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Les dépouilles des kamikazes livrent leur secret

L'Institut médico-légal du C.H.U. Ibn Rochd de Casablanca était au centre des événements barbares qui ont endeuillé le Maroc vendredi dernier. Sa mission n'était pas seulement de réceptionner les cadavres, mais consistait aussi à les identifier, à réalise

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C'est vers 22 h 15 que les premiers cadavres , six exactement , ont été acheminés à l'institut. Dès cet instant, le Pr. Saïd Ouahlia, directeur de l'institut médico-légal , ses assistants et les internes, les docteurs Hicham Benaïch, Amal Bouimjan, Meryem El Khalil, Abdallah Chbani, Hanane Razik, Saâd Faouzi, Abdelillah Lakbiri et Mostapha Ouaïd ainsi que l'ensemble du personnel de ce service ont pris en charge la situation et sont restés sur place pendant plus de 72 heures. Les cadavres continuaient d'être transférés à l'institut qui n'était pas préparé à recevoir un tel nombre de corps, 40 au total, dont certains étaient constitués uniquement de membres et de têtes. Pour permettre aux médecins légistes de faire leur travail, la première décision qui a été prise était de rassembler tous les corps dans un lieu unique. On fera donc ramener à l'institut les neuf cadavres qui ont été placés à la morgue communautaire de Aïn Chok.
Le travail d'identification pouvait commencer. Pour le Pr. Saïd Ouahlia, «il fallait respecter le deuil des familles des victimes et pouvoir leur remettre les dépouilles mortelles avant le lever du soleil». C'est ainsi que le lendemain , le samedi 17 mai, 24 corps ont été formellement identifiés. Cette identification a été possible parce que les victimes étaient bien conservées, les corps n'étaient couverts que de quelques brûlures ou avaient des traumatismes ; ils étaient vêtus. Les 24 corps on été transférés dans une salle de reconnaissance. Pour alléger la souffrance des familles des victimes, et en même temps respecter la procédure légale de remise des dépouilles mortelles, des cellules représentant diverses administrations ont été mises sur pied au sein-même de l'Institut.
Des éléments de la police judiciaire établissaient le procès-verbal de reconnaissance, et des agents de la commune délivraient sur place les permis d'inhumer. Un imam a également été mobilisé pou procéder aux grandes ablutions rituelles des défunts. Des bienfaiteurs ont par ailleurs fourni les linceuls et les cercueils en bois. Trois autres victimes seront identifiées le samedi après-midi et deux autres seront réclamées dimanche par leurs familles. Une autre nouvelle dépouille mortelle sera remise au centre, il s'agit d'une personne de nationalité espagnole qui a décédé à la suite de ses blessures.
Cela fait donc 41 morts dont 29 ont été, dimanche, formellement identifiés et réclamés par leurs proches. Douze corps, ou ce qui en restait n'ont pas été réclamés. Tout laissait croire qu'il s'agissait des kamikazes. C'était des corps déchiquetés. Il n'en restait le plus souvent que la tête , quelques membres. Dans certains cas, deux pour être précis, la boîte crânienne avait été pulvérisée par l'explosion. Il fallait d'abord rassembler les parties des corps déchiquetés avant que les services spécialisés ne commencent à entreprendre leur travail.
Précisons que les têtes, les membres et les lambeaux de chair récupérés sur les sites de l'abominable massacre avaient été mis dans des sacs en plastique. Selon des sources hospitalières, le travail avait été bien fait par les éléments chargés de collecter les restes humains sur les lieux du crime, ce qui a facilité largement la reconstitution des corps.
Il faut rappeler ici que, en collaboration avec l'association des médecins d'hygiène, la Direction générale de la sûreté nationale et la Gendarmerie Royale, l'Académie de la médecine légale a organisé du 8 au 10 mai 2003, à Marrakech son premier congrès méditerranéen sous le thème La science contre le crime.
Plus de cinq cents personnes , dont les responsables de la police judiciaire, les médecins d'hygiène, les médecins légistes et des experts internationaux ont pris part à ce congrès qui, justement, comprenait un atelier animé par l'agent spécial du FBI , Mark Safarik, sur la gestion des scènes du crime et la fixation de l'état des lieux au moyen de «chek list». Ce congrès a certainement contribué à une meilleure gestion des sites où ont été perpétrés les attentats sauvages de vendredi dernier, quoique des erreurs ont été notées et que l'on attribue au fait que c'est pour la première fois que nous expérimentons un tel malheur, une telle catastrophe et d'une telle ampleur. Chacun a fait ce qu'il avait à faire et c'est ce qui a permis d'avancer dans l'identification des corps.
Ainsi après la remise des 29 dépouilles mortelles à leurs familles, il restait dans l'institut médico-légal du CHU Ibn Rochd , 12 cadavres en menus morceaux. C'est à ce moment que les équipes de la police scientifique et de la Gendarmerie Royale entrent en jeu.
L'aspect déchiqueté des corps indiquait clairement qu'une déflagration proche avait produit cet effet. Il s'agit donc des porteurs des engins de la mort. Ils portaient tous des espadrilles ou des chaussures relax de bonne qualité et apparemment neuves.
Dix avaient un visage relativement bien conservé et pour les deux autres on n'avait recueilli que le cuir chevelu et une partie de la peau faciale. Sept des kamikazes ont été rapidement identifiés grâce, notamment, à leurs empreintes digitales. Notons ici que les experts étrangers, notamment ceux de la police technique et scientifique de Lyon ont assisté leurs homologues marocains uniquement dans le relevé des empreintes digitales.
L'enquête et les analyses sont entièrement menées par les services marocains . Les sept kamikazes identifiés sont Adyl Tayech, Khalid Benmoussa, Youssef Knitri, Mohamed Mihani, Abdelfattah Boulakdan, Mohamed Laâroussi et Mohamed Hassouna.
Par ailleurs, l'enquête de la police judiciaire allait fournir les noms des cinq autres terroristes. Il s'agit de Mohamed Arbaoui, Saïd Laâbid, Hassan Taoussi et Abderrazak Rtiou. Maintenant, il s'agit de mettre des noms sur des visages. Comme aucune personne n'est venue réclamer ces corps, ou plutôt ce qui en reste, cela prendra peut-être du temps. Toujours est-il que ces terroristes étaient inconnus des services de renseignements et de lutte contre la subversion . Certains n'avaient même pas de carte d'identité nationale. Ils s'habillaient normalement , jeans et tee-shirt et les attentats qu'ils ont commis n'ont pas été revendiqués . Cela nous amène à nous poser beaucoup de questions et peut-être pas celles qu'il faut.
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