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Le zen, une expérience personnelle

Maître Badidi est l’unique maître de zen au Maroc, en Afrique et dans l’espace arabo-musulman. Le zen, c’est d’abord une posture et une respiration. Et l’harmonie paisible viendra d’elle-même. Zen. Mot magnétique. Eveil

Le zen, une expérience personnelle
En rapport, plutôt, avec un vide dont on n’attend rien, dont on ne désire rien. Simplement halte dans le rythme de vie. Pour l’écoute de la vie. Pour savourer cette écoute, observer cette vie, sa respiration, ses battements dans notre corps. Et cet état d’être, ce moment d’être, est propice à la méditation. Mais ici, méditation est non penser. Certes, le cerveau y est toujours visité malgré lui de pensées, d’idées, émanations mentales qu’il ne peut arrêter ; mais il les laisse venir, les observe et les laisse repartir sans s’y accrocher, il ne développe aucun raisonnement, ne pense pas, ne « rumine » ni ne ressasse, il atténue l’activité du mental. C’est ce sens que prend méditation dans le zen qui n’est « ni un culte, ni une philosophie, ni une religion, ni un sport, mais une pratique qui exige une expérience personnelle » spécifie Maître Idriss Badidi, l’unique maître zen marocain au Maroc, dans tout l’espace arabo-musulman et en Afrique. En fait, le zen, comme le yoga, appartiennent à la culture boudhiste. Mais maître Badidi a dépouillé le zen de toute sa coquille boudhiste pour n’en conserver que la posture et la respiration, et l’adapter localement. Il est le créateur de l’Association zen du Maroc (en 1977), aux activités et ambitions inédites : l’enseignement de la méditation zen par la méthode du maître Taïsen Deshimaru Roshi et de son disciple maître Badidi, l’étude de la pensée extrême-orientale à travers la pratique du zen, l’apport d’une aide aux citoyens dans les difficultés de la vie moderne, sans discrimination de race, de croyance et de religion. Mais comment Me Badidi est-il venu à cette pratique du zen et s’est-il approché de cette culture de l’Extrême-Orient si lointain ? Surmontant cette humilité qui surélève son amabilité, il confesse qu’à son anniversaire de 18 ans il fêta concomitamment la lecture de son millième livre. Ayant grandi sous le joug d’une éducation conservatrice particulièrement sévère qui limitait ses loisirs, il trouva l’évasion dans la voracité de la lecture, ce qui lui fut d’une grande ouverture sur le monde, la littérature, les autres cultures. Ayant autant lu, il ne pouvait qu’aboutir un jour à l’écriture. Ce qui ne tarda pas à se manifester à travers des nouvelles, des poèmes, des articles de presse.
Si le zen le séduit, à travers sa première lecture sur ce sujet, « Le boudhisme zen » du Dr Suzuki, c’est parce qu’il y trouve notamment certaines affinités avec le soufisme sur lequel il a ouvert les yeux dès la naissance, car il est issu d’une longue tradition soufie de la zaouïa Al-Ghazia. Jusqu’à aujourd’hui, il n’a jamais quitté cette voie soufie. Il vit, affirme-t-il, dans un renoncement matériel pratiquement absolu, n’ayant jamais réclamé l’héritage parental, dans une pratique et une dévotion intenses, ses valeurs sont la sagesse, la tradition, la culture, la spiritualité. Gêné qu’on lui pose la question s’il est soufi, il ne sait que répondre avant de dire : « même lorsque l’on est vraiment soufi, on ne le dit pas ».

