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«Nous sommes tous orphelins»

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Le monde pleure dimanche la mort de Jean Paul II, décédé samedi soir à l'âge de 84 ans au Vatican, où quelque 80.000 pèlerins ont assisté place Saint-Pierre à une messe solennelle à sa mémoire.

Quinze heures après sa mort, les télévisions du monde entier ont diffusé à la mi-journée les images de la dépouille mortelle du pape, exposée Salle Clémentine du Vatican, où de nombreux cardinaux et diplomates se pressaient pour lui rendre un dernier hommage. Coiffé d'une mitre, le corps du pape était vêtu de rouge et de blanc, tenant sous le bras gauche sa crosse d'archevêque.

Il devrait être transféré à la basilique Saint-Pierre lundi vers 17h00, où il sera exposé au public, a précisé le Vatican.

Premier pape d'origine polonaise, Jean Paul II aura passé 26 ans à la tête de l'Eglise catholique et joué un rôle clé dans la chute du communisme en Europe de l'Est et dans la promotion du dialogue avec les autres religions. La tristesse d'un monde, pour une fois, à peu près unanime, a été très bien exprimée par cette vieille dame venue prier dans une église uniate de Lviv, à l'Ouest de l'Ukraine : «Nous sommes tous orphelins».

"Notre Saint-Père Jean Paul est retourné dans la Maison du Père", a déclaré samedi soir l'archevêque Leonardo Sandri aux quelque milliers de fidèles massés sur la place Saint-Pierre, quelques minutes après la mort du pape à 21h37.
Lors de la messe de dimanche matin, Leonardo Sandri a lu un message posthume du pape, évoquant l'espérance que représentent pour les chrétiens la mort et la résurrection du Christ.

"A l'humanité, qui semble parfois égarée et dominée par le pouvoir du mal, de l'égoïsme et de la peur, le Seigneur ressuscité offre en don son amour, qui pardonne, réconcilie et rouvre l'âme à l'espoir. C'est l'amour qui convertit les coeurs et donne la paix", écrivait le pape dans ce message préparé pour la fête de la Miséricorde divine, célébrée ce dimanche.

Samedi soir, les fidèles ont applaudi de longues minutes en hommage au défunt avant de s'enfermer dans le silence et les prières. La tristesse se lisait sur de nombreux visages, tandis que les cloches de la basilique Saint-Pierre brisaient le silence de la nuit romaine en sonnant lentement le début du deuil pour le pape.
"Le Saint-Père est mort ce soir à 21h37 dans ses appartements privés", a annoncé le Vatican dans un communiqué.

La cause précise du décès n'a pas été précisée. Mais l'état de santé du pape, qui souffrait d'arthrite et de la maladie de Parkinson, s'était progressivement dégradé au cours de la dernière décennie pour s'aggraver brutalement ces derniers jours.

Il avait dû être hospitalisé à deux reprises en février et des problèmes respiratoires avaient nécessité une trachéotomie.
"Nous nous sentons tous orphelins ce soir mais notre foi nous enseigne que ceux qui croient au Seigneur vivent en lui", a lancé l'archevêque Renato Boccardo à la foule.

A l'annonce de sa mort, des milliers de personnes de tous les quartiers de la capitale italienne ont remonté lentement le boulevard allant du Tibre vers la Cité du Vatican. Deux heures après l'annonce du décès, quelque 130.000 personnes étaient rassemblées sur la place Saint-Pierre, a dit la police.

Selon les règles de l'Eglise, les cérémonies du deuil papal dureront neuf jours. Les funérailles auront lieu à une date qui n'a pas encore été annoncée. La presse italienne avance la date de mercredi. Quelque 200 dirigeants du monde entier, y compris le président américain George Bush, sont attendus.

Dans 15 à 20 jours, les 117 cardinaux se réuniront en conclave dans la chapelle Sixtine pour élire un nouveau pape. Aucun favori ne se dégage pour lui succéder. Le Polonais Karol Wojtyla était lui-même un outsider quand il devint le premier non Italien depuis 455 ans à devenir pape, le 16 octobre 1978.

"Ce que ce pape a donné à l'Eglise est si important, si grand, que pour le moment, je ne suis pas du tout triste. Il a réussi sa vie et il a réussi sa mort", a dit à Reuters l'archevêque de Bruxelles Godfried Danneels, l'un des noms qui circulent pour la succession de Jean Paul II.
Le Vatican a fait savoir que le Pape avait passé les derniers instants de sa vie entouré de ses conseillers polonais.

Certains journaux affirment que son dernier mot aura été "Amen".
Outre son combat contre le communisme et ses gestes de rapprochement avec les religions juive et musulmane, Jean Paul II restera dans l'histoire pour sa défense stricte des doctrines traditionnelles du Vatican. Son opposition à la contraception, à l'avortement, à l'accès des femmes à la prêtrise ou encore au mariage des prêtres lui ont valu d'être critiqué par la frange la plus libérale de l'Eglise.

Mais c'est avant tout son rôle en faveur de la paix qui a été souligné dans les hommages rendus par le monde entier.
George Bush a déploré le décès d'un "champion de la liberté humaine". Pour le secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, Jean Paul II "pensait, comme moi, qu'il n'y a que des perdants dans les guerres".

"Je veux exprimer l'hommage de la France à celui qui aura porté avec ferveur, conviction, courage, de façon incomparable, une parole d'espérance pour tous les peuples du monde", a pour sa part déclaré Jacques Chirac, dimanche, dans une allocution enregistrée. "Le message de confiance et l'action inlassable de Jean Paul II auront contribué à changer le cours de l'histoire". Trois jours de deuil ont été décrétés en Italie et, de manière plus inattendue, à Cuba. En Pologne, les cloches ont résonné à travers le pays et les sirènes ont retenti à Varsovie.
Six jours de deuil ont été décrétés.

Du Burundi aux Philippines, des milliers de fidèles se sont spontanément rassemblés pour prier pour le Saint-Père, un polyglotte qui aura effectué plus de voyages à l'étranger que tous ses prédécesseurs au cours de son pontificat, le troisième plus long de l'histoire de la papauté. Au total, Jean Paul II se sera rendu dans 129 pays et territoires.

Mais avec les années, l'énergie de "l'athlète de Dieu", guéri en quelques semaines de la tentative d'assassinat perpétrée à son encontre en mai 1981, s'est progressivement éteinte. Naguère sportif et grand orateur, le Pape n'avait plus ces derniers jours la force de parler.

Dix ans après avoir assisté à la chute du communisme, le pape avait réalisé en 2000 un des ses rêves en se rendant en Terre sainte. Devant le Mur des Lamentations, il avait demandé pardon pour les péchés commis au cours des siècles par les catholiques contre les juifs. Il fut aussi le premier pape à effectuer une visite officielle dans une mosquée, celle des Omeyyades à Damas, en mai 2001.
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