«AprEs 7 ans dans une société, mon patron m'a forcée à déposer ma démission parce que je porte le voile, c'est inadmissible. On n'a pas tenu compte de mon ancienneté ni du travail que j'ai fourni pendant toutes ces années», raconte Fatiha. Des témoignages de ce genre sont aujourd'hui monnaie courante dans la plupart des entreprises privées du Maroc.
Nombreux sont aujourd'hui les recruteurs ou les employeurs qui refusent de donner leur chance à des femmes voilées ou qui les excluent des promotions. Le voile serait-il donc un frein à l'ascension professionnelle, à l'insertion dans le monde du travail, une limite à une égalité professionnelle, déjà problématique pour toutes les autres femmes ?
Apparemment oui, même si la plupart des personnes contactées refusent de répondre ou préfèrent le faire anonymement et ce, aussi bien du côté des «victimes» que des entreprises. Si ce problème ne touche pas celles qui sont dans le secteur public, les femmes qui souhaitent travailler dans le privé sont souvent confrontées à cette réalité.
Aussi bien les banques que les multinationales, et d'autres entreprises, leur refusent l'accès au travail.
Bien évidemment ce n'est jamais dit ouvertement, les employeurs préfèrent tout simplement ne pas les retenir dans les processus de recrutement ou tout faire pour les amener à déposer leur démission, comme c'est le cas de Fatiha.
«Ma sœur a, elle aussi, été confrontée à ce problème. Le jour où elle a intégré son travail, elle ne portait pas de voile, mais dès qu'elle l'a mis, son patron a commencé à lui retirer les projets sur lesquels elle travaillait, à ne plus la mettre en avant ni en relation avec les clients… Pourtant son patron semblait satisfait de son travail avant. Après un certain temps, elle a fini par craquer et a déposé sa démission», témoigne Khadija.
Les raisons évoquées par certaines entreprises sont souvent liées à l'image que renvoient ces femmes aux clients. «Il est vrai que le fait de ne pas embaucher des femmes qui portent le voile ou leur refuser des promotions est injuste. Mais la réalité est que, bien que le Maroc soit un pays musulman, le monde du travail appelle aux apparences, aux formalités… Bien que ça apparaisse sans importance pour certaines personnes, il ne faut pas afficher son appartenance et le voile le fait», répond cette jeune femme cadre au sein d'une grande entreprise.
«Les femmes voilées doivent s'adapter à la vie économique du pays, même s'il faut pour cela faire tomber le voile. Pour les entreprises, les femmes voilées font fuir les clients en particulier les européens qui, entre autres, réalisent une très grande part de notre marché maghrébin», suggère une autre personne.
«Le secteur privé a peur»
«Je pense que ce problème concerne essentiellement les entreprises qui travaillent selon un management moderne et qui sont influencées par l'islamisme et par l'image que renvoient les femmes voilées.... N'oubliez pas que dans le secteur public, elles encouragent les autres à porter le voile.
Elles se constituent en clan et cela dans le privé peut nuire à l'environnement et à l'ambiance du travail. Je pense que c'est pour cette raison que les employeurs refusent de laisser ce phénomène prendre une grande place dans leurs entreprises. Ils ont peur qu'en laissant faire, ils ne se retrouvent pris dans un piège. Ils veulent absolument éviter la pagaille et c'est légitime», dira ce DRH.
Face à ce qui se passe dans les administrations publiques où la population féminine voilée devient de plus en plus importante, les entreprises préfèrent prévenir en évitant d'avoir dans leurs départements des personnes voilées. La plupart des entreprises qui travaillent dans le commerce et le marketing demandent d'ailleurs aux cabinets de recrutement d'éviter de choisir des voilées et d'opter plutôt pour des personnes ouvertes d'esprit, modernes… «Rares sont les entreprises qui acceptent de recruter des voilées. C'est un fait qui est là. Les seuls postes pour lesquels elles seront acceptées sont des postes sédentaires», explique ce directeur de cabinet de recrutement.
La plupart des DRH interrogés recommandent aux entreprises de ne se concentrer que sur les compétences abstraction faite des aspects religieux. «Il faut rester pragmatique et penser aux objectifs de l'entreprise en donnant l'exemple. C'est comme cela que la fonction RH trouvera sa légitimité», continue notre DRH. Mais en même temps, ils conseillent également les femmes voilées de fournir un double effort : faire oublier le voile en se mélangeant aux autres, en fournissant un très bon travail, en ne se renfermant sur elles-mêmes et surtout en évitant de se faire passer pour une victime, «ce que font plusieurs», dit ce DRH.
