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Et si on oubliait le mouton...

La fête du Sacrifice garde toujours une grande place dans les foyers marocains. Mais dernièrement, on remarque que certains décident de «zapper» carrément la fête du mouton.

Et si on oubliait le mouton...
Les temps ont bel et bien changé, même les réjouissances ne semblent plus avoir le même goût. L'évolution du mode de vie a entraîné de nouvelles habitudes. Pendant que certaines personnes s'endettent jusqu'au cou pour pouvoir acheter un mouton à l'occasion de l'Aïd Al- Adha, d'autres décident, tout bonnement, d'annuler cette fête. «Cela fait dix ans que je travaille dans cette résidence. Pendant mes premières années ici, et à l'approche du jour de la fête, je m'attendais toujours à voir les plus belles bêtes défiler devant moi, mais je me trompais. Il n'y a jamais eu l'ombre d'un mouton qui a franchi cette porte», lance Mohammed, concierge dans une très belle résidence de dix appartements. «Certains habitants partent en voyage, d'autres passent leur journée à la maison et sortent le soir. En tout cas, c'est ce qu'on me dit parce que je passe cette journée en famille. Nous nous régalons en mangeant du «boulfaf» et le soir du «couscous».

Le plus ironique, c'est que moi, qui n'ai pas les moyens, je travaille dur et je m'endette pour acheter le mouton alors qu'eux, avec tous leurs moyens, s'en passent», ajoute-t-il en souriant. En effet, "zapper" l'Aïd Al-Adha est une tendance qui commence à s'installer pendant ces dernières années. Chacun a ses propres raisons. Souad, surveillante générale dans un collège de la métropole, s'est mise d'accord avec son mari depuis quatre ans à ne plus fêter l'Aïd Al-Adha. Et pour cause: c'est très encombrant pour un appartement. «Nos enfant sont grands à présent et l'Aïd ne les tente plus comme avant.
C'est pourquoi nous avions décidé de ne plus acheter le mouton. Déjà, il salit les lieux. En plus, ce n'est pas du tout pratique dans un appartement. Sans parler de la mauvaise odeur qui met plusieurs semaines pour disparaître. Par contre, nous achetons, quelques jours avant la fête, un agneau découpé (côtes, gigots, épaules, foie, tripes…). Nous le mettons au congélateur et nous le consommons comme tout le monde. J'ai plusieurs amies qui font la même chose. Bien sûr, c'est nettement mieux», raconte-t-elle.

Un souci de «propreté»
Pour la même raison, Rachid et Sarah, mariés il y a cinq ans et parents de la petite Fatine, n'ont jamais fêté l'Aïd Al-Adha. «Tous les ans, nous passons la cérémonie du sacrifice chez mes parents. L'après-midi, nous rendons visite à mes beaux-parents et le soir, nous rentrons chez nous. Nous fêtons l'Aïd en quelque sorte mais sans acheter le mouton et notre maison reste propre aussi», témoigne Rachid.
En effet, pour des raisons de moyens mêlées à des raisons de mentalité, les jeunes couples représentent la catégorie la plus réticente à ce sujet. Soit ils passent la journée chez les parents, soit ils s'en passent carrément. «Je suis végétarienne et je ne supporte même pas l'odeur de la cuisson du mouton. Je préfère ''zapper'' cette journée. Mon mari n'y voit pas d'inconvénients. C'est même mieux, nous économisons l'argent pour faire autre chose», lance Imane.
Outre la propreté de la maison, certains ne fêtent pas l'Aïd pour des raisons de santé. En effet, la viande du mouton est fortement déconseillée, entre autres, aux cardiaques coronariens. «Je déconseille à mes malades cardiaques, mais seulement les coronariens, et ceux qui ont un taux élevé de cholestérol dans le sang d'éviter de manger la viande du mouton. Elle contient beaucoup de graisses, donc beaucoup de cholestérol", explique docteur Abdellatif Lakhssassi, spécialiste des maladies du cœur et des vaisseaux.

"L'excès de ce dernier se dépose sur les parois des artères du cœur, formant des plaques graisseuses qui s'épaississent. Le passage du sang devient de plus en plus difficile, ce qui peut causer un infarctus du myocarde. La viande du mouton est aussi déconseillée pour les personnes diabétiques", ajoute-t-il. Fouad est coronarien, sa femme a un taux élevé de cholestérol dans le sang et leurs enfants «détestent» la viande du mouton. Selon lui, il a toutes les raisons nécessaires qui l'incitent à se passer de l'Aïd. «Si j'achète le mouton, personne à la maison ne va manger sa viande. Cela va être du pur gaspillage. Et je ne vais pas quand même acheter un veau à la place d'un mouton. Je n'en ai pas les moyens. C'est pourquoi je donne une «sadaka» (aumône) au lieu de faire le sacrifice. Pour ressentir la joie de l'Aïd, ma femme nous prépare un bon festin dans la limite de ce que nous pouvons manger bien sûr et cela se passe très bien», confie Abdellah. Rabiâa et Mustapha, un vieux couple diabétique, dont les enfants sont tous mariés, ne fête plus l'Aïd Al-Adha depuis des années. Toujours pour des raisons de santé et à cause de leur âge.

Destination ailleurs !

Une autre catégorie de gens trouve que Aïd Al-Adha est une vieille habitude démodée. Ils ne fêtent pas cette occasion et ils en sont fiers. «Chaque année, je profite des vacances de l'Aïd pour voyager avec ma femme et me détendre un peu. C'est beaucoup mieux que d'égorger un mouton. Ce ne seront plus des vacances mais une corvée», lance Ahmed. En effet, les agences de voyages constatent une véritable recrudescence de la demande de voyages en cette période. «Sans avoir besoin de faire de la publicité, nous remarquons en cette période une forte progression de la demande de voyages à l'intérieur du pays mais aussi en Turquie, en Egypte, à Singapour, en Belgique… », témoigne Hanâa, d'une agence de voyages à Casablanca.
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