exclusif, la célèbre journaliste française Anne Sinclair, vedette et ex-animatrice de l'émission dominicale “7/7” sur la première chaîne de télévision française, TF1, inaugure sa collaboration avec l'hebdomadaire français qui lui a confié le soin de réaliser régulièrement des interviews à caractère exceptionnel. Pour donner le coup d'envoi de cette nouvelle collaboration, Anne Sinclair a rencontré pour “Paris Match” S.M. le Roi Mohammed VI, Roi du Maroc, a indiqué le directeur de la rédaction de la revue, Alain Genestar. Pour réaliser cette interview, nous avons suivi S.M. le Roi Mohammed VI, de Ouarzazate à Zagora, et de Zagora aux sables de M'Hamid, aux portes du désert, à quelques kilomètres de la frontière algérienne, où la dernière visite Royale remontait à une trentaine d'années, confie à ses lecteurs Anne Sinclair. Le prestigieux magazine français, qui consacre sa page de couverture à S.M. le Roi et reproduit plusieurs photos d'une foule en liesse accueillant le Souverain en tournée dans le Centre et le Sud du Maroc, met l'accent sur le courage, l'humilité et la sérénité du Souverain qui connaît ses dossiers et parle sans détour. Sur l'amalgame entre Islam et extrémisme religieux dont sont victimes, de plus en plus, les Musulmans à travers le monde, S.M. le Roi affirme mesurer l'inquiétude et le désarroi de ces nombreux jeunes Maghrébins en France : nous avons un énorme travail de pédagogie réciproque pour privilégier le dialogue, rassurer ces jeunes et moins jeunes qui ne se reconnaissent plus dans le regard des autres. Ils y voient plus de suspicion que de compréhension, plus de rejet que de générosité. Il nous faut reconstruire et conforter ce fil qui doit privilégier le respect mutuel. A propos d'une prétendue menace islamiste au Maroc, S.M. le Roi, commandeur des croyants, écarte toute menace fondamentaliste, soulignant, au passage, que durant les dernières années du règne de feu S.M. le Roi Hassan II, certains hauts personnages ont délibérément grossi la bulle islamiste et, de leur côté, nos islamistes ont joué de la complaisance suspecte de certains médias occidentaux tout heureux de surenchérir. Je ne vois vraiment pas où est la menace islamiste : je me promène dans mon pays, je vais où je veux, quand je veux, sans aucun problème, a rappelé le Souverain.
Sur l'évolution de la situation au Proche-Orient, S.M. le Roi se dit convaincu que, du côté palestinien, il y a une vraie volonté de paix et qu'il faudrait que, du côté israélien, il en soit de même.
Le Souverain estime que le gouvernement israélien est mal inspiré de vouloir profiter de la situation actuelle pour radicaliser et accentuer sa répression, chaque jour un peu plus sanglante, contre le peuple palestinien. S'exprimant par ailleurs sur son métier de Roi, le Souverain, qui rappelle avant tout qu'il est le premier serviteur des Marocains, juge que la profondeur dans le temps, qui accompagne un règne qui commence, est un formidable atout pour construire et avancer dans la stabilité et la durée. S.M. le Roi souligne ainsi que les opérateurs et les investisseurs ont besoin de visibilité sur le long terme, et (que) le Maroc leur apporte à cet égard la meilleure réponse possible.
Enfin, le Souverain vante les mérites d'un Maroc pluriel, véritable melting-pot. c'est le pays d'Afrique du nord le plus mélangé.
On y trouve la culture andalouse, la culture africaine, la culture juive, la culture arabe, incontournable, a dit le Souverain en réponse à une question sur la création d'un institut berbère.




Question: Majesté, vous poursuivez une tournée à travers le Centre et le Sud du Maroc. Aviez-vous l'impression que ces provinces étaient délaissées, et êtes-vous rassuré par la ferveur qu'elles semblent vous témoigner ?
Réponse de S.M. le Roi: Je me rends compte de cette ferveur et c'est une énorme responsabilité. Dans les premiers mois de mon règne, j'avais fait une tournée dans la zone Nord du Royaume.
Maintenant, c'est au tour du Centre et du Sud. Ces provinces, Ouarzazate, Agadir, Taroudant, Essaouira, n'ont pas été délaissées. Ce sont au contraire des pôles touristiques réputés.
En revanche, les desti110ns et les villes satellites, entre ces pôles-là, sont moins favorisées, parce que ce ne sont pas des lieux de villégiature. Quand on est confronté à un cycle long de sécheresse, si la conjoncture météorologique ou économique est négative, cela provoque un exode rural: les Marocains quittent ces zones et s'en vont vers les villes. C'est pour leur apporter ce dont ils ont besoin et pour les stabiliser dans leur région que j'ai souhaité cette tournée.