« Et puis il ne faut pas non plus dramatiser. Celles qui disent qu'à cause du voile elles n'arrivent pas à évoluer, elles n'ont qu'à voir combien de femmes autour d'elles voilées ou non qui accèdent à des postes de hautes responsabilités. En règle générale, les femmes sont discriminées au Maroc. Voile ou pas voile !», poursuit-il Par contre, tous les DRH concordent en disant qu'il ne faut pas seulement voir le mauvais côté des choses. Plusieurs femmes voilées n'ont pas été freinées lors de leur insertion dans le monde du travail ou lors d'une promotion: «Personnellement le voile ne m'a jamais bloquée.
Il est vrai que le jour où j'ai intégré le travail je ne le portais pas mais avec le temps, j'ai fini par porter le voile sans que cela ne gêne personne. J'ai effectivement eu droit à quelques remarques, mais pas au niveau professionnel. D'ailleurs, j'ai pu avoir une super promotion et passer responsable au niveau de mon département», dit Selma. «Le voile ne m'a posé aucun problème au moment de chercher du travail ni le jour où mon employeur a décidé de me promouvoir», continue Sanae. Alors pour ou contre le voile au travail ? Difficile de répondre sans se heurter aux susceptibilités de la société. Pour certains c'est tant mieux, pour d'autres c'est plus complexe.
La peur d'être traité de non musulman, de mécréant est trop forte pour qu'ils puissent afficher leur position ou exprimer ouvertement leur opinion…Une chose est sûre, si aujourd'hui ce phénomène n'est encore qu'à un état embryonnaire et ne concerne qu'une frange de la société, d'ici quelques années, c'est tout le monde qui devra y faire face !
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Il n'existe aucune loi qui interdise aux femmes de mettre le voile au travail. Elles sont donc dans leur droit tant que le règlement interne de la société ne le stipule pas. Mais là encore des possibilités de se défendre existent.
Le code du travail inclut nombres d'articles interdisant la discrimination au sein du travail. L'articule 9 en l'occurrence est clair : «Est interdite à l'encontre des salariés, toute discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, le handicap, la situation conjugale, la religion, l'opinion politique, l'affiliation syndicale, l'ascendance nationale ou l'origine sociale, ayant pour effet de violer ou d'altérer le principe d'égalité des chances ou de traitement sur un pied d'égalité en matière d'emploi ou d'exercice d'une profession, notamment, en ce qui concerne l'embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, le salaire, l'avancement, l'octroi des avantages sociaux, les mesures disciplinaires et le licenciement ».
Les personnes qui se sentent discriminées ont donc le droit de porter plainte. Cependant, les choses ne sont pas aussi simples. Comment prouver la discrimination ? Les entreprises sont assez intelligentes pour ne laisser aucune trace écrite d'où la difficulté pour les «victimes» de constituer un dossier en béton !
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Alors que faire ? Prendre son mal en patience, ouvrir sa propre société, lever le voile… ?!
Nombreux sont aujourd'hui les recruteurs ou les employeurs qui refusent de donner leur chance à des femmes voilées ou qui les excluent des promotions. Le voile serait-il donc un frein à l'ascension professionnelle, à l'insertion dans le monde du travail, une limite à une égalité professionnelle, déjà problématique pour toutes les autres femmes ?
Apparemment oui, même si la plupart des personnes contactées refusent de répondre ou préfèrent le faire anonymement et ce, aussi bien du côté des «victimes» que des entreprises. Si ce problème ne touche pas celles qui sont dans le secteur public, les femmes qui souhaitent travailler dans le privé sont souvent confrontées à cette réalité.
Aussi bien les banques que les multinationales, et d'autres entreprises, leur refusent l'accès au travail.
Bien évidemment ce n'est jamais dit ouvertement, les employeurs préfèrent tout simplement ne pas les retenir dans les processus de recrutement ou tout faire pour les amener à déposer leur démission, comme c'est le cas de Fatiha.
«Ma sœur a, elle aussi, été confrontée à ce problème. Le jour où elle a intégré son travail, elle ne portait pas de voile, mais dès qu'elle l'a mis, son patron a commencé à lui retirer les projets sur lesquels elle travaillait, à ne plus la mettre en avant ni en relation avec les clients… Pourtant son patron semblait satisfait de son travail avant. Après un certain temps, elle a fini par craquer et a déposé sa démission», témoigne Khadija.
Les raisons évoquées par certaines entreprises sont souvent liées à l'image que renvoient ces femmes aux clients. «Il est vrai que le fait de ne pas embaucher des femmes qui portent le voile ou leur refuser des promotions est injuste. Mais la réalité est que, bien que le Maroc soit un pays musulman, le monde du travail appelle aux apparences, aux formalités… Bien que ça apparaisse sans importance pour certaines personnes, il ne faut pas afficher son appartenance et le voile le fait», répond cette jeune femme cadre au sein d'une grande entreprise.
«Les femmes voilées doivent s'adapter à la vie économique du pays, même s'il faut pour cela faire tomber le voile. Pour les entreprises, les femmes voilées font fuir les clients en particulier les européens qui, entre autres, réalisent une très grande part de notre marché maghrébin», suggère une autre personne.
