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7e Biennale des cinémas arabes : un film marocain primé à Paris

Avec A Casablanca les anges ne volent pas de Mohamed Asli au palmarès, la 7ème Biennale des cinémas arabes à Paris s'est achevée, samedi 3 juillet, en confirmant la vitalité des cinémas arabes. Des auteurs mais pas de distributeurs : les cinéastes souffre

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A l'Institut du monde arabe à Paris, contrairement au festival de Cannes, on ne monte pas les marches rouges, on les descend. Direction : le deuxième sous-sol, vers l'auditorium où s'est achevée, samedi 3 juillet dans la soirée, la 7ème Biennale des cinémas arabes. Les places étant comptées, l'invitation était de rigueur. Mais pas la tenue de soirée : la Biennale a beau être un festival unique en son genre - une centaine de films arabes présentés en une semaine tous genres confondus - l'atmosphère y est bon enfant.

On s'y retrouve plus qu'on ne s'y affronte, les candidats aux récompenses cherchant plus un coup de pouce pour leur film qu'à doubler les autres. En témoigne la liste des prix : sept pour les œuvres de fiction, quatre pour les documentaires, sans compter les “ mentions spéciales ”. A chacun correspond une aide financière (sauf pour les prix des meilleurs acteur et actrice) remise par des prestataires multiples – l'IMA, Titra Films, Radio Orient, Fondation Gan, RMC-MO, 2M… Les sommes s'échelonnent de 1 500 euros pour le Prix Spécial du Jury pour un court métrage documentaire, à 7 500 euros pour le Grand Prix IMA du long métrage de fiction.

En dépit d'une certaine mise en scène copiant celle des grands festivals, avec maîtresse de cérémonie, trophées, et grand écran diffusant des images des films cités, la cérémonie de clôture s'est déroulée avec moins de brio qu'attendu. Manque de moyens oblige, quelques légers cafouillages dans le déroulement ont réveillé des ricanements et relativement engourdi le suspens, au grand dam des organisateurs. Sans oublier que l'indispensable présentation bilingue (français-arabe) doublait le temps de chaque communication. N'est pas Cannes qui veut, peut-être. Mais les cinéastes arabes venus présenter des films illustrant des réalités souvent difficiles ont su rappeler qu'ils n'étaient pas là pour singer la Croisette, tout en se prêtant, assez volontiers quand même, au jeu imposé.


Des documentaires dans le sillage du 11 septembre

“ Cette semaine de voyage dans le monde arabe à travers le prisme du documentaire nous a montré que le séisme du 11 septembre avait entraîné un certain nombre de cinéastes dans son sillage, a esquissé en introduction le réalisateur belge Thierry Michel, président du jury des documentaires. Sentiments d'étouffement, de névrose, de défaite, quête inquiète d'identité : peu de films nous ont paru porteurs de messages d'espoirs. A l'exception de ceux venus de Palestine, appels sensibles au dialogue et à la tolérance.

Espérons qu'ils deviendront le sel de la terre de ce nouveau cinéma documentaire, a t-il souhaité. Avant d'ajouter : le cinéma ne fonctionne pas en vase clos. Son développement dépend de la volonté de diffusion des télévisions, du degré de liberté d'expression dans un pays, et du maintien d'une certaine culture audiovisuelle. ” Une façon de faire écho au débat qui avait eu lieu, l'avant veille, autour du film documentaire dans le monde arabe.

Soucieux d'une certaine transparence, Thierry Michel a fait l'effort de justifier, rapidement, les motivations de son jury à chaque remise de prix, rappelant, par la même occasion, le contenu des films présentés. A l'issue d'une manifestation au programme chargé, l'idée était loin d'être superflue : peu de spectateurs, même parmi les plus assidus, pouvaient se vanter d'avoir vu l'ensemble des films en compétition.

Le Grand Prix IMA du long métrage documentaire a été attribué à Aliénations, un film sur la souffrance mentale en Algérie. Son réalisateur, Malek Bensmaïl, a installé sa caméra dans un hôpital psychiatrique algérien pour suivre, au quotidien, la travail des psychiatres avec leurs patients. “Il a su s'insérer dans ce lieu avec empathie et sans voyeurisme, écoute et distance. Et il rend compte des traumas de la société algérienne ” a précisé Thierry Michel. “ J'espère que cette récompense va nous aider à distribuer le film en Algérie ” a déclaré le représentant de Malek Bensmaïl, le réalisateur ayant été retenu au pays. Les films algériens étaient à la fête : une mention spéciale à été accordée à Algéries, mes fantômes de Jean-Pierre Lledo, long métrage salué pour son travail sur la mémoire de la société algérienne et les différentes souches qui la composent. “ J'espère que le développement du documentaire va permettre aux pays du monde arabe de s'emparer de cet outil pour défendre la liberté d'expression et de conscience.

Car c'est ce dont ils manquent le plus ” a défendu Jean-Pierre Lledo. Le cinéaste Nizar Hassan, qui a marqué les esprits par “ l'intelligence et la subtilité ” avec lesquelles il dénonce l'oppression du peuple palestinien dans Egteyah (Invasion), s'est vu accorder le Prix Spécial du Jury pour le long métrage documentaire.


