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Abdessadeq Rabiî : «Post mortem» !

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C'est un grand commis de l'Etat que le Maroc vient de perdre, un serviteur d'une irascible loyauté, un homme de rigueur aussi: Abdessadeq Rabiî, secrétaire général du gouvernement, décédé hier à 63 ans, conciliait savoir-faire et humilité. Une si rare exigence qu'il s'était imposée de longues années durant. Il n'avait de cesse de fuir volontairement les feux de la rampe et les «sunghlits», il était discret et pudique. Un choix qui, tous en conviennent, n'avait d'égale que sa grande compétence au poste où il avait été nommé pour succéder à feu Abbas El Kaïssi-d'une même veine-et qui est à la gestion régulatrice de l'Etat ce que la lumière est au phare. Autrement dit, la limpidité et la clarté des décisions.

Pour celui qui ne le connaissait pas, l'image première, saisie «ex abrupto», est celle d'un personnage d'une raideur à la limite cassante. C'est en effet se méprendre sur une personnalité dont l'humour-puisé dans le tréfonds de Marrakech où il est né-ne se départissait jamais de sa rigueur intellectuelle, de sa courtoisie et de cette présence morale à laquelle, non sans en éprouver le poids, se sont colletés gouvernements et administrations successifs. Feu Abdessadeq Rabiî était un homme de grande culture. L'allure d'un «aristocrate jésuitique» à la mise impeccable n'altérait nullement la chaleur humaine qui n'était jamais absente, ni la vivacité d'esprit communicative.

Pointilleux jusqu'au bout des ongles, il donnait la réelle mesure de la fonction que la métaphore anglo-saxonne «The right man in the right place» illustrait chez lui à merveille. Homme des dossiers, scrupuleusement attelé à l'exercice du décorticage, il avait une haute idée de la mission de juriste et de «régulateur» juridique qu'il accomplissait avec une conscience professionnelle. Le 8 juillet dernier, lors du Conseil des ministres réuni à Oujda, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a tenu à lui rendre un hommage exceptionnel et à «exprimer toute sa satisfaction, la profonde sympathie et la haute sollicitude à l'égard d'Abdessadeq Rabiî», mettant en exergue sa «contribution efficiente à l'action gouvernementale». Le témoignage royal suffit à lui seul à montrer à quel point le défunt, nommé par feu S.M. Hassan II dans le gouvernement Karim Lamrani, maintenu ensuite dans ceux de ses successeurs, Abdellatif Filali, Abderrahmane El Youssoufi, Driss Jettou et Abbas El Fassi, a su confirmer cette image de pérennisation de l'activité gouvernementale et de continuité de l'Etat impartial dans l'application «stricto sensu» de ses textes de lois de et sa législation.

Cheville ouvrière de ce qu'il est convenu d'appeler la «conformité de l'Etat avec ses principes», il s'en tenait au respect scrupuleux de la loi et des textes. Ils sont unanimes, tous ceux qui ont travaillé avec Abdessadeq Rabiî, ministres, toutes tendances confondues, responsables de l'administration ou institutionnels, à se reconnaître dans ce fidèle et loyal serviteur de l'Etat marocain. Il incarnait l'éthique, la rigueur morale, l'engagement consciencieux et désintéressé.

La discrétion cultivée et érigée comme l'unique blason, confinant à une pudeur à la limite de l'effacement, le patriotisme chevillé au corps, il avait imprégné son action, mais aussi celle de tous ses collaborateurs des mêmes valeurs que sont l'engagement désintéressé, l'efficacité, la rigueur et une honnêteté intellectuelle sans concession. L'immense chantier des textes de lois et leur application sur lequel il s'est penché depuis plus de vingt ans maintenant porte le sceau intangible de conformité quasi obsessionnelle. En Afrique, l'on dit que lorsqu'une «vieille mémoire disparaît, c'est comme une bibliothèque qui brûle»!
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