«Pour nous tous, enfants d'Assilah, la mer et la plage étaient notre premier jeu et jouet, notre toile et notre matière première à la fois. On y trouvait le sable et l'eau, la chaux et l'argile, et même le goudron rejeté par les bateaux et qui me fascinait par son noir aux reflets irisés», explique Mohamed Anzaoui. Dans sa première exposition individuelle à la galerie Tindouf à Marrakech Anzaoui se dévoile seul sur scène, au grand jour, dans des œuvres mûres, abouties, sensibles et puissantes, souligne Faten Safieddine, historienne et critique d'art. De prime abord le regard est immédiatement happé par la matière, d'une richesse et complexité extrêmes. Des couches de peinture aux tons gris, bleus, ocres, parfois ponctuées de délicats motifs rouges, ou traversées de viriles trainées bistres, de blanches éclaboussures ou de noires giclures, se déversent, coulent, suintent, se mêlent et s'entremêlent, dans une sorte de magma tantôt houleux, tantôt ordonnancé, à du sable, de la chaux et différents pigments de couleur.
Dans ses œuvres récentes, Anzaoui se donne plus que jamais à cœur joie à la matière, l'étalant parfois sur des toiles monumentales, retrouvant sans doute ses premiers plaisirs d'enfant. «Pour nous tous, enfants d'Assilah, la mer et la plage étaient notre premier jeu et jouet, notre toile et notre matière première à la fois. On y trouvait le sable et l'eau, la chaux et l'argile, et même le goudron rejeté par les bateaux et qui me fascinait par son noir aux reflets irisés», confirme Anzaoui. Qui ne devinerait pas l'omniprésence de ces matériaux et coloris dans l'œuvre actuelle du peintre? La mer et la plage de sable : Toiles mouvantes et éphémères.
Apprentissage précoce de la fugacité de toute chose, de toute vie, de toute création. Une vague effacera toujours les plus fous délires tracés sur la chair dorée de la plage et emportera à tout jamais châteaux et même la plus haute pyramide de sable. La mer, telle la Vie, reprend les trésors qu'elle a donnés. La plage est aussi mine inépuisable d'autres matériaux. A l'embouchure du oued «Lahlou» abonde une terre argileuse, sensuelle à souhait, avec laquelle l'enfant Anzaoui confectionne des petits tagines qu'il ramène fièrement à sa mère. Mais il y a aussi, plus pérennes mais en perpétuelle mutation, les murs de la ville océane, peau blanche et bleutée, chaulée par couches successives qui, sous les assauts du temps et des intempéries se craquelle, se fissure, se desquame, laissant transparaître les traces de ce qui fut et qui n'est plus. Peau laiteuse, tendre et friable, que Anzaoui et les enfants d'Assilah, encore à ce jour, de la pointe d'un clou ou d'un caillou, rayent, lacèrent, gravent et barbouillent de cendre ou d'argile, traçant signes et graffitis dont seuls ils détiennent le secret mais pas le sens.
Les œuvres exposées à la galerie Tindouf synthétisent avec bonheur les confluences et influences des différents courants artistiques qui ont traversé l'art contemporain au Maroc dès les années 60 : La Nouvelle Ecole de Paris, l'Abstraction Lyrique, l'Art Informel, l'Art Gestuel, le Nouveau Matiérisme, le Tachisme, le Spatialisme, l'Expressionisme Abstrait, l'Action Painting, les groupe Cobra et Gutaï, pour ne citer que ceux-là. Anzaoui est également dépositaire des expériences d'aînés qui ont influencé son regard et sa sensibilité, tels que Khalil Gharib, Labied Miloud, Kacimi, Hassani, Bellamine et autres artistes plus jeunes tels que Yamou, Tibari Kantour, Najia Mehadji et Amina Benbouchta. Comme eux, il a choisi d'explorer la matière, d'amalgamer des médiums variés et des éléments non picturaux à des hautes pâtes et d'y inscrire des signes et des graphes renvoyant à l'automatisme surréaliste ou à une "inspiration" extrême-orientale.
Il n'en demeure pas moins qu'Anzaoui, riche de tous ces acquis, trace désormais sa voie, singulière et profondément sincère, pour s'imposer aujourd'hui comme l'un des espoirs les plus prometteurs de l'art contemporain marocain, conclut Faten Safieddine.
J'ai été vite impressionné par la gestuelle, le mouvement que présente la toile. De grandes toiles deviennent des espaces traversés comme dans un songe par des éléments volants, des images à peine esquissées, des personnages sortis du souvenir de Giacometti, des étoiles errantes, des gerbes de sable déguisées en fleurs sauvages et surtout une grande et belle espérance malgré le constat d'angoisse. Anzaoui fait une peinture manuelle, à l'écart d'un travail intellectuel, disons abstrait. Pourtant ses toiles ne sont pas figuratives, même si la matière utilisée nous rappelle la terre, la face lunaire, un cratère
pacifié, un espace agité par le vent qui rapporte la terre dorée ou peinte en rose
dans un éclat qui nous enchante. Il y a là quelque chose d'humain, une humanité modeste, simple et riche en émotion».
