Menu
Search
Lundi 15 Décembre 2025
S'abonner
close
Lundi 15 Décembre 2025
Menu
Search

Intégration, insertion et exclusion : Quelle différence?

No Image
L'utilisation de cette notion d'intégration est inextricablement liée aux caractéristiques de l'entité dans laquelle on veut intégrer les individus visés par une politique, un programme ou des pratiques d'intégration ou d'insertion. Dans le langage courant, le terme "intégration" peut designer un état de forte interdépendance ou cohérence entre des éléments formant cet état. Ce terme peut être appliqué aussi bien à un système social qu'au rapport individu/système social.

Ainsi, le concept "intégration" est largement utilisé par les sociologues. En effet, E. Durkheim réservait l'usage de ce mot à une propriété du système social, en déclarant que "le suicide varie inversement au degré d'intégration de l'individu et non du groupe social dont fait partie l'individu". Le détachement de l'individu de la vie sociale, l'individualisme excessif, c'est-à-dire l'égoïsme, sont des conséquences des défauts d'intégration, de cohésion, ou de consistance d'appartenance des groupes sociaux.

Selon Durkheim, un groupe social est dit intégré quand ses membres possèdent une conscience commune et partagent les mêmes croyances et pratiques ; sont en interaction les uns avec les autres et enfin s'ils se sentent voués à des buts communs. Ces trois éléments sont illustrés par Durkheim dans son analyse du suicide, par la société domestique et la société politique.

Ainsi, comme il le précise, une intégration sociale défaillante est à l'origine à la fois du suicide altruiste et du suicide égoïste. Le suicide altruiste procède d'une intégration sociale forte au point de méconnaître l'individualité. Le suicide égoïste provient, à l'inverse, d'une carence de liens sociaux : une individuation trop poussée peut avoir pour effet de conduire au repli de l'individu sur lui-même, incapable parfois de trouver des motifs d'existence.

Quant à Landeker (1950), il va à son tour distinguer quatre formes d'intégration sociale:
- L'intégration culturelle ou concordance entre les valeurs au sein du système culturel ;
- L'intégration normative ou conformité des comportements à des normes ;
- L'intégration communicative évaluée par des densités des relations interpersonnelles au sein d'un groupe ou entre des sous-groupes ;
- L'intégration fonctionnelle ou interdépendance résultant des échanges de services entre les éléments d'un système où il y a division de travail. D'après Lockwood (1964), il y a lieu de distinguer d'un côté l'intégration sociale qui concerne les rapports (consensuels ou conflictuels) entre les acteurs sociaux et de l'autre côté l'intégration systémique qui concerne les relations entre les composantes d'un système social. La notion d'insertion sociale quant à elle désigne, entre autres, un processus visant à permettre aux catégories défavorisées de la population de s'intégrer ou de se réintégrer à la vie sociale et/ou professionnelle.

D'après ce qui précède, l'intégration sociale peut être définie comme étant un processus qui conduit une personne à devenir un acteur social par la mise en place de liens sociaux qui unissent les membres d'une société sur la base de valeurs et de pratiques. Dans le même ordre d'idée, cette notion est proche de celle de socialisation qui se définie comme étant " les processus par lesquels les individus s'approprient les normes, valeurs et rôles qui régissent le fonctionnement de la vie en société.

Elle a deux fonctions essentielles : favoriser l'adaptation de chaque individu à la vie sociale et maintenir un certain degré de cohésion entre les membres de la société." Le concept peut aussi être défini par rapport à des concepts opposés tels que la " désorganisation " et l' " exclusion ".

Cependant, les théoriciens sont globalement convenus qu'une conceptualisation de l'exclusion sociale devrait aller au-delà des idées fondées sur la pauvreté et l'emploi, et que c'est la grille d'analyse élaborée par Amartya Sen qui est la plus adaptée. L'économiste et philosophe social, Amartya Sen, insiste sur le développement de " capacités " de nature à garantir à chaque individu les ressources matérielles, culturelles et affectives nécessaires au plein épanouissement de ses aptitudes propres. Sen distingue, au regard de l'exclusion sociale, trois domaines pertinents : l'intégration à la communauté, la participation et l'assise sociale du respect de soi.
Exclusion, mise en échec ou sur-intégration ?

