Menu
Search
Jeudi 25 Avril 2024
S'abonner
close
Jeudi 25 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Fête du Trône 2006

Gottfried Haas : «Berlin soutiendra une solution politique et pacifique au Sahara»

"Il n'y a pour nous que la solution politique et pacifique. L'Allemagne soutiendra toute initiative allant dans ce sens ". La déclaration est de l'ambassadeur d'Allemagne à Rabat et concerne la question du Sahara. "L'Allemagne comme tous nos partenaires

Gottfried Haas : «Berlin soutiendra une solution politique et pacifique au Sahara»
Le Matin : Vous êtes en poste à Rabat depuis le début de l'été, comment appréhendez-vous votre mission au Maroc ?

Gottfried Haas : J'inscris ma mission évidemment dans la grande tradition d'amitié entre nos deux pays, du respect mutuel, de grande admiration pour nos cultures respectives et d'une coopération approfondie qui se développe très bien dans tous les domaines. Au vu de cette tradition, la tâche de chaque nouvel ambassadeur est de bâtir sur ce qui a été déjà réalisé et d'essayer d'approfondir ce champ de la coopération.

Comment évaluez-vous aujourd'hui cette coopération ?

Il y a une coopération importante entre le Maroc et l'Allemagne dans les domaines économique, financier, technique et culturel. Dans le domaine de l'économie, je constate que les échanges commerciaux entre les deux pays ont augmenté de façon considérable ces dernières années (22 % en 2003 et 11% en 2004). Je me réjouis, bien évidemment, du fait que l'Allemagne ait pu accroître le volume de ses exportations vers le Maroc.

Je constate également dans le sens inverse que les exportations du Maroc à destination de l'Allemagne ont connu une nette augmentation. De même pour les investissements, l'Allemagne a investi de manière substantielle au Maroc ces dernières années. Nous en sommes à 45 millions d'euros d'investissements. L'Allemagne occupe actuellement la troisième place parmi les investisseurs étrangers au Maroc (après la France et l'Espagne).

A quoi est dû ce dynamisme nouveau ?

Nous avons évidemment une chambre de commerce maroco-allemande à Casablanca qui travaille de façon efficace à promouvoir les relations économiques entre les deux pays. Il en est de même pour les représentants de la GTZ et KfW. Mais le dynamisme, à mon avis, part aussi du Maroc même qui est en train de se transformer, qui s'est engagé dans des réformes importantes. Ceci n'est pas resté inconnu en Allemagne, qui estime qu'elle peut y participer. Tous les membres du gouvernement auxquels j'ai parlé les premières semaines après mon arrivée au Maroc m'ont, par ailleurs, entretenu de leur volonté d'approfondir ces relations économiques avec l'Allemagne et d'attirer plus d'investisseurs pour le Maroc.

Un deuxième aspect de nos relations est lié à la coopération technique et financière. Le Maroc est un pays clé à ce niveau. Il figure parmi les sept pays ciblés par la coopération technique et financière de l'Allemagne.

Pour quelles raisons ?

Pour les raisons que j'ai déjà évoquées. Le Maroc est un pays très important dans la région, un pays voisin de l'Europe, un pays ouvert qui accélère les réformes et qui avance. Pour ce qui est du programme de la coopération technique avec le Maroc, nous avons atteint un budget de 110 millions d'euros, étalé sur deux ans. En chiffres cumulés, l'Allemagne a déjà contribué avec un budget de 1, 5 milliards d'euros. Notre aide s'insère dans les grandes stratégies de développement initiées par le Maroc, avec un intérêt particulier pour les questions de l'eau, de l'environnement et des énergies renouvelables. Ce sont des domaines de grande expertise en Allemagne.

Quel regard portez-vous sur l'initiative de développement humain initiée au Maroc, un projet que la France et l'Espagne disent vouloir appuyer ?

C'est un projet très important que S.M. le Roi a lancé et nous partageons entièrement le point de vue de nos partenaires comme la France et l'Espagne. Les projets que je viens de mentionner s'insèrent très bien dans le cadre de l'INDH.

Vous avez parlé du volet de la coopération culturelle, comment se traduit-elle entre deux pays qui possèdent des langues et des cultures très éloignées ?