Du côté des courts métrages documentaires, c'est “ une œuvre de référence sur l'endoctrinement idéologique ”, Déluge au pays du Baas, de Omar Amiralay (Syrie/France) qui a reçu le Prix IMA du meilleur court métrage. Soit “ 46 minutes de film pour quarante ans de travail et de lutte du peuple Syrien pour reprendre sa liberté ” d'après le réalisateur. Raïs Lebbar, (Ô ! Capitaine des mers), réjouissant documentaire de Hichem Ben Ammar sur les pêcheurs du Cap Bon, a remporté le Prix Spécial du Jury. “ Je pense aux pêcheurs de mon film, car la saison de la pêche au thon atteint son point culminant en ce moment. J'ai une pensée aussi pour les pêcheurs licenciés qui attendent l'issu d'un procès ” a déclaré ce cinéaste tunisien récompensé pour la “ poésie de son regard personnel et la sincérité de ses personnages ”. Enfin, mention spéciale pour deux courts métrages documentaires : BerlinBeirut de Myrna Maakaron (Liban, Allemagne), “ une idée originale qui rapproche deux villes divisées avec fraîcheur et innocence, en ouvrant des tragédies personnelles sur celles du monde ”. Et Ils vivent parmi nous de Mahmoud Soleiman (Égypte), “ un film d'inspiration néoréaliste qui montre une face cachée de la société égyptienne à travers le courage des femmes des quartiers pauvres ”. Surtout un étonnant portrait qui n'a bénéficié d'aucun soutien extérieur.

Des fictions vers l'invention d'un langage libre

“ Sur douze longs et dix-neuf courts métrages de fiction représentatifs des différentes tendances qui s'expriment dans le monde arabe, nous avons été frappés par la qualité des films et cette capacité qu'ont plusieurs cinéastes à se débarrasser des stéréotypes pour inventer un langage libre et moderne ” a déclaré Bulle Ogier, présidente du jury pour les films de fiction. Hormis ce commentaire, celle-ci a été bien moins prolixe que son homologue. Il faut dire que les prix étaient au nombre de sept et que la cérémonie tirait déjà en longueur.

Cause, conséquence ou confirmation ? Toujours est-il que les premières récompenses sont allées à des films qui avaient été sélectionnés au Festival de Cannes : Dans les champs de bataille de la libanaise Danielle Arbid (Grand Prix IMA du long métrage et Aide IMA à la distribution) qui concourrait à la Quinzaine des réalisateurs ; À Casablanca, les anges ne volent pas, joli film du Marocain Mohamed Asli (Prix IMA de la 1ère œuvre) à l'affiche de la Semaine de la critique ; et Atash (Soif), fascinante tragédie du Palestinien Tawfik Abu Wael (Prix Maroun Bagdadi, Prix Spécial du Jury) déjà salué sur la Croisette. Une fois n'est pas coutume, les prix des meilleurs acteurs ont été attribuées à un groupe : les huit comédiens, quatre hommes et quatre femmes, à l'affiche de Nuits blanches, long métrage égyptien de Hani Khalifa. Pour terminer, c'est Comme vingt impossibles de Annemarie Jacir (Palestine/États-Unis, qui est repartie avec le Prix IMA du meilleur court métrage. A raison, car ses dix-sept minutes passées à un check point en Palestine occupée en disent long sur le quotidien là-bas.


“ Il y a beaucoup de gens à qui je voudrais parler dans le monde arabe, a confié Danielle Arbib en montant sur scène. Comme je vis en France depuis 16 ans, j'ai toujours l'impression d'être coupée d'eux alors qu'une partie de moi est libanaise. C'est grâce à la France que j'ai pu faire ce film, car au Liban les cinéastes n'ont pas les moyens de travailler. Aussi cette récompense est également pour eux. ” Elle a ensuite réaffirmé l'importance du cinéma dans un pays comme le Liban – “ ce n'est pas un passe temps ” - et souhaité que son film puisse y être diffusé “ sans être coupé ”. “ J'ai voulu montrer des individus et non pas un groupe, a t-elle insisté, une image intime du Liban ”. Même réaction chez Mohamed Asli, lauréat du Prix IMA de la 1ère œuvre : “ Dans A Casablanca les anges ne volent pas, j'ai voulu montrer une image qui nous ressemble et j'espère y être parvenu, parce que nous avons besoin que le cinéma nous représente au Maroc. ”
Exprimée par plusieurs cinéastes au cours de cette Biennale cette attention portée à “ l'image vraie ” fonctionne dans deux sens : en direction de l'Europe, en vue de reconnaissance, collaborations, soutiens.


Mais aussi, voire surtout, en direction des pays arabes où se manifeste un désir de réalité, une volonté de parler de la vie quotidienne, de la montrer, de la faire partager. Reste que, si les films existent dans les pays arabes, il faut encore qu'ils puissent être vus. D'où la question de la diffusion, véritable enjeu de cette Biennale, constamment rappelé.