L'exclusion est un concept au contour très flou. R. Castel l'a qualifiée de "notion molle". Il n'existe pas de définition juridique et les travaux sociologiques n'apportent pas plus de clarification. En effet, les sociologues ne se sont pas non plus mis d'accord pour fixer une définition claire de l'exclusion. Certains jugent que l'usage du mot "exclusion " ne se fait que sous forme métaphorique et qu'en réalité l'exclusion relève de la logique de vulnérabilité.

Ce caractère multidimensionnel se retrouve dans le fait que l'exclusion sociale prend plusieurs formes et concerne plusieurs catégories de population. En prenant les propos de Jeanne Bisilliat, nous pouvons qualifier la première forme d'exclusion d'économique (précarité dans l'emploi /sous-emploi ou chômage, pauvreté) et la seconde d'ontologique (participation politique, civique et citoyenne).

Quant aux groupes sociaux les plus touchés par le phénomène de l'exclusion, nous trouvons : les enfants, les jeunes, les femmes et les personnes handicapées. On les appelle aussi les groupes vulnérables.

Dans le même sens, D. Lapeyronie parle de la notion de " mise en échec " et d'une " sur-intégration " des masses populaires vivant des conditions socioéconomique difficiles. En fait, ces propositions faites par D. Lapeyronie, trouvent leur origine dans ce que l'auteur appelle une " désinstitutionalisation " des formes de régulation de la vie sociale qui ont été remplacées par le marché et que le système social mis en place ne produit pas l'exclusion, mais produit massivement de l'échec.

En prenant le système scolaire comme exemple, l'auteur nous fait la proposition suivante : "on y fait rentrer tout le monde, mais dès la première ou la deuxième année (…), on en élimine dix, trente, cinquante, soixante pour cent. Donc vous avez fait rentrer les gens, vous les faites tomber, ils sont en situation d'échec.

Donc vous produisez de l'échec, (…) parce que les gens sont de l'intérieur, ils ne sont pas "exclus". Vous produisez un échec qui n'a plus d'explication sociale, (…) si vous êtes en situation d'échec, vous n'avez plus d'autre explication à votre situation que vous-même. C'est que vous avez échoué, vous n'êtes pas capable, vous n'êtes pas assez efficace. Ce que nous voyons massivement, c'est des gens en situation d'échec qui personnalisent de plus en plus les problèmes sociaux. Les questions sociales ont tendance de plus en plus à se personnaliser".
Parler d'exclusion peut paraître faux du point de vue de D.
Lapeyronie. Les transformations survenues suite à l'extension du capital vont entraîner une substitution de la société de production par une société de consommation et nous assistons aujourd'hui à une forte intégration des catégories populaires dans ce monde de la consommation.

Cette " intégration par la consommation " va avoir un certain nombre de conséquences qui concernent l'ensemble des catégories populaires et qui concernent également les jeunes de manière un peu différente : " je crois que vous n'existez pas parce que vous contribuez positivement à la production de richesses, vous existez parce que vous contribuez positivement à la circulation des signes et des marchandises, autrement dit parce que vous consommez (…) Si vous voulez exister socialement, il faut pouvoir afficher très nettement les signes de la consommation "

La notion d'exclusion est actuellement utilisée à la fois comme champ de réflexion et d'action publique et comme objet de recherche. Cette notion va aussi enrichir la définition, autrefois statique, de la pauvreté. La pauvreté, en intégrant la notion d'exclusion, va avoir un sens dynamique et multidimensionnel.

D'autres notions sont aussi proches du concept et sont souvent utilisées pour désigner la même réalité. Il s'agit des concepts de "marginalisation"et de "misère sociale".

Pour ce qui est de la désorganisation sociale, elle correspond à une situation où les règles sociales de conduite ont perdu leur influence sur les membres d'un groupe social sans qu'il y ait émergence de nouvelles règles permettant la création d'une nouvelle organisation.

Quoi qu'il en soit, lorsque nous examinons le phénomène d'exclusion des jeunes, nous remarquons qu'il se caractérise par son aspect multidimensionnel. Et la lutte contre l'exclusion est un défi qui concerne plusieurs acteurs : l'Etat, les collectivités locales et la société civile. L'enjeu social et politique du phénomène d'exclusion justifie l'investissement du Maroc, dans la mise en place des politiques rendant harmonieuse l'intervention de ces différents acteurs.
Lisez nos e-Papers