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«Je suis très attachée à la culture populaire»

● Après le kitsch, Fatima Mazmouz se penche sur la grossesse et revisite l’image des femmes enceintes. «Intimate Project» est un projet vraiment personnel. Alors qu’elle attendait elle-même un enfant, l’artiste a exploré les potentialités esthétiques de cette situation.
● Des mises en scène dans une série de photos et de vidéos explorant l’identité de la femme musulmane et allant au-delà de tous les tabous. Un univers où ironie et humour sont omniprésents. Rencontre avec une artiste à la démarche courageuse…

«Je suis très attachée à la culture populaire»
Les questions identitaires sont au cœur du travail de l’artiste.

Le Matin : Comment est née votre passion pour la photographie ?
Fatima Mazmouz : Pour moi, l’usage de la photographie est né d’une situation d’urgence. Une urgence intérieure à s’exprimer, à dénoncer ce qui m’entoure. Dans ce sens, mon travail est l’expression de ma vie de femme et des réalités politiques, sociales et culturelles que je vis en Europe ou au Maroc.

Vous participez à l’exposition «le Maroc, cet incandescent objet du désir». Que pouvez-vous nous dire sur votre travail présenté au sein de cette exposition ?
Ce travail est issu de la série : «Portrait d’une femme enceinte : réflexions intimes». Cette série de photos montre une femme dans des postures très différentes, mais sans jamais laisser apparaître le ventre. Il met en scène le corps d’une femme aux assauts d’innombrables questionnements liés au statut de cette nouvelle étape dans la vie d’une femme : la grossesse. À travers ces nombreux questionnements, les réajustements identitaires sont nécessaires et ma culture marocaine est nécessairement convoquée dans cette recherche identitaire. Et c’est dans ce sens que mon travail prend part à cette exposition.

Quels sont les thèmes qui vous tiennent à cœur et que vous essayez de faire paraître dans votre travail ?
Je travaille sur divers projets qui évoluent avec moi et qui sont le propre de mon histoire : la question de l’immigration, le statut de la femme, la problématique de la grossesse… tous ces sujets sont traités à travers la dialectique de l’intime et de la réalité politique, sociale et culturelle qui m’entoure au Maroc, en France ou ailleurs. Mon travail met en image ce dialogue, ce va-et-vient constant entre ces deux réalités : intérieures et extérieure.

Les codes et les questionnements identitaires font partie intégrante de votre travail. Pourquoi autant d’intérêt pour ces thématiques ?
Les questions identitaires sont importantes, car elles se sont construites chez moi souvent par antagonismes. Et il fallait sortir d’une réalité identitaire éclatée. C’est pourquoi l’un des enjeux de mon travail artistique consiste à recoller tous ces morceaux pour faire sens, car aujourd’hui le seul espace où ils font sens c’est celui de la création.


Parlez-nous de votre série sur la «grossesse». Quels en sont les questionnements et comment sont-ils nés ?
De nombreux questionnements arrivent avec la grossesse. Mais le travail dont vous parlez est sans doute celui qui a été exposé à la galerie FJ sous le nom d’«Intimate Project». Une exposition qui s’inscrit dans le débat nature/culture où j’ai essayé de réaliser des créations qui suggèrent le corps de la femme enceinte à travers des tirages où seule la silhouette de super «Oum» se découpe sur un fond de tissu coloré. Résultat : des micros-univers à la fois imaginaire et réel…

Avez-vous une technique particulière que vous utilisez pour vos séries ? Les questionnements développés dans votre travail sont souvent liés à une production de photographie mise en scène, plus proche de la fiction que du documentaire. Pourquoi adopter ce procédé ?
Il n’y a pas de techniques particulières. Par contre, il est important pour moi de ne pas rendre compte simplement de la réalité telle qu’on la perçoit. Une fois la prise de vue réalisée. Mon travail commence à ce moment-là. Je ne crois pas au réel tel qu’il est. En tout cas, il n’y a pas qu’une seule réalité. Ce constat est né de mon expérience où je me suis toujours vue traversée simultanément par des réalités parfois plus que divergentes. C’est pour cela que la fiction reste le meilleur moyen d’apporter des réponses même si elles restent hypothétiques. C’est pourquoi le documentaire ne peut être une facture esthétique saillant à mon univers personnel. C’est un point de vue philosophique...

Quelle place occupent l’humour et la dérision dans votre travail ?
Et s’il y a bien une vérité, je pense que c’est la voie de la dérision et de l’humour qui occupe une place importante dans mon travail. C’est pour moi le seul véritable moyen d’aller vers l’autre et de comprendre, de se comprendre dans la plus grande tolérance.

À quel public vous adressez-vous ?
La question de la réception dans mon travail fait partie intégrante du processus de création. Je m’adapte au public. Pour moi il est important de faire avec ce que l’on vous propose et de permettre au public d’accéder à votre travail. Un bon discours suffit pour accompagner les œuvres. Bien évidemment, je souhaite que tout public puisse trouver interprétation à mon travail.»

Quels sont les artistes que vous admirez et qui vous inspirent ?
Les artistes que j’apprécie sont nombreux, je pourrais en citer pour chaque mouvement... Et ce qui m’inspire vient de partout. L’univers de mes parents est un gouffre où je puise constamment, lorsque je ne m’y perds pas... Je suis très attachée à la culture populaire…

Vos projets ?
En ce qui concerne mes projets, je reprends maintenant, après le travail sur la grossesse, un projet qui me tient à cœur, celui qui traite de la question de l’avortement. D’autant plus qu’il trouve enfin un écho au Maroc qui se penche politiquement et socialement sur le sujet à travers le militantisme de nombreuses associations.» 

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