Question: Cela faisait quand même trente ans qu'un Roi ne s'était pas rendu jusqu'à M'hamid El-Ghizlane, aux confins de la frontière algérienne...
Réponse de S.M. le Roi: C'est exact: mon père, feu S.M. le Roi Hassan II, y était allé en 1969. Vous avez pu vous rendre compte combien ce coin du Maroc est minuscule, microscopique, mais il a valeur de symbole, car c'est là que mon grand-père, feu S.M. Mohammed V, a, pour la première fois, en 1958, évoqué la marocanité du Sahara.

Question: Ici, on entend parfois dire que le Roi n'est plus jamais à Rabat.
Réponse de S.M. le Roi : Mais le Roi n'a jamais été seulement à Rabat. Je me souviens qu'une année, pendant ma jeunesse, mes parents ont séjourné dix-huit jours à Rabat, sur 365. Mon père, que Dieu ait son âme, avait coutume de dire que ‘'le Trône des Alaouites est sur la selle de leurs chevaux''. J'ai bien l'intention de ne pas déroger à ce principe. Et puis, vous savez, j'aime bien me rendre compte par moi-même, sur le terrain, de ce que sont les réalités de mon pays. La ville d'Agadir, par exemple, requiert toute mon attention. Il est important de ne pas concentrer le tourisme à Marrakech, parce qu'on risque de tuer et Marrakech et le tourisme au Maroc.
Ouarzazate est devenu un autre pôle important et qui se développe par le tourisme et l'industrie du cinéma. Et puis il y a Tanger, qui me tient très à cœur. Nous travaillons à la création d'un port. Je suis superstitieux, donc je préfère ne pas annoncer que le projet est bouclé... Pendant un an, j'ai bataillé, j'ai discuté âprement avec des spécialistes des travaux publics et des ingénieurs qui me soutenaient qu'il était impossible d'envisager la construction d'un port sur la Méditerranée, en raison de la configuration géographique et du fait de l'inexistence d'un arrière-pays. Pour eux, c'est un défi très difficile à relever. Pour moi, au contraire, je pense que c'est une réalisation qui pourrait relancer la région. Avec ce nouveau port, on pourra désenclaver l'actuelle zone portuaire de Tanger et en faire le port de plaisance le plus grand de toute la Méditerranée. Si on parvenait à créer une zone franche et un port industriel à côté, ce serait fabuleux. En fait, je souhaite multiplier les pôles économiques, de façon équilibrée, cohérente et complémentaire, pour faire en sorte que le Maroc ne soit pas seulement une mode. Je ne cesse de le répéter: la mode est éphémère.
Question: Les attentats du 11 septembre ont provoqué un choc dans l'opinion mondiale. Qu'avez-vous ressenti devant ces images d'apocalypse ?
Réponse de S.M. le Roi : Plus j'y pense, plus j'éprouve horreur et répulsion. Au moment précis du drame, j'étais en visite d'Etat à Nouakchott, en Mauritanie. Il y avait une tempête de sable, je ne pouvais donc pas bouger de ma résidence. J'ai reçu un coup de fil me disant de regarder la télévision et, là, en direct, j'ai découvert ce qui se passait. Je n'aurais jamais pu imaginer que l'on puisse arriver à une telle négation de soi, de sa foi, de la vie. Se suicider pour tuer des milliers d'innocents, ça donne une toute autre dimension à cette tragédie. Ceux qui ont commis ces actes n'ont pas le droit de se dire musulmans. L'islam, c'est la vie. Le suicide, c'est la négation, l'antithèse de l'Islam.