Les relations culturelles ont un rôle clé entre deux pays, particulièrement lorsqu'il s'agit de pays de culture et de tradition différentes. Le Maroc est un pays de grande civilisation avec une grande culture. Le dialogue des cultures est essentiel et on a beaucoup à se dire. D'ailleurs, nous sommes bien positionnés à cet égard. Nos fondations politiques, telles que les Fondations Konrad Adenauer, Friedrich Ebert, Friedrich Naumann et Hanns Seidel offrent avec leurs programmes variés une plateforme excellente à ce dialogue. Les deux instituts Goethe à Rabat et Casablanca jouent également un rôle clé. Leur programme est de grande qualité et unanimement apprécié.

Les deux instituts ont un rayonnement important dans tout le Maroc. A Marrakech, ils ont monté une initiative pour la promotion de la langue allemande qui se décline sous la forme d'une présentation plus large à la fois de la langue et de la culture allemande. A Tanger, l'Institut Goethe appuie une initiative privée d'Allemands vivant dans la ville, pour promouvoir la culture allemande. Il existe évidemment des champs d'activités avec un spectre plus large. Nous avons lancé, depuis près deux ans le train culturel qui a le même objectif de promotion de la culture allemande avec des programmes et des activités culturelles proposés aux jeunes.

Il y a 5000 étudiants inscrits aux instituts Goethe de Casablanca et de Rabat. Cela montre qu'il y a aussi un grand intérêt pour la langue et la culture allemandes.

Nous comptons poursuivre sur cette voie et nous réfléchissons déjà à l'année prochaine, lorsque le Maroc fêtera ses 50 années d'indépendance et que par la même occasion nous célébrerons le cinquantenaire des relations diplomatiques entre nos deux pays.

La construction maghrébine achoppe sur une question importante qui est celle du Sahara. Quelle est la position aujourd'hui de l'Allemagne à l'égard de ce dossier ?

L'Allemagne comme tous nos partenaires européens a un grand intérêt que ce conflit soit résolu. Les parties ont une responsabilité de s'entendre.
Les Nations Unies peuvent, à notre avis, jouer un rôle important pour promouvoir cette entente. Nous soutenons les initiatives des Nations Unies dans ce domaine et nous continuerons à le faire. Le nouvel envoyé spécial du Secrétaire général de l'ONU se rendra bientôt dans la région et nous lui souhaitons un plein succès. La solution à ce conflit est importante pour le bien-être et le développement de toute la région.

Entre l'option du référendum et celle d'une solution politique négociée laquelle est aujourd'hui la plus valable à votre avis ?

Il n'y a pour nous que la solution politique et pacifique. L'Allemagne soutiendra toute initiative allant dans ce sens.

L'Allemagne est arrivée à une situation de blocage politique à la suite des élections générales. Il n'y a visiblement eu ni vainqueur ni vaincu. Comment analyser vous ce qui s'est passé?

Il est vrai que les résultats de ces élections ont surpris beaucoup de monde, dans tous les camps politiques. Ce n'est pas ce que les sondages avaient prédit. Mais le peuple souverain a voté et l'a fait de façon à ne pas confirmer le gouvernement en place, ni à donner à l'opposition la majorité nécessaire pour gouverner. Nous nous trouvons donc devant une situation où les deux camps politiques doivent se mettre ensemble pour former une coalition. Pour le moment, on ne sait pas comment les deux parties vont agir et comment les choses vont évoluer.

La tendance va, toutefois, vers une grande coalition des deux grands partis. Mais, je vois la détermination des deux camps à respecter le vote souverain du peuple allemand et d'en tenir compte.

La volonté du peuple allemand n'est-elle pas en quelque sorte trahie, du fait que ce sont les partis politiques qui vont décider en dernier ressort de ce qui va se passer et désigner ceux qui gouverneront l'Allemagne ?

Je ne le pense pas, car le peuple a donné son vote à part quasiment égale aux deux camps politiques et demande un compromis. C'est aux partis aujourd'hui de répondre de manière responsable à cette volonté du peuple. Et c'est ce qui va se produire.

Les Allemands n'ont pas encore voté à Dresde, pensez-vous que cette élection partielle changera quelque chose au résultat final ?

Il faut certes attendre que ce vote ait lieu à Dresde pour avoir le tableau final des résultats, mais quelque soit ce vote, je ne pense pas qu'il changera grand-chose. Ce qui paraît aujourd'hui comme une impasse, n'en est pas une vraiment.

L'adhésion de la Turquie à l'Union européenne était un thème de campagne assez fort. D'un côté, il y avait le camp du SPD totalement favorable à cette adhésion et de l'autre, celui de la CDU/CSU qui s'y oppose. En cas de coalition entre les deux partis, quelle sera à votre avis la tendance qui gagnera ?