Dans ses œuvres récentes, Anzaoui se donne plus que jamais à cœur joie à la matière, l'étalant parfois sur des toiles monumentales, retrouvant sans doute ses premiers plaisirs d'enfant. «Pour nous tous, enfants d'Assilah, la mer et la plage étaient notre premier jeu et jouet, notre toile et notre matière première à la fois. On y trouvait le sable et l'eau, la chaux et l'argile, et même le goudron rejeté par les bateaux et qui me fascinait par son noir aux reflets irisés», confirme Anzaoui. Qui ne devinerait pas l'omniprésence de ces matériaux et coloris dans l'œuvre actuelle du peintre? La mer et la plage de sable : Toiles mouvantes et éphémères.
Apprentissage précoce de la fugacité de toute chose, de toute vie, de toute création. Une vague effacera toujours les plus fous délires tracés sur la chair dorée de la plage et emportera à tout jamais châteaux et même la plus haute pyramide de sable. La mer, telle la Vie, reprend les trésors qu'elle a donnés. La plage est aussi mine inépuisable d'autres matériaux. A l'embouchure du oued «Lahlou» abonde une terre argileuse, sensuelle à souhait, avec laquelle l'enfant Anzaoui confectionne des petits tagines qu'il ramène fièrement à sa mère. Mais il y a aussi, plus pérennes mais en perpétuelle mutation, les murs de la ville océane, peau blanche et bleutée, chaulée par couches successives qui, sous les assauts du temps et des intempéries se craquelle, se fissure, se desquame, laissant transparaître les traces de ce qui fut et qui n'est plus. Peau laiteuse, tendre et friable, que Anzaoui et les enfants d'Assilah, encore à ce jour, de la pointe d'un clou ou d'un caillou, rayent, lacèrent, gravent et barbouillent de cendre ou d'argile, traçant signes et graffitis dont seuls ils détiennent le secret mais pas le sens.
Les œuvres exposées à la galerie Tindouf synthétisent avec bonheur les confluences et influences des différents courants artistiques qui ont traversé l'art contemporain au Maroc dès les années 60 : La Nouvelle Ecole de Paris, l'Abstraction Lyrique, l'Art Informel, l'Art Gestuel, le Nouveau Matiérisme, le Tachisme, le Spatialisme, l'Expressionisme Abstrait, l'Action Painting, les groupe Cobra et Gutaï, pour ne citer que ceux-là. Anzaoui est également dépositaire des expériences d'aînés qui ont influencé son regard et sa sensibilité, tels que Khalil Gharib, Labied Miloud, Kacimi, Hassani, Bellamine et autres artistes plus jeunes tels que Yamou, Tibari Kantour, Najia Mehadji et Amina Benbouchta. Comme eux, il a choisi d'explorer la matière, d'amalgamer des médiums variés et des éléments non picturaux à des hautes pâtes et d'y inscrire des signes et des graphes renvoyant à l'automatisme surréaliste ou à une "inspiration" extrême-orientale.
Il n'en demeure pas moins qu'Anzaoui, riche de tous ces acquis, trace désormais sa voie, singulière et profondément sincère, pour s'imposer aujourd'hui comme l'un des espoirs les plus prometteurs de l'art contemporain marocain, conclut Faten Safieddine.
Témoignage de Tahar Ben Jelloun
«Je ne suis ni historien ni critique d'art. Je regarde la peinture comme un paysage, comme un visage à lire derrière les apparences, entre les rides. Je n'ai qu'une approche intuitive, hésitante et sans la moindre prétention d'objectivité. Ainsi j'ai découvert le travail de Mohamed Anzaoui, dans sa maison en pleine campagne près d'Assilah, ensuite dans son atelier qu'il partage avec d'autres artistes en ville.J'ai été vite impressionné par la gestuelle, le mouvement que présente la toile. De grandes toiles deviennent des espaces traversés comme dans un songe par des éléments volants, des images à peine esquissées, des personnages sortis du souvenir de Giacometti, des étoiles errantes, des gerbes de sable déguisées en fleurs sauvages et surtout une grande et belle espérance malgré le constat d'angoisse. Anzaoui fait une peinture manuelle, à l'écart d'un travail intellectuel, disons abstrait. Pourtant ses toiles ne sont pas figuratives, même si la matière utilisée nous rappelle la terre, la face lunaire, un cratère
pacifié, un espace agité par le vent qui rapporte la terre dorée ou peinte en rose
dans un éclat qui nous enchante. Il y a là quelque chose d'humain, une humanité modeste, simple et riche en émotion».