Question: Craignez-vous que certains, dans le monde, fassent l'amalgame entre Islam et terrorisme ?
Réponse de S.M. le Roi : Tous les Afghans ne sont pas Talibans, tous les Talibans ne sont pas Afghans, tous les Afghans ne sont pas islamistes, mais ils sont tous musulmans... C'est une réalité compliquée, mais il faut qu'en Occident on accepte de comprendre et de vivre cette complexité. S'il y a un risque d'amalgame, c'est d'abord par ignorance.

Question: Le Roi du Maroc est aussi le Commandeur des croyants. Qu'est ce que ça signifie pour vous d'être Musulman, aujourd'hui, après ce terrible drame ?
Réponse de S.M. le Roi : Le 11 septembre est inscrit en lettres noires dans l'histoire de l'humanité. Quelque chose a changé ce jour-là, mais ce n'est pas pour autant qu'aujourd'hui je suis moins bien dans ma peau et moins fier d'être Musulman.

Question: Vous avez organisé une cérémonie sans précédent à la Cathédrale de Rabat le 16 septembre, en présence du gouvernement et des personnalités du Royaume, ainsi que des représentants des différentes communautés religieuses musulmane, juive et chrétienne. Etait-ce un hommage aux victimes, une prière commune ?
Réponse de S.M. le Roi : Il fallait à mon sens donner la possibilité aux Marocains, quels qu'ils soient, d'exprimer leur horreur devant de tels actes. J'apprécie qu'on n'ait pas utilisé le terme de “cérémonie oécuménique, car ce n'en était pas une, même si elle s'est déroulée dans une église. C'était très émouvant. Cette cérémonie a été très bien accueillie sauf par une poignée d'inquisiteurs”...

Question: Ces ouléma qui ont lancé une fatwa à propos de cette initiative...
Réponse de S.M. le Roi : Il n'y a pas plus de fatwa que d'ouléma dans cette affaire. Les individus que vous évoquez ne peuvent se prévaloir d'aucune autorité et ils n'ont certainement pas la légitimité qui leur permette de prononcer une fatwa, qui est du seul ressort du Conseil supérieur des Ouléma, dont je suis le Président. Mais, voyez-vous, quitte à verser dans un certain chauvinisme, je voudrais vous faire partager ce que je ressens profondément depuis le 11 septembre. Ce drame a montré encore une fois la différence marocaine. Notre façon d'être à la fois des musulmans à part entière, fidèles à toutes leurs solidarités, fiers de leur spiritualité et de leurs convictions et pourtant totalement inscrits dans les valeurs universelles d'humanisme et de modernité qui sont le plus largement partagées dans le monde.
Question: Les intégristes islamistes, au Maroc, vous inquiètent-ils ? Que représentent-ils ? Faut-il les combattre et, si oui, comment ?
Réponse de S.M. le Roi : Non, il ne faut pas les combattre, il faut les convaincre. Durant les dernières années du règne de mon père, feu S.M. le Roi Hassan II, certains hauts personnages ont délibérément grossi la bulle islamiste et, de leur côté, nos islamistes ont joué de la complaisance suspecte de certains médias occidentaux tout heureux de surenchérir. Tenez, dernièrement, le quotidien espagnol “El Pais” titrait “Mohammed VI face au danger islamiste”... Cet article m'a vraiment fait sourire et a fait sourire tout le monde ici. Je ne vois vraiment pas où est la menace islamiste. Je me promène dans mon pays, je vais où je veux, quand je veux, sans aucun problème. Je n'ai pas augmenté l'effectif de ma sécurité... Ici, les hommes qui ont envie d'être barbus ont le droit de porter la barbe, les femmes qui ont envie de se voiler le visage en ont le droit... Ce n'est pas forcément parce qu'ils agissent de la sorte que ce sont des islamistes ou qu'ils sont dangereux.
Question: Iriez-vous jusqu'à dire que le fondamentalisme est une forme dévoyée de l'Islam ?
Réponse de S.M. le Roi : Je dirais plutôt que je n'ai de leçon à recevoir de personne sur l'Islam. Les musulmans n'ont de leçon à recevoir de personne. Les musulmans ont le Coran et Dieu. Il n'y a pas d'intermédiaire. Le seul juge, c'est Dieu. Je ne permettrai pas que quelqu'un puisse s'ériger en tant que conscience. Ce serait une insulte aux musulmans.
Question: C'est la guerre en Afghanistan. Le Maroc a immédiatement déclaré sa solidarité contre le terrorisme. Est-ce à dire que le Maroc est solidaire des Etats-Unis ? Et jusqu'à quel point ?
Réponse de S.M. le Roi : Nous sommes solidaires des Etats-Unis pour combattre le terrorisme. La question ne se pose donc pas pour nous. Mais depuis le début de ce conflit, je l'ai dit et je le pense profondément: la guerre a ses limites et les risques de dérapages ne peuvent que s'amplifier sur la durée. Il nous faut donc travailler très vite à une sortie de crise qui prenne en compte la réalité globale des drames que connaît cette région depuis trop longtemps. Nous savons aussi que le risque zéro n'existe pas dans une guerre. Mais nous ne pouvons pas non plus ignorer que ces images, ces civils qui meurent tous les jours, aggravent les frustrations qui nourrissent tous les extrémismes.
C'est absolument irréaliste. Et les Américains en sont conscients. Le contexte est très diffèrent de celui de la guerre du Golfe. Les médias américains sont désormais beaucoup plus prudents. Encore une fois, tous les Afghans ne sont ni talibans ni terroristes, c'est pour cela que, dès le début des frappes, le gouvernement marocain a envoyé des avions chargés de vivres et de médicaments, afin d'aider la population civile afghane. C'est hélas une goutte d'eau dans un océan de détresse, mais nous allons poursuivre notre action et faire de notre mieux pour apporter soutien et assistance aux populations sinistrées.

