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L'incivisme l'emporte sur l'esthétique

L'évolution rapide de nos villes révèle une extension anarchique. L'émergence de zones urbaines sans normes d'aménagement paysager fait révéler des carences de conception et de gestion des espaces.

L'incivisme l'emporte sur l'esthétique
Il suffit de faire un tour à El Jadida pour constater qu'une grande partie du tissu urbain est gorgé de laideur et d'anarchie, et que ce phénomène couvre pratiquement toutes les banlieues et les alentours de la ville.
Qu'on l'admet ou pas, l'incivisme urbain continue toujours de gagner du terrain. Résultat de la course: plusieurs de nos villes sont de plus en plus laides.
C'est sans doute au cours des années 1980-2000 que ce phénomène s'est aggravé avec l'exode rural, le laisser-aller, l'inhabilité et l'incompétence technique ainsi que la corruption. Si on admet que par la force des choses dans les quartiers pauvres, la loi est souvent bafouée, car on construit généralement sans permis de construire, qu'en est-il alors des nouveaux quartiers dits «huppés» ?

C'est vrai que dans ces quartiers, on ne construit pas de la même façon que dans les bidonvilles (des baraques dans l'apparence, richement meublées à l'intérieur), mais on réfléchit exactement de la même manière: « Après moi,le déluge», «je fais ce qui m'arrange et tant pis pour les autres»... Résultat: de l'informel dans le formel. «Tous les jours, il y a des infractions. La dégradation est due au manque du savoir-vivre et à l'ignorance. On a le droit de construire sa maison comme on veut, mais la façade n'appartient pas à l'individu. C'est à l'architecte de décider, car c'est une propriété collective. Les gens ne se soucient guère de leur ville», s'emporte un architecte.

Pour exemple, El Jadida, ville censée être le Deauville marocain, devient de plus en plus «laide». Car l'incivisme urbain continue toujours de gagner du terrain. Il suffit de faire un tour dans la ville pour constater qu'une grande partie du tissu urbain est gorgé de laideur et d'anarchie, et que le phénomène couvre pratiquement toutes les banlieues et les alentours de la ville.
En effet, à l'exception de quelques ruelles de la vieille ville, de certains immeubles datant de l'époque coloniale et de quelques nouvelles cités, le reste sombre dans l'anarchie. Il semble que de nos jours la vocation d'architecte n'est plus d'actualité, les plans se ressemblent, les constructions n'affichent aucune harmonie. Pis encore, l'esthétique urbaine ne fait plus partie du vocabulaire jdidi.

Et cette nouvelle tendance n'est apparemment pas près de changer. Des «villas», élevées sur quatre ou cinq étages, ont été bâties avec des plans architecturaux approximatifs, voire grossiers, surtout du côté du boulevard Ibnou Badiss, quartiers Al Jawhara, Al Amal, Assalam, Al Kodia, Al Qods et route Sidi Bouzid. D'ailleurs peut-on vraiment parler de villas ? Pas si sûr, car même les architectes ont du mal à attribuer une appellation exacte et formelle à ces constructions.

Dans ces bâtisses, le ridicule et le comique ne font qu'un: beaucoup de moyens, beaucoup d'espace et pas d'idées. Manque d'imagination ou de civisme ? Peut-être les deux.
Aussi, les visiteurs d'El Jadida auront la désagréable surprise de découvrir sur les hauteurs de la ville, un immense plateau, qui abrite une population plutôt aisée, mais malheureusement qui loge dans des soi-disant villas. Le décor y est dépourvu d'esthétisme.
Dans certains quartiers, c'est encore pire: un paradoxe à la brésilienne où les grandes villas font face à des douars, à l'instar de douar Laghnadra avec le nouveau quartier «Califonia» notamment. Pis encore, certains habitants de ce quartier aisé ont squatté même les trottoirs pour faire agrandir l'espace de leurs villas de plus de 800 m2.

Le laxisme ne paye pas

L'incivisme urbain s'étend aussi aux rares beaux endroits qui restent à El Jadida. Les jolies petites villas datant de l'ère coloniale, se défigurent de jour en jour. Allez voir du côté de la place El Khattabi, boulevards Moulay Abdelhafid et Al Moukawama…
Des bulldozers rasent les petites villas pour que des maisons en cube de trois ou quatre étages enlaidissent le lieu. Les nouveaux propriétaires sont souvent étrangers à la ville. Ainsi, la ville perd de son charme d'autrefois, le beau se fait très rare. Mais alors pourquoi des gens érigent de telles maisons ?
Pendant des années, on a pensé que la seule explication était la pauvreté ou la recherche d'un gain rapide. Mais pour un architecte jdidi, qui a préféré garder l'anonymat, c'est plutôt un état d'esprit, c'est-à-dire une pauvreté culturelle qui domine et non une pauvreté économique.
En Europe, explique-t-il, les projets urbains enveloppent une vision globale du quartier. Dans certains cas, l'esthétique extérieure est exécutée avant la fin des chantiers. Il pense aussi que le laxisme ne paye jamais. Une exécution rigoureuse et musclée des lois urbanistiques est fortement recommandée.
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