Vous me demandez un peu trop en ce moment. Ce sera certainement l'objet de négociation entre les partis et dans ce contexte, il y aura certainement des formules de compromis. Evidemment, il y a les engagements pris antérieurement par le gouvernement actuel concernant le début des négociations avec la Turquie. L'opposition a toujours dit de son côté, qu'elle respecterait ces engagements.

L'Allemagne avait des choix et des positions très marquées également en ce qui concerne la guerre en Irak et le ralliement aux Etats-Unis. Qu'en sera-t-il dans le futur d'une coalition ?

Je ne pense pas qu'à ce niveau il y aura un changement. En matière de politique extérieure de l'Allemagne il y a un grand consensus et l'amitié transatlantique en fait partie.

C'est vrai qu'il y a eu une certaine différence au sujet de la guerre en Irak, mais l'on regarde aujourd'hui vers l'avenir.
Les camps politiques en Allemagne sont aujourd'hui d'accord qu'il faut œuvrer pour la stabilité en Irak ainsi que dans la région. Ce sera certainement la tâche du prochain gouvernement.

L'Allemagne serait donc prête à participer à la construction en Irak alors qu'elle s'opposait à la guerre ?

Oui, c'est déjà le cas et cela continuera, autant qu'il y a consensus que l'Allemagne n'enverra pas de troupes en Irak.

Les derniers résultats des votes à travers l'Europe du projet de Constitution européenne ont donné à voir des réactions de rejet de l'ouverture. Comment appréhendez-vous cette situation ?

Le rejet de la Constitution européenne en France et aux Pays-Bas, deux partenaires fondateurs de l'Union, a été pour tous ceux auxquels le projet européen tient à cœur, et l'Allemagne en fait partie, une déception. Mais ce n'est pas une raison d'enterrer le projet.

L'Europe est passée par beaucoup de crises et s'en est sortie toujours renforcée. Le temps est à la réflexion et à l'analyse pourquoi une partie de nos citoyens a exprimé ce rejet.

Aussi ne leur a-t-on peut-être pas encore bien expliqué que le projet de constitution en fait répond très bien à leurs soucis et aspirations. Une Europe unie et forte a besoin d'un traité constitutionnel.

Les attentats de Londres semblent en quelque sorte légitimer des politiques de gestion de l'immigration qui se soldent par une chasse aux " indésirables ", notamment certains membres des communautés musulmanes étrangères. Un tel scénario est-il envisageable en Allemagne ?

Il est vrai que ces attentats récents montrent que le terrorisme d'origine islamiste est une menace très réelle pour nos pays qu'il faut combattre. Mais je crois qu'en général les gens chez nous savent très bien faire la différence entre le phénomène terroriste d'un côté et le monde islamique de l'autre. Ils savent très bien distinguer entre les grandes valeurs et la grande culture que représente l'Islam. Le terrorisme rejette toutes les valeurs humaines. Il y a une grande volonté chez nous d'entrer en dialogue avec les pays islamiques, car ce n'est pas l'Europe seulement qui est menacée par le terrorisme, les pays islamiques le sont autant.

C'est donc une menace commune, à laquelle nous devons faire face en nous mettant ensemble et, notamment en entamant un dialogue sur les moyens de contrer ce phénomène.

L'Allemagne fête aujourd'hui celui de la réunification. Quinze années plus tard, peut-on dire qu'elle a véritablement réussi ?

Oui, je pense que la réunification a été une grande réussite non seulement pour mon pays mais pour l'Europe entière. La chute du mur de Berlin reste pour nous tous un moment historique heureux et inoubliable.

Mais est-ce que le mur est tombé dans les têtes ?

Pour la grande majorité de mes concitoyens oui. Il est vrai que dans quelques têtes subsistent peut-être de petits résidus du mur, ou plutôt de mentalités différentes, mais qui à mon avis disparaîtront avec la prochaine génération.
Les efforts d'unification qui ont été faits des deux côtés de l'Allemagne sont considérables, aussi matériellement. Il faut savoir que 4 % du PIB, soit environ 100 milliards d'euros sont annuellement consacrés à cette fin.

Justement, c'est la critique qui est aujourd'hui formulés par certains partis politiques notamment : la réunification coûte cher à l'Allemagne ?

C'est une critique qui est certes émise par certains partis, mais c'est une option inévitable. Il n'y a pas d'alternatives à cela.
Lisez nos e-Papers