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Alors que Beslan enterre ses morts et la France attend ses otages dans l'angoisse: les nouvelles leçons du terrorisme international

De Beslan à Baghdad, la prise d'otages a constitué cette dernière semaine le fil noir du terrorisme. Sanglant, omniprésent et faisant peser sur les populations une menace de tous les jours. Ce terrorisme nouveau, qui ne s'encombre ni de morale ni du simpl

Alors que Beslan enterre ses morts et la France attend ses otages dans l'angoisse: les nouvelles leçons du terrorisme international
Deux attitudes lui sont opposées, comme on vient de le voir. Celle de la France qui a choisi la négociation difficile et haletante avec les ravisseurs de deux journalistes.

Celle ensuite de la Russie qui, pour ne point déroger à la tradition, a répondu au commando de Beslan par une violence effroyable, provoquant la mort - le chiffre étant encore provisoire - de près de 350 morts, dont un grand nombre d'enfants et faisant plus de 700 blessés.

Entre ces deux événements, la proportion du tragique n'est certes pas la même, dira-t-on. On ne saurait pudiquement mettre sur le même niveau la mort de 350 innocents en Ossétie dans une intervention armée confuse et critiquée par beaucoup et le maintien dans le silence de deux personnes, fussent-ils journalistes. Cependant, l'émotion est la même d'un terrain à l'autre, et la vie humaine est aussi sacrée à Latifiya au nord de Baghdad qu'à Beslan.


Les terroristes ont pour finalité d'ôter cette précieuse vie aux uns et aux autres, de mettre en équation sinon la communauté internationale, du moins les gouvernements concernés. Et de fait, la tragédie est la même aussi bien à Moscou qu'à Paris parce que s'y joue la vie de citoyens innocents. La première interrogation qui vient à l'esprit est pourquoi un tel processus de violence effrayant ? Il faut naturellement remonter le fil d'une histoire à la fois présente et passée et spécifier chaque cas de figure, l'Irak et le Caucase n'ayant de commun que l'effroi de la terreur.


Les otages français, kidnappés le 20 août dernier dans une région à dominante sunnite, véritable maquis qui constitue un casse-tête chinois pour les Américains, n'avaient pas fini de bouleverser et de susciter la solidarité de la communauté mondiale, que le drame de l'Ossétie est venu rappeler que le terrorisme n'est pas un phénomène isolé. Autrement dit pas plus confiné que les certitudes des états-majors occidentaux ou américains qu'ils en viendraient à bout si vite.

La baliverne " cela n'arrive qu'autres ! " est enterrée depuis quelques temps parce que la violence des groupes armés déferle partout et n'épargne aucun territoire et nul espace. Au lendemain de la tragédie du 11 septembre, George W. Bush n'avait pas assez de mots forts et violents pour proclamer sa volonté d'éradiquer le fléau du terrorisme. La guerre lancée contre les talibans et Oussama Ben Laden justifiait certes une certaine euphorie guerrière que les circonstances imposaient. Pourtant, malgré aussi les proclamations vertueuses, la priorité du président américain était ailleurs, dans cet Irak où régnait avec une main de fer un Saddam Hussein et avec lequel il importait d'en découdre à tout prix.

Inversant l'équation, parant au plus pressé, George Bush a tout de suite rectifié le tir et commencé dès l'année 2002, alors que les terroristes d'al-Qaïda couraient et narguaient le monde entier, à préparer les esprits à une intervention américaine en Irak. Mieux, dans la confusion des esprits entretenue depuis le 11 septembre 2001, il était facile de donner à croire que le démon de la planète se trouvait à Baghdad et non dans le Kandahar ou dans les grottes de Bora-Bora. Il importait tant de prouver – quitte à se démentir quelques mois plus tard – que les fameuses Armes de destruction massive (ADM) étaient enfouies dans des silos en Irak et de s'employer avec un luxe de contradictions à convaincre l'opinion publique pour qu'elle adhérât à l'aventure, bref l'empressement mis par la Maison Blanche à détruire le régime de Saddam Hussein était d'autant plus surprenant que celui-ci ne constituait pas, tant s'en faut, une priorité du moment.

Or, pendant ce temps-là les membres d'al-Qaïda se refaisaient une autre vie, restructuraient leurs réseaux de par le monde et, plus grave encore, s'étaient glissés subrepticement dans l'œil du cyclone irakien que George W. Bush a enclenché. A présent, nous en sommes-là, à ce point de l'analyse que faute d'avoir compris qu'il fallait d'abord neutraliser et anéantir au besoin al-Qaïda, les Etats-Unis se sont engagés en guerre en Irak et leur intervention, condamnée par les foules arabo-musulmanes, n'aura au mieux que suscité et favorisé une collusion objective entre la résistance irakienne et les réseaux d'al-Qaïda.

La présence de cette dernière en Irak est évoquée chaque jour. Son rôle en Tchétchénie et dans ce Caucase sensible, qui représente le ventre mou de l'autorité russe et où Moscou voit la main de Chamil Bassaeïv , est souligné chaque jour un peu plus. Personne ne pourra prévoir quand ni comment et où al-Qaïda frappera.

Et l'arrestation ou la disparition de son chef, Ben Laden ne changera rien à cette étrange dialectique qui veut que des groupes spontanés se créent et émergent isolément, prospèrent dans le terreau de la frustration et de l'antiaméricanisme. Aujourd'hui encore, Israël en vient à proposer à la Russie une coopération en matière de lutte antiterroriste, non content naturellement de ruer dans les brancards sans distinction aucune. Mais au-delà, c'est la planète qui est interpellée parce que l'Ossétie et l'Irak ne sont que la partie visible de l'iceberg d'un phénomène qui , malheureusement, tend chaque jour à illustrer la prophétie de Malraux sur le " siècle religieux "…
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