Trait d’union entre ciel et terre

Dans le zen il a trouvé le bonheur, une force extraordinaire, une « harmonie paisible » qu’il cherche à communiquer et à inculquer à ses élèves. « Le zen a deux caractéristiques, dit-il : une posture et une respiration spéciales : La posture s’appelle zazen. « Za » en japonais signifie « s’asseoir » et « zen » méditer ». La posture consiste à s’asseoir « en tailleur » sur un petit coussin rond, devant un mur (tourner le dos symboliquement aux ennuis et préoccupations quotidiennes) ; colonne vertébrale bien verticale, genoux au sol, pieds posés sur les cuisses et plantes des pieds tournées vers le ciel, épaules basses, tête levée avec la nuque redressée, le nez à la verticale du nombril. La bouche est fermée avec l’extrémité de la langue touchant le palais derrière les dents de la mâchoire supérieure. Les yeux sont mi-clos, le regard à un mètre devant soi sans rien fixer : il est en fait porté vers l’intérieur. Les mains reposent sur l’abdomen, gauche sur la droite, paumes vers le ciel, les pouces se joignant horizontalement dans le prolongement l’un de l’autre par une légère tension. Dans cette posture, appelée « de lotus » ou de « demi-lotus », le corps dessine, par ses points se joignant en lignes droites, un triangle dont la base est à terre et le sommet vers le ciel. Une figure très significative, mystique par excellence. « Simultanément, poursuit Me Badidi, nous contrôlons notre respiration, spéciale en zen, qui ressemble à celle d’un nouveau-né : inspiration courte et naturelle à partir du plexus, dont le symbolisme est de ne pas prendre beaucoup à l’univers ; expiration essentielle qui, en poussant sur les intestins en-dessous du nombril, doit atteindre le « hara » (matrice chez la femme) représentant le centre de gravité du corps et de l’être, pour les adeptes du zen ». En fait, il semble être bel et bien physiquement le centre de gravité du corps, et c’est d’ailleurs en cette région que se développe le fœtus. C’est aussi ce point qui représente le centre du triangle virtuel et symbolique contenant la posture zazen.
« Au cours du « zazen » reprend Me Badidi, nous avons l’impression de vouloir toucher le ciel avec notre tête et de pousser la terre avec nos genoux. Symbolisme : l’homme est un trait d’union entre ciel et terre. Il ne peut prendre à la plénitude et à la liberté que s’il se meut et agit dans cette dimension ». La posture n’est pas évidente, mais une fois réalisée, il faut y préserver l’équilibre en sérénité, en décontraction, sans crispation aucune. Et là, c’est une autre aventure qui commence. Les sens, le cerveau, les yeux et le cœur sont entraînés à « se désintéresser, à patienter et à être généreux, dit Me Badidi. Une éthique de l’ouïe et du « oui » malgré les agressions du monde extérieur : principe du « muchotocu », du non profit . Une mise à l’écoute du mouvement de la vie au fond de soi, observation, sans s’y intéresser, des idées qui envahissent le cerveau. Elles remontent du subconcient à la surface et se volatilisent comme des bulles de savon, entraînant par là même, un vide mental salutaire».
Me Badidi assure que, pratiqué quotidiennement, le zazen est très efficace pour l’élargissemnt de la conscience et le développement de l’intuition, à condition de ne pas les fixer comme des buts à atteindre, car il ne faut jamais oublier que le zen n’est ni une stratégie, ni une technique. Il se pratique uniquement en tant qu’apaisement et vie de « l’Ici et du Maintenant ».

Chant de sagesse

«La posture du lotus dégage une grande énergie car les points d’acupuncture (3600 environ) se situant sur 12 méridiens du corps qui s’étendent des orteils juusqu’aux tours des hanches, des doigts jusqu’aux épaules et de la 5e vertèbre lombaire jusqu’à la nuque, se massent intérieurement et stimulent les centres d’énergie du corps », explique Me Badidi. Cette libération optimale d’énergie, associée à un repos mental a des pouvoirs de guérison. « Le zazen permet au soma de s’harmoniser avec les rythmes énergétiques et cosmiques qui régissent aussi les rapports entre molécules et entre cellules. En outre zazen fait travailler la colonne vertébrale, cet axe pivotal équilibrant de la juste tension des muscles et l’homéostasie entre le systèmes nerveux, ce qui calme l’agitation des couches superficielles du cerveau tout en renforçant les zone profondes et primitives où se développent instinct et intuition. La respiration permet l’élimination des gaz toxiques et un massage salutaire des organes internes, ainsi que l’oxygénation accrue du cerveau et le renouvellement des tissus. Mais, ajoute-t-il, il ne faut rien attendre du zen, parce que le zen, c’est la pratique du rien ». En fait, pratiquer sans recherche de profit pour que les choses puissent venir d’elles-mêmes.
Le zazen dure environ une heure, entrecoupé d’une marche zen « kin-hin » de près de 10 minutes, dont le rythme est assez compliqué à acquérir. Et pour la fin, les pratiquants retrouvant la posture zazen, en basculant de gauche à droite comme une pendule, chantent à tue-tête le « hanya-shingyo », chant de sagesse suprême. Succession de phonèmes de sonorités japonaises et chinoises soustraites à toute mélodie qu’il faut hurler en se balançant. Défouloir transcendant. Comme une extériorisation du bourdonnement saumâtre de la ville (automobiles, klaxons, télévision, …) et intérieur emmagasinés. Silence et paix après ce « chant ». « C’est un exercice de respiration par cette combinaison de phonèmes qui sortent du hara des viscères, explique Me Badidi. Avec cet exercice on évacue le gaz carbonique stagnant au fond des poumons. Ce gaz qui génère nervosité, anxiété, et bien d’autres maladies ». Me Badidi ajoute qu’il conçoit le zazen au Maroc comme « un moyen d’entraînement à la relaxation, à la vertu de la tolérance. Une approche de proximité , afin de connaître l’autre de l’intérieur à travers son expérience et son enseignemment de sagesse. Zazen n’aliène en aucune façon notre ancrage dans notre identité arabo-musulmane, mais il l’approfondit ».
Dimanche dernier l’Association Zen du Maroc a tenu son deuxième salon culturel au Nadi de la Banque Populaire, où Me Badidi a traité de la pratique du zen tandis que maître Tung Maï a développé le thème « Yoga, science millénaire ».(Cette intervention fera l’objet d’un prochain article). Les causeries ont été enrichies par des séances d’initiation et entrecoupées d’un délicieux déjeuner végétarien.
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