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«Réussir la simplification des procédures administratives»

Le ministère de la Modernisation des Secteurs publics vient d'organiser en partenariat avec la Banque mondiale, des ateliers sur la simplification des procédures administratives animés par l'expert international Scott Jacobs.

«Réussir la simplification des procédures administratives»
Scott Jacobs, expert international en matière de politique réglementaire. Ph. Kartouch
LE MATIN : Quel est l'objectif de votre visite au Maroc ?

Scott Jacobs :
Je suis un expert international en matière de politique réglementaire. Ma visite au Maroc vient pour appuyer les efforts du gouvernement visant à engager le processus de simplification des procédures afin de pouvoir réduire les coûts pour les citoyens et les entreprises. Il existe en effet de nombreuses expériences à travers le monde de pays qui ont pu rompre cette tendance d'ajouter chaque jour de nouvelles procédures administratives.
La question qui se pose aujourd'hui est de savoir comment freiner, voir renverser cette tendance par les autres pays qui ont démarré ce processus tardivement. Il faut savoir que la simplification des procédures exige d'atteindre le plus haut niveau de qualité en matière de gouvernance, d'action, et de services proposés par l'administration. Cette qualité comprend la minimisation du risque, du coût et du poids sur la société tout en protégeant son intérêt.

Quelles sont à votre avis les mesures nécessaires à prendre pour simplifier les procédures au Maroc ?

Je pense qu'il existe déjà une forte volonté politique et un engagement affiché par le gouvernement pour changer la situation actuelle. J'estime qu'il faudra tirer profit des expériences des autres pays qui ont franchi de nombreuses étapes dans ce domaine. C'est le cas notamment pour le Mexique qui avait instauré des millions voire des milliards de procédures dans un souci de contrôle et de réduction de risques. Hors, l'Etat s'était vite rendu compte que la multiplication des procédures favorisait la corruption et réduisait les chances pour les entreprises privées de pouvoir explorer de nouveaux marchés et de concurrencer les grandes sociétés américaines et chinoises. Le gouvernement a réagi par l'annulation de 50% de formalités administratives soit 1200 procédures en l'espace de trois années.

Citez-nous d'autres exemples de pays ayant réussi ce défi ?

Il y'en a beaucoup. En Europe par exemple, les responsables ont établi une sorte de modèles pour estimer les coûts d'une procédure pour évaluer sa nécessité selon une liste de performance. Parmi ces pays on peut citer l'exemple des Pays-Bas qui ont très bien réussi à adapter ce principe aux particularités de leur pays. La Corée du Sud a réussi aussi à enregistrer un progrès important dans ce domaine malgré les difficultés économiques et un contexte de crise peu favorable. Ce pays a pu ainsi annuler 5000 règles administratives ce qui leur a permis d'économiser 36 milliards de dollars qu'ils ont pu investir à l'étranger. En effet, la simplification des procédures administratives est un processus qui contribue à accélérer les réformes économiques.

Comment évaluez-vous la situation du Maroc par rapport aux autres pays ?

Le Maroc est un pays qui déploie des efforts considérables pour simplifier ses procédures administratives et cherche les moyens les plus adéquats pour renforcer ces efforts. Maintenant, il faudra identifier les moyens et prendre l'exemple des autres pays en avance dans ce domaine.

Vous êtes au Maroc depuis le 11 mai, quels sont les thèmes qui ont été débattus lors des ateliers auxquels vous avez pris part ?

On a pu discuter des performances souhaitées par le gouvernement dans le domaine de simplification des procédures et les institutions chargées du suivi de ce dossier. Comme vous le savez, le ministère de Modernisation des secteurs publics a entamé une session de formation d'une durée de trois mois qui vise à former 60 administrateurs appartenant à différents ministères aux techniques de simplification des procédures administratives.

Comment trouver un équilibre entre la simplification des procédures et leur sécurisation ?

Vous savez les risques sont exagérés par le gouvernement. Les fonctionnaires de l'Etat ont généralement tendance à réduire les risques à 0%. Hors la suppression de nombreuses procédures n'augmente pas ces risques mais diminue par contre les coûts. Plus on simplifie les procédures plus on réduit le risque et les possibilités de corruption. Ce sont les situations complexes et «arbitraires» qui favorisent les pratiques douteuses et les magouilles. La simplification des procédures permet de garantir la visibilité et la clarté pour les citoyens. L'Etat devra assurer un équilibre entre la réduction du risque et la protection des intérêts de la société. L'exigence de nombreuses procédures administratives effectue en fait une pression sur la société. Il est temps de minimiser les coûts et multiplier les opportunités. Le défi à relever aujourd'hui est d'instituer dans la vie quotidienne des fonctionnaires un autre sens de qualité.

Quel est l'apport direct de la simplification des procédures au citoyen ?

Le citoyen passera moins de temps pour réaliser toutes les procédures exigées pour avoir par exemple un passeport, une carte nationale ou encore un permis de conduite. Aussi, la simplification des procédures réduit-elle les coûts pour les entreprises et les risques de pénalité ; ce qui améliore les relations du privé avec l'Etat. Ce processus contribue aussi à augmenter les salaires et à diminuer les prix de vente.

Pensez-vous que la simplification des procédures est une condition suffisante pour moderniser l'administration ?

Non, ce n'est pas une condition suffisante. Il faudra libérer le fonctionnaire de nombreuses tâches futiles qu'il est appelé à remplir.

Peut-on faire confiance à la qualité et la fiabilité des procédures administratives lancées via Internet ?

Oui tout à fait, à condition de procéder régulièrement à l'actualisation des documents par l'administration. Le site Internet devra également être sécurisé. Aussi, il ne faut pas oublier que le stockage des données peut s'avérer beaucoup plus facile sur Internet que sur papier.

Comment peut-on juger de l'utilité ou non d'une procédure ?

Il faut instaurer une méthode pour définir la qualité. La question qui se pose est de savoir quelle est la bonne formalité. Un formulaire simple est d'abord un formulaire clair, compris par tous les citoyens quel que soit leur niveau intellectuel. C'est aussi un formulaire qui fournit des explications et des détails sur toutes les autres pièces que le citoyen doit fournir dans le cadre d'une telle ou telle procédure. L'évaluation de la nécessité d'un tel ou tel formulaire doit prendre en compte l'utilité des informations que fournit cette pièce et si ces données sont elles exploitées ou non. Si les informations ne sont pas exploitées alors il faudra supprimer ce formulaire ou cette procédure.

A votre avis, combien d'années faudra-t-il au Maroc pour pouvoir réussir ce défi de simplification des procédures administratives ?

Je pense qu'il lui faudra trois années.
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Carte de visite

Scott Jacobs compte aujourd'hui parmi les grands experts internationaux des politiques réglementaires. Après avoir commencé sa vie professionnelle à l'Office of management and budget au sein du bureau du président des Etats-Unis, il a dirigé de 1995 à 2001 le programme de réforme réglementaire de l'OCDE. C'est dans le cadre de ce mandat qu'a été publiée la première norme internationale portant sur la qualité de la réglementation. Aujourd'hui, la vision de cet expert, à la fois historique et mondiale, fait de lui l'un des acteurs les mieux placés pour mettre en perspective les politiques de la qualité réglementaire et en dégager les grandes tendances.
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