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«Dans les coulisses de la terreur» de Richard Labévière : le mythe Al Qaïda

Depuis les attentats du 11 septembre, Les Etats-Unis et la «vieille» Europe continuent à ne pas s'entendre sur la stratégie à adopter pour faire éradiquer le fléau du terrorisme qui, au fil du temps et des attentas, s'affirme comme étant le plus grande da

«Dans les coulisses de la terreur» de Richard Labévière : le mythe Al Qaïda
« Guerre préventive» à l'échelle planétaire sous l'égide de la puissance militaire américaine comme le préconise l'Administration Bush ? ou « combat » contre le terrorisme comprenant un volet sécuritaire certes, mais s'appuyant surtout sur une nouvelle conception des relations internationales multipolaires? c'est le point de vue l'Europe et d'une grande partie de la communauté internationale.

« Dans Les coulisse de la terreur » le livre de Richard Labévière, rédacteur en chef et éditorialiste à Radio France International, s ‘inscrit dans ce débat.
Pour Labévière, Dans son livre « Dans Les coulisses de la tereur », la lutte contre le terrorisme loin d'être une catégorie morale du « bien contre le mal », de la « civilisation contre la barbarie » requiert d'abord « un examen serré, une enquête sur le terrain et une analyse politique sans concession » pour la compréhension du phénomène, de ses figures contemporaines et de ses évolutions.

C'est cet examen et cette analyse politique qui constituent la trame de ce livre de 370 pages qui , on l'imagine, se fait le défenseur de la position européenne, très soupçonneuse sur les motivations réelles du puissant allié, à ramener tout les problèmes du monde à la seule lutte contre le terrorisme.

Pour commencer l'auteur conteste le fait que les attentats 11 septembre constituent « une rupture historique » ou un avènement annonciateur d'un nouveau monde. Ils ne font qu'exprimer un processus à l'œuvre depuis longtemps : « Outre le fait avéré que l'Administration américaine avait décidé de provoquer la chute de Saddam Hussein bien avant que ne s'effondrent les Twin Towers, les vraies ruptures ont déjà eu lieu ».

Il en cite cinq dont la fin de l'alliance des Etats-Unis avec les mouvements islamistes au lendemain de la première guerre du Golfe et l'installation durable des troupes américaines en Arabie ; la marginalisation de l'Onu à partir de 1993 dans le règlement des conflits régionaux ; le désengagement de la communauté internationale du conflit au Proche-Orient et bien sûr « la fracture économico-sociale » engendrée par la mondialisation.

L'auteur reproche aux américains de profiter de l'ampleur du drame pour ériger la lutte contre le terrorisme en « idéologie totale, dominante » , dans le but d'étendre leur hégémonie sur le monde comme l'unique superpuissance.

C'est dans ce cadre que Ben Laden et al Qaïda prennent, selon Labévière, des proportions mythologiques censées tout expliquer et surtout tout justifier s'agissant de la politique impériale que l'Amérique entend imposer au monde.

Labévière ne sous-estime nullement la menace terroriste qui pèse sur le monde, ce qu'il conteste c'est la « lecture simpliste » des réalités du monde dont font preuve les américains et qui explique leur glissement de la chasse à Ben Laden à la chute de Saddam Hussein et à l'élimination programmée de Yasser Arafat: «Annonciatrice d'autres confrontations avec l'Iran, la Syrie, le Liban entre autres, l'idéologie de la guerre sans fin ne vise pas seulement à l'imposition d'un nouvel ordre proche-oriental, mais aussi et surtout à la construction d'un monde unipolaire, d'une puissance et d'un savoir absolus, constitutifs d'une fin de l'Histoire bien peu hégélienne : trop exclusivement américaine ».

Pire, la guerre totale et sans fin contre le terrorisme comme seul remède à la menace, risque de mettre le monde dans un état d'urgence permanent qui n'est pas sans risque sur les libertés publiques et l'Etat de droit. L'état d'urgence étant une exception où l'impératif sécuritaire supplante les règles de fonctionnement démocratique le temps que dure la crise. Or, en mettant le monde entier dans un état d'urgence permanent, l'exception risquerait de se transformer en règle dont il deviendrait difficile de sortir.

Il y aurait un autre risque, celui de ce que l'auteur appeelle «la talibanisation» du monde musulman à l'instar de ce qui est arrivé en Afghanistan et dans une large mesure au Pakistan.

Pour Labévière, Al Qaïda n'existe pas en tant qu'organisation structurée sous la forme pyramidale classique. C'est une nébuleuse de groupes d'envergure locale, indépendants les unes des autres et dont l'organisation de Ben Laden n'est qu'une mouvance. L'émergence de ces groupes locaux s'expliquerait moins par un quelconque complot intégriste à l'échelle mondiale que par les conditions politiques économiques et sociales difficiles dans les pays où ils sont en activité. Du Pakistan à Bali, de Ryad à Casablanca, l'auteur revisite les lieux où la terreur a sévi pour appuyer sa thèse.

Il s'expliquerait aussi par la bienveillance dont les Etats-Unis ont enveloppé les mouvements intégristes, sinon l'alliance contre l'Union soviétique à l'époque de la guerre froide, dont le mouvement de Ben Laden en Afghanistan. L'auteur nous fait pénétrer dans l'univers fermé des places financières et des multinationales dont Ben Laden et ses proches étaient associés et dont les capitaux auraient servi à financer le terrorisme.

Que pensez de ce livre ? Certainement il exprime le point de vue d'une grande partie des intellectuels européens qu'un Revel classerait volontiers dans la catégorie des anti-américanistes, prompt à mettre sur le dos des Etats-Unis tous les malheurs du monde.

Expliquer tout par les intérêts pétroliers ou le désir d'hégémonie est un raccourcis séduisant et qui séduit plus d'un dans le monde arabe, mais pour d'autres raisons : celles de nous dispenser de faire notre examen de conscience et de détecter la part de responsabilité qui est la nôtre dans la production de la violence.

L'absence de démocratie, la pauvreté, la marginalité de pans entiers de la société, la crise de l'enseignement entre autres maux, ne seraient-ils pas le terreau propice à la fructification de l'extrémisme fanatique ?
« Dans les coulisses de la terreur» Ed. Grasset 370 pages
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