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«El Guerrab» : la fin d'un mythe ?

Les porteurs d'eau connus sous le nom du «Guerrab» sont en crise depuis déjà pas mal de temps. Pourtant, ils essayent par tous les moyens possibles de résister et survivre.

«El Guerrab» : la fin d'un mythe ?
Impossible pour le «guerrab» de passer inaperçu. Un costume rouge très spécial, un grand chapeau multicolore sur la tête, des petites coupes de cuivre, une peau de chèvre sur le dos pour transporter l'eau et un son de cloche pour marquer sa présence. Une originalité qui en marque plus d'un. «Le phénomène "el guerrab" n'existe qu'au Maroc. Du coup c'est un peu une fierté pour nous », raconte Nadia. «Je me souviens très bien quand j'étais petite et que je sortais avec mes parents, on s'arrêtait souvent devant un guerrab pour boire de l'eau fraiche. Ils me demandaient à chaque fois si je préférais la coupe en cuivre ou le verre avec du goudron. Ce sont des moments que j'appréciais énormément», poursuit-elle.

En effet, le métier de vendeur d'eau ambulant, alias «el guerrab», est un métier très ancien et très apprécié par les Marocains et même les touristes. Il a toujours été très sollicité et très respecté par les gens auprès desquels il a réussi à acquérir une bonne réputation. Avec un grand sourire sur le visage et une gentillesse infinie, el guerrab rafraichissait et désaltérait la soif des passants qui, en contre partie, lui remettaient une pièce de monnaie. Leur lieu de prédilection était généralement les marchés et les souks hebdomadaires. Ils sillonnaient tous les coins et recoins du souk et rendaient un vrai service aux gens et surtout les commerçants qui vendaient leurs marchandises dans le souk, notamment en été, lorsque la chaleur est insupportable.
Mais au fil des années, ce métier très spécial (dur et peu récompensé) a perdu beaucoup de sa valeur. «Avant, on croisait souvent les porteurs d'eau mais de nos jours ils sont devenus très rares », lance Ali. En effet, l'évolution de la société et surtout l'apparition des bouteilles d'eau en plastique ont beaucoup affecté le bonhomme au costume rouge et au chapeau multicolore qui représente une sorte de patrimoine culturel traditionnel de notre pays. «Les temps ont changé et cela s'est malheureusement retourné contre nous. Avant, il m'arrivait de gagner jusqu'à 80 dirhams par jour, aujourd'hui c'est loin d'être le cas. Nous galérons beaucoup.

Les gens ne sont plus comme avant, nous ressentons qu'ils n'apprécient plus notre présence», confie Hamid. «Cela fait 40 ans que j'exerce le métier de «taguerrabt» donc je n'en connais pas d'autres. Il est trop tard pour chercher à faire autre chose», ajoute-t-il. Si la plupart des «guerrabas» sont comme Hamid et ne savent pas faire autre chose, ils se sont réduits à demander de l'argent aux passants comme de misérables mendiants. Dans la rue, dans les bus et même dans les cimetières, les pauvres porteurs d'eau sont prêts à tout pour survivre. «C'est vraiment triste de voir le malheureux sort qui a été réservé aux guerrabas. Après tout, c'est un métier folklorique spécifique à notre pays. De les voir mendier, demander l'aumône dans les bus, ça me touche beaucoup», affirme Halima.
Demander aux gens de boire et parfois au point les harceler, ou demander simplement de l'argent est devenu le quotidien pénible du guerrab. «Certes, pour nous ce n'est pas une fierté d'agir de la sorte, mais nous sommes dans l'obligation de le faire. Personne ne s'intéresse à nous et nous ne savons pas faire autre chose», s'exprime Adbelkabir tristement. Pourtant, si el guerrab souffre énormément dans les grandes villes et a tendance à disparaitre, dans les villes touristiques, il reste toujours très apprécié, notamment par les touristes. Ces derniers lui demandent souvent d'accepter de prendre une photo avec eux contre quelques pièces de monnaie.

Mystère

Un long costume rouge très spécial orné de pièces de monnaies anciennes, un grand chapeau multicolore (tarazza) sur la tête, des petites coupes en cuivre et en fer blanc et une gourde en peau de chèvre derrière le dos pour transporter l'eau en gardant sa fraicheur. A la main, el guerrab a toujours une clochette qu'il fait retentir pour annoncer sa présence et attirer les clients. Bref tout ce qu'il faut pour faire de ce costume, un habit original et unique. Ce costume reste également un mystère, puisque personne n'a jamais su quelles sont les origines ni d'où vient l'idée de cet étrange habit.
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