Question: La population afghane souffre aujourd'hui du conflit armé, mais sa vie quotidienne sous le régime des Talibans est terrible: celle des femmes en particulier, des petites filles qui ne peuvent plus étudier...
Réponse de S.M. le Roi : Si nous nous étions rencontrés il y a six mois, vous m'auriez parlé des bouddhas détruits de Bamiyan, pas des femmes en Afghanistan...
Question: Moi pas ...
Réponse de S.M. le Roi : ... Tout le monde s'est focalisé sur les bouddhas et pas sur la situation des femmes. Je trouve cela déplorable. Le sort fait aux femmes en Afghanistan est infâme et intolérable. Cette burqa qui les emprisonne est certes une prison en tissu, mais c'est plus encore une prison morale. Les tortures imposées à des petites filles qui ont osé montrer leurs chevilles ou leurs ongles peints, c'est effroyable. C'est inacceptable et insupportable.

Question: Le renversement du régime des Talibans vous paraît-il souhaitable ? Pensez-vous qu'il existe une solution d'union 110nale autour du Roi?
Réponse de S.M. le Roi : Il faut que cette solution fasse l'unanimité du peuple afghan. Ce n'est pas à nous d'imposer tel ou tel choix. Est-ce le retour du Roi, l'Alliance du Nord ? ...
Au peuple afghan de trouver la formule qui lui convient. Je suis Roi, mais ce n'est pas suffisant pour dire que la monarchie est la solution adéquate pour leur pays.

Question: Michel Peyrard, grand reporter à Paris Match, est toujours prisonnier des Talibans en Afghanistan. Qu'avez-vous envie de leur dire ?
Réponse de S.M. le Roi : Je pense qu'il aurait été plus judicieux de la part des Talibans de ne pas le garder prisonnier. Espérons qu'ils ont seulement envie de se faire un peu de publicité en montrant leur magnanimité et en le relâchant dans quelques jours.
Mais ils auraient pu trouver un autre moyen...