Pour assortir chaque récompense d'un soutien financier, L'IMA en a bien conscience. De même certains médias comme les radios RFI-RMC-Moyen Orient partenaires du Prix d'aide à la distribution, et la chaîne de télévision marocaine 2M qui s'est engagée à faire de la place dans sa grille à venir pour diffuser des films de cette Biennale. Enfin, selon la déléguée de la manifestation, Magda Wassef, le festival du monde arabe de Montréal, qui se déroulera du 29 octobre au 11 novembre, “ présentera une sélection des meilleurs crus de la Biennale 2004 ”. Il aurait fallu bien davantage d'engagements de la sorte. Car si les films de la Biennale étaient également projetés dans des salles publiques à Paris et à Marseille, ils sont encore en attente de leur public, notamment dans les pays arabes.

Mohamed Asli, lauréat du Prix IMA de la 1ère œuvre
A l'issue de la cérémonie de remise des prix, lauréats et invités se sont retrouvés au dernier étage de l'Institut du Monde Arabe, dans une grande salle vitrée qui offre une vue imprenable sur les toits de Paris. C'est, là, dans un salon un peu à l'écart de l'agitation, que le cinéaste marocain Mohamed Asli s'est réjoui de son tout nouveau Prix IMA de la 1ère œuvre. Honnête, il a reconnu qu'il avait rêvé du Grand Prix : tant de gens lui avait assuré, au cours de la Biennale, qu'il était un grand vainqueur potentiel. Mais Mohamed Asli ne regrette rien : le festival de Cannes a eu des retombées inespérées. “ C'est grâce à Cannes que j'ai été sélectionné à la Biennale.

Depuis, j'ai été demandé par une quarantaine de festivals dont Naples, l'Inde, Washington, la Californie, la Suède, l'Egypte, la Tunisie… sans avoir à faire un seul geste dans ce sens, s'est-il félicité. Ravi, mais aussi ennuyé : également directeur d'une école de cinéma à Ouarzazate, Mohamed Asli sait d'avance qu'il ne pourra suivre son film sur les festivals. “ Je me refuse à quitter trop souvent l'école et j'ai besoin de temps aussi pour écrire mon prochain film ”. Il pense donc adresser une requête au Centre Cinématographique du Maroc afin qu'il dépêche quelqu'un à sa place : “ J'estime qu'il appartient au CCM de défendre les films marocains à l'étranger. Il jouerait son rôle en planifiant sa présence sur plusieurs festivals. ” Pour l'heure, A Casablanca les anges ne volent pas n'est pas encore sorti au Maroc. “ Je n'aurais jamais cru que ce film aurait un tel succès.

Les gens parlent de sa sincérité, ils s'y retrouvent. ” Et Mohamed Asli s'est dit impatient de voir les Marocains s'y retrouver à leur tour : “ Nous avons besoin d'un cinéma qui nous ressemble et participe à la création de la nouvelle société marocaine. ” Sortie prévue : vers septembre, octobre.

Le palmarès

Prix Fiction : Bulle Ogier (Présidente), Yorgos Arvanitis, Alberto Elena, Kassem Hawal, Nadia Kaci, Élias Khoury, Yousry Nasrallah.
Grand Prix IMA du long métrage : Dans les champs de bataille de Danielle Arbid (Liban/France/Belgique, 2004). D'une valeur de 7.500 _, ce prix est offert au réalisateur par l'Institut du monde arabe à hauteur de 4.000 _ et par Titra Films à hauteur de 3.500 _ en prestations de service.

Aide IMA à la distribution : Dans les champs de bataille de Danielle Arbid (Liban/France/Belgique, 2004). D'une valeur de 5.000 _, ce prix est offert au distributeur du film en France par Radio France Internationale (RFI) /Radio Monte-Carlo – Moyen-Orient (RMC-MO).

Prix IMA de la 1ère œuvre : À Casablanca, les anges ne volent pas de Mohamed Asli (Maroc/Italie, 2004). D'une valeur de 3.000 _, ce prix est offert au réalisateur par la Fondation Gan pour le Cinéma.
Dans cette édition du Festival, le travail collectif des comédiens de l'un des films a rendu éblouissante la singularité du talent de chacun d'entre eux. Les prix de la meilleure interprétation féminine et masculine sont décernés aux 8 comédiens principaux de Nuits blanches de Hani Khalifa (Égypte, 2003) : Mona Zaki, Hanan Turk, Jihane Fadel, Ola Ghanem, Khaled Abu el-Naga, Ahmed Helmy, Shérif Mounir, Fathi Abdel Wahab.

Prix Maroun Bagdadi, Prix Spécial du Jury : Atash (Soif) de Tawfik Abu Wael (Palestine, 2004). D'une valeur de 4.500 _, ce prix est offert au réalisateur par Radio Orient.

Prix IMA du meilleur court métrage : Comme vingt impossibles de Annemarie Jacir (Palestine/États-Unis, 2003). D'une valeur de 2.000 _, ce prix est offert au réalisateur par les Laboratoires GTC en prestations de service.
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