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Père et fils, une relation complexe

Comme pour la mère et sa fille, le père et son fils peuvent être en perpétuel conflit. Le sentiment de rivalité apparaît vers l’âge de trois ans et si les parents n’en prennent pas conscience, la rivalité peut évoluer en réel conflit à l’adolescence.

Père et fils, une relation complexe
Le père est celui qui fixe les règles et pose les limites.

L’adolescence des enfants confronte leurs parents à beaucoup de questions et de bouleversements. Ils doivent tout le temps faire face à des bouffées d’agressivité, de critiques et de provocations de la part de leurs enfants, qui n’ont d’autre fonction pour l’adolescent que de se distinguer de ses parents. L’adolescent s’oppose, ainsi, tout en vérifiant qu’il peut compter et s’appuyer sur des parents fiables, solides, capables de «survivre» à des remises en question parfois brutales.
Les disputes houleuses auxquelles sont soumis les parents, à propos des sorties, des devoirs scolaires, des règles de la maison ou des amis, sont pénibles, mais inévitables et nécessaires. Cependant, les conflits ne sont pas tous aussi violents, selon qu’il s’agisse d’une fille ou d’un garçon.

À l’adolescence, le garçon a toujours besoin de ses deux parents, mais le rôle de son père est vraiment primordial. L’absence du père, et encore plus son indifférence, mettent grandement en péril son développement, parce qu’il est en première ligne pour transmettre des valeurs masculines et une bonne image de soi en tant que futur homme. À l’adolescence, le fils a, aussi, besoin de s’appuyer sur une image masculine forte. Il prend alors comme identifiant, son père pour construire sa personnalité. «Mon père est mon idole, même si je ne lui ai jamais dit bien sûr. Je voudrais en grandissant, avoir une personnalité aussi forte que lui et réussir ma vie comme lui a réussi la sienne», confie Karim, 16 ans.

Toutefois, la relation père/fils est une relation généralement complexe et à multiples facettes. Elle est toujours marquée par une sorte de rivalité, qui apparait vers l’âge de trois ans : le garçonnet a alors la fâcheuse impression que papa veut s’approprier maman et qu’il l’empêche ainsi de l’avoir rien que pour lui. Considéré comme un vrai rival, le fils rentre alors en compétition face à son père et cherche donc à écarter son père pour séduire sa mère. Aussi, veut-il s’approprier la force et les compétences de son père, en d’autres termes, lui ressembler voire le dépasser, pousse l’enfant à se battre, à s’opposer à lui, dans tous les domaines où il excelle. Cette rivalité prend toute son ampleur à l’adolescence, l’âge où l’enfant se prend déjà pour un adulte et refuse toute autorité parentale.
Par ailleurs, le père est celui qui ordonne les règles et impose les limites. Il n’hésite d’ailleurs pas à user de cette autorité, surtout quand le garçon n’écoute pas ! Résultat, il arrive souvent que l’enfant «déteste» son père et aussi invraisemblable que cela puisse paraître, certains spécialistes affirment que cette «haine» signifie que le père remplit correctement son rôle !

Néanmoins, symbole de puissance et d’autorité, le fils est, en même temps, en admiration devant la figure paternelle, modèle par excellence. Un exemple dont il a besoin, même si le dialogue entre le père et le fils est encore difficile à installer. Un garçon va parler de ses soucis et faire ses confidences à sa mère, pas à son père. Entre mère et fille, on se câline. Mais jamais entre père et fils. Et c’est d’autant plus difficile de toucher le père que l’on a envie de s’approprier ses qualités. Plus on veut lui ressembler, plus on le met à distance. «Nous n’avons jamais partagé de moments de complicité mon fils et moi. Je suis un peu pudique et lui aussi. Et même quand je fais l’effort et j’essaie de le prendre dans mes bras, il me repousse en affirmant que les hommes ne se câlinent pas. Avec le temps, j’ai fini par prendre mes distances et lui aussi. Aujourd’hui nos relations se limitent aux ordres et aux hurlements, ce qui m’attriste. Je sens que j’ai raté mon rôle de père», indique Younes, papa de Reda, 17 ans.

En effet, selon les spécialistes, père et fils sont dans l’attente d’une estime réciproque. Le père recherche la confirmation qu’il est un bon père. C’est essentiel, car cela donne l’idée d’une continuité d’existence. Le fils, de son côté, cherche à lire de l’admiration dans les yeux de son père. Les pires mots qu’un fils puisse entendre de la part de son père, c’est «tu m’as déçu». 


Explications : Ghizlane Benjelloun, pédopsychiatre

«Quand le père arrive à devenir un bon support identificatoire, le conflit se résout plus simplement»

Quelle est l’origine de cette rivalité entre le père et son fils adolescent ?
Elle remonte à la période œdipienne du garçon entre trois et six ans quand, il était amoureux de sa mère et en rivalité avec son père. En effet, dès l’âge de trois ans, trois ans et demi, l’enfant réalise que l’amour de sa vie, sa mère, est amoureuse de son père et que pour gagner son cœur il doit éjecter son père qu’il aime par ailleurs. Ce qui crée l’ambivalence et le conflit.
Ce complexe se résout habituellement par l’acceptation de la loi des humains (interdiction de l’inceste) et la mise en place de l’instance psychique interdictrice (le surmoi), mais grâce surtout à l’identification au père.
Ce conflit ressurgit habituellement à l’adolescence de façon plus ou moins importante selon son mode de résolution dans l’enfance.

Comment le père doit-il gérer cette situation ?
Il doit essayer de séparer psychiquement la mère du fils et mettre fin à cette relation fusionnelle. Quand il arrive à devenir un bon support identificatoire pour son fils le conflit se résout plus simplement. D’un autre côté, la mère doit introduire le père, dans le discours et par le comportement, dans la relation pour aider à la triangulation (sortir de la relation duelle mère/fils). Elle doit autoriser le père à jouer pleinement son rôle.

Est-ce que la rivalité est plus importante lorsqu’il s’agit de plusieurs frères garçons ou le contraire ?
Chacun vit les rivalités de façon unique et personnelle on ne peut pas généraliser. Chaque membre de la famille aura des rivaux selon l’histoire de chacun.

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