«Le secteur privé a peur»
«Je pense que ce problème concerne essentiellement les entreprises qui travaillent selon un management moderne et qui sont influencées par l'islamisme et par l'image que renvoient les femmes voilées.... N'oubliez pas que dans le secteur public, elles encouragent les autres à porter le voile.
Elles se constituent en clan et cela dans le privé peut nuire à l'environnement et à l'ambiance du travail. Je pense que c'est pour cette raison que les employeurs refusent de laisser ce phénomène prendre une grande place dans leurs entreprises. Ils ont peur qu'en laissant faire, ils ne se retrouvent pris dans un piège. Ils veulent absolument éviter la pagaille et c'est légitime», dira ce DRH.
Face à ce qui se passe dans les administrations publiques où la population féminine voilée devient de plus en plus importante, les entreprises préfèrent prévenir en évitant d'avoir dans leurs départements des personnes voilées. La plupart des entreprises qui travaillent dans le commerce et le marketing demandent d'ailleurs aux cabinets de recrutement d'éviter de choisir des voilées et d'opter plutôt pour des personnes ouvertes d'esprit, modernes… «Rares sont les entreprises qui acceptent de recruter des voilées. C'est un fait qui est là. Les seuls postes pour lesquels elles seront acceptées sont des postes sédentaires», explique ce directeur de cabinet de recrutement.
La plupart des DRH interrogés recommandent aux entreprises de ne se concentrer que sur les compétences abstraction faite des aspects religieux. «Il faut rester pragmatique et penser aux objectifs de l'entreprise en donnant l'exemple. C'est comme cela que la fonction RH trouvera sa légitimité», continue notre DRH. Mais en même temps, ils conseillent également les femmes voilées de fournir un double effort : faire oublier le voile en se mélangeant aux autres, en fournissant un très bon travail, en ne se renfermant sur elles-mêmes et surtout en évitant de se faire passer pour une victime, «ce que font plusieurs», dit ce DRH.
« Et puis il ne faut pas non plus dramatiser. Celles qui disent qu'à cause du voile elles n'arrivent pas à évoluer, elles n'ont qu'à voir combien de femmes autour d'elles voilées ou non qui accèdent à des postes de hautes responsabilités. En règle générale, les femmes sont discriminées au Maroc. Voile ou pas voile !», poursuit-il Par contre, tous les DRH concordent en disant qu'il ne faut pas seulement voir le mauvais côté des choses. Plusieurs femmes voilées n'ont pas été freinées lors de leur insertion dans le monde du travail ou lors d'une promotion: «Personnellement le voile ne m'a jamais bloquée.
Il est vrai que le jour où j'ai intégré le travail je ne le portais pas mais avec le temps, j'ai fini par porter le voile sans que cela ne gêne personne. J'ai effectivement eu droit à quelques remarques, mais pas au niveau professionnel. D'ailleurs, j'ai pu avoir une super promotion et passer responsable au niveau de mon département», dit Selma. «Le voile ne m'a posé aucun problème au moment de chercher du travail ni le jour où mon employeur a décidé de me promouvoir», continue Sanae. Alors pour ou contre le voile au travail ? Difficile de répondre sans se heurter aux susceptibilités de la société. Pour certains c'est tant mieux, pour d'autres c'est plus complexe.
La peur d'être traité de non musulman, de mécréant est trop forte pour qu'ils puissent afficher leur position ou exprimer ouvertement leur opinion…Une chose est sûre, si aujourd'hui ce phénomène n'est encore qu'à un état embryonnaire et ne concerne qu'une frange de la société, d'ici quelques années, c'est tout le monde qui devra y faire face !
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Que dit la loi ?
Il n'existe aucune loi qui interdise aux femmes de mettre le voile au travail. Elles sont donc dans leur droit tant que le règlement interne de la société ne le stipule pas. Mais là encore des possibilités de se défendre existent.
Le code du travail inclut nombres d'articles interdisant la discrimination au sein du travail. L'articule 9 en l'occurrence est clair : «Est interdite à l'encontre des salariés, toute discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, le handicap, la situation conjugale, la religion, l'opinion politique, l'affiliation syndicale, l'ascendance nationale ou l'origine sociale, ayant pour effet de violer ou d'altérer le principe d'égalité des chances ou de traitement sur un pied d'égalité en matière d'emploi ou d'exercice d'une profession, notamment, en ce qui concerne l'embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, le salaire, l'avancement, l'octroi des avantages sociaux, les mesures disciplinaires et le licenciement ».
Les personnes qui se sentent discriminées ont donc le droit de porter plainte. Cependant, les choses ne sont pas aussi simples. Comment prouver la discrimination ? Les entreprises sont assez intelligentes pour ne laisser aucune trace écrite d'où la difficulté pour les «victimes» de constituer un dossier en béton !
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Alors que faire ? Prendre son mal en patience, ouvrir sa propre société, lever le voile… ?!