Question: Le 11 septembre, au-delà du traumatisme, est-ce la démonstration de la vulnérabilité des Etats-Unis, le choc des civilisations comme certains ont voulu le prétendre ou, plus fondamentalement, est-ce le révélateur d'une fracture entre le monde occidental riche et le monde en développement ?
Réponse de S.M. le Roi : Choc des civilisations, sûrement pas, surtout au Maroc. Pour les Occidentaux, le Maroc, c'est l'Orient, pour les Orientaux, le Maroc, c'est l'Occident...Nous sommes la zone tampon, le sas. Nous sommes un véritable buvard mais c'est vrai que j'aurais préféré que les puissances occidentales s'interrogent avant ce drame sur la façon dont elles font régner l'ordre sur le monde.
Question: La situation au Proche-Orient est grave. On assiste à une sorte de faillite de la paix. Le Maroc a toujours été en pointe, pionnier même dans le domaine, pour ménager le dialogue entre Israël et les Palestiniens. Voulez-vous - pouvez-vous - jouer encore un rôle ?
Réponse de S.M. le Roi : Le Maroc ne demande pas mieux. Le gouvernement israélien est mal inspiré de vouloir profiter de la situation actuelle pour radicaliser et accentuer sa répression, chaque jour un peu plus sanglante, contre le peuple palestinien.
C'est une véritable régression de la paix et de la culture de la paix dans la région. Je reste cependant convaincu que, du côté palestinien, il y a une vraie volonté de paix. Il faudrait que du côté israélien, il en soit de même...Le Président Arafat m'a appelé la semaine dernière pour que le Président Bush, le Président Chirac et moi-même intervenions afin d'essayer de débloquer la situation. Je m'y suis employé, mais comme le dit un proverbe arabe, ‘'une main seule n'applaudit pas'': il faut que les Israéliens acceptent de négocier, et pas seulement de s'asseoir autour d'une table et voir qui va crier le plus fort.

Question: Le Président Bush vous a aussi téléphoné pour vous dire et dire au monde qu'il souhaitait un Etat palestinien. Comment avez-vous ressenti cette démarche ?
Réponse de S.M. le Roi : De façon très positive. C'est courageux de sa part de prendre cette décision maintenant. La position de l'administration américaine est on ne peut plus claire.
Question: La communauté marocaine est importante en France. La sentez-vous troublée, inquiète ? Un jeune Maghrébin de la banlieue parisienne disait l'autre jour: “Nous sommes assignés à résidence dans notre origine. Est-ce le signe d'un climat de suspicion, d'un amalgame entre jeunes issus d'une communauté musulmane et les événements ?
Réponse de S.M. le Roi : Ce jeune homme aurait pu prononcer cette phrase il y a quelques mois ou quelques années, elle aurait eu la même intensité. C'est une phrase intemporelle, révélatrice du malaise de nombreux jeunes Maghrébins en France, dont je mesure l'inquiétude et le désarroi. Nous avons là un énorme travail de pédagogie réciproque pour privilégier le dialogue, rassurer ces jeunes et ces moins jeunes qui ne se reconnaissent plus dans le regard des autres. Ils y voient plus de suspicion que de compréhension, plus de rejet que de générosité. Il nous faut reconstruire et conforter ce fil qui doit privilégier le respect mutuel.
Question: Lors du match de football France-Algérie, les Français ont été choqués que “la Marseillaise” soit sifflée par des jeunes au stade de France. Est-ce, à votre avis, la manifestation d'un malaise ou un simple mouvement d'humeur ?
Réponse de S.M. le Roi : Pour moi, c'est une simple question d'éducation. Le fair-play est une question d'éducation, et cela n'a rien à voir avec le 110nalisme. L'équipe de France a battu l'équipe 110nale du Maroc 5-0 à Casablanca, et elle a été applaudie... Si l'équipe de France avait joué en Algérie, elle aurait été ovationnée. Je suis presque certain que si le match avait eu lieu en Algérie, il n'y aurait pas eu ce dérapage.

Question: Revenons à vos deux ans de règne. Lors de votre avènement, tout le monde a loué votre gentillesse, votre proximité, votre disponibilité aussi. Tout cela résiste-t-il à vingt-quatre mois de pouvoir ou, au contraire, l'exercice du pouvoir a-t-il entamé cette disponibilité ?
Réponse de S.M. le Roi : Mon métier de Roi fait que je suis le Premier Serviteur des Marocains. Il n'y a pas de raison pour que cela cesse. Serrer les mains, c'est très émouvant, c'est vrai, mais ce n'est pas comme ça qu'on peut connaître les vrais problèmes et les régler. Cette proximité de terrain, j'essaie de l'exercer dans la vie de tous les jours. Quant à mon bilan, cela me paraît difficile d'en faire un. Je n'ai que 38 ans et un peu plus de deux ans de règne. C'est un peu tôt...

Question: Le temps a-t-il d'ailleurs la même signification pour vous que pour un chef d'Etat élu par ses concitoyens ? Considérez-vous que vous avez trente à quarante ans pour faire avancer le
Maroc ?
Réponse de S.M. le Roi : Si vous le permettez, c'est d'abord tous les jours et dès aujourd'hui que je m'efforce de faire le mieux possible pour mon pays. Mais en même temps, la profondeur dans le temps, qui accompagne un règne qui commence, est un formidable atout pour construire et avancer dans la stabilité et la durée.
Aux Marocains et à moi-même de savoir en tirer le meilleur parti.
Vous le savez comme moi, les opérateurs et les investisseurs ont besoin de visibilité sur le long terme, et le Maroc leur apporte à cet égard la meilleure réponse possible.

Question: Votre volonté de réforme ne s'est-elle pas assoupie, endormie ? C'est ce que semble vous reprocher parfois la presse.
Réponse de S.M. le Roi : Non

Question: Quand on parle de “Mohammed VI, le Roi des pauvres'', c'est toujours vrai ?
Réponse de S.M. le Roi : Je dirais plutôt le Roi de tous les Marocains, les pauvres, les riches et les autres. Le social a toujours été un de mes soucis principaux. La Fondation Mohammed V, que je préside depuis cinq ans, fait un excellent travail. Que ce soit en ma qualité de Prince Héritier hier, ou de Roi du Maroc aujourd'hui, je me suis toujours directement impliqué pour que cette Fondation fasse bouger les choses. Elle est au service des ONG, auxquelles nous donnons les moyens de concrétiser leurs programmes. Nous avons construit 270 foyers pour les handicapés, les jeunes filles dans les campagnes, etc. Mais la Fondation a elle seule ne peut pas lutter contre la pauvreté, la marginalité, etc. C'est surtout à l'Etat d'agir, bien sûr.

Question : Vous avez reconnu l'identité plurielle du Maroc en créant l'Institut berbère et en mettant à l'honneur la langue et la culture berbères. Cela vous tient à cœur de montrer que le Maroc est pluriel.
Réponse de S.M. le Roi : Je suis moi-même à moitié berbère, ce serait donc renier une partie de ma culture et de mes gènes. Je ne parle pas l'amazigh (la langue berbère, prononcer ‘'amazir''), hélas, parce que j'ai suivi un cursus scolaire où il n'était pas enseigné, mais j'aimerais bien pouvoir prendre le temps de l'apprendre... Le Maroc est un véritable melting-pot.
C'est le pays d'Afrique du Nord le plus mélangé. On y trouve la culture andalouse, la culture africaine, la culture juive, la culture arabe, incontournable. Je ne vais pas mettre en avant la berbérité du Maroc et renier son côté arabe, mais les autres cultures que je viens de citer font partie intégrante de la culture marocaine.

Question : Une question un peu personnelle. On a annoncé officiellement vos fiançailles. Quand allez-vous vous marier ?
Réponse de S.M. le Roi : Le mariage est fixé au premier trimestre de l'année prochaine. Le temps nécessaire à l'aménagement en cours de notre future résidence. En ce qui concerne ma fiancée, Salma Benani, nous nous sommes rencontrés il y a un peu plus de deux ans. Elle est ingénieur en informatique, elle n'est pas la fille d'un banquier comme on l'a dit, mais d'un enseignant qui demeure à Fès.

Question: Votre mariage va-t-il modifier le statut de la femme du Roi ? Cette officialisation veut-elle signifier un changement dans les institutions ?
Réponse de S.M. le Roi : Il n'y a pas de reine en Islam, la question ne se pose donc pas, en tout cas au Maroc. Non, cela ne changera rien à mes habitudes.

Question: Le fait que le mariage soit célébré, c'est assez nouveau. D'ordinaire, on ne fêtait que les naissances. Vous avez voulu donner une touche de modernité, de normalité, à votre couple ?
Réponse de S.M. le Roi : ‘'Normalité'' me convient. C'est tout à fait normal de célébrer son mariage. C'est la formule que nous avons choisie conjointement. Nous allons donc célébrer notre mariage comme tous les autres couples, dans la joie et dans la fête.
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