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«Je travaille en premier lieu à l’instinct, je ne cherche pas l’image, elle s’impose à moi»

● L’artiste photographe nous présente son dernier travail, intitulé «Lumière noire», qui représente une métaphore des moments difficiles vécus par l’être humain. Et ce, à travers des clichés qui jouent sur le clair-obscur.
● Jusqu’au 4 août prochain, son travail photographique est exposé à la galerie de l’Aimance de Casablanca. Une occasion d’aller découvrir cette jeune artiste marocaine qui a su se distinguer grâce à son style bien particulier.

«Je travaille en premier lieu à l’instinct, je ne cherche pas l’image, elle s’impose à moi»
«La série «Lumière noire» est une métaphore de notre part sombre, de notre part d’ombre, de notre côté obscur, des moments sombres de notre existence.»

Le Matin : Parlez-nous de votre parcours ?
Rizlane Lazrak : J’ai commencé la photographie vers 13 ans et je n’ai pas arrêté depuis. Je suis donc autodidacte. Parallèlement, j’ai une formation de graphiste. Et j’exerce donc aujourd’hui ces deux métiers de manière parallèle, voire complémentaire, sur certains projets. Ces deux passions, le graphisme et la photographie, sont à mon sens très proches. Elles n’ont cessé de se compléter et de se nourrir l’une l’autre, consciemment ou inconsciemment, au fil des années. Le graphisme m’a appris à composer, structurer ma pensée pour faire passer un message. La photographie a développé mon imaginaire et m’a permis de m’exprimer plus librement au travers de thèmes familiers ou éveillant ma curiosité.

Que pouvez-vous nous dire à propos de l’exposition «Lumière noire» actuellement à la galerie de l’Aimance ?
Cette série «Lumière noire» est une métaphore de notre part sombre, de notre part d’ombre, de notre côté obscur, des moments sombres de notre existence, ces moments qui semblent nous échapper, échapper définitivement à notre contrôle. Ces moments où l’horizon semble bouché, où le plus petit pas semble un pas de géant, nous les avons tous vécus. Pourtant comme un hymne à la vie, parmi cette noirceur, au milieu des profondeurs désolées de notre être, où nous croyons nous être perdus à nous-mêmes, dans ces moments où nous ne nous reconnaissons plus, où notre image semble n’être plus que son ombre, c’est alors que la magie opère. À l’image de mes images, il y a toujours une porte de sortie, une fenêtre, une ouverture vers un ailleurs, vers l’inconnu qui, inexorablement nous attire et nous fait basculer dans la lumière. Cette série a été réalisée dans un lieu désaffecté à Paris. Et je compte poursuivre avec d’autres lieux, dans le même esprit, ici au Maroc. Ces lieux ont gardé une âme, même après avoir été squattés, saccagés ou abandonnés par les hommes. Ces lieux nous représentent aussi quelque part, nous, nos blessures et nos doutes, nos douleurs. Plus ils vieillissent et plus ils deviennent riches d’histoire et de sens, à l’image de ces vieilles personnes dont on sent toute l’histoire, le vécu, sur leur visage marqué par le temps.

Comment définiriez-vous votre art et votre façon de travailler ? Où et comment trouvez-vous votre inspiration ?
Je travaille en premier lieu à l’instinct, je ne cherche pas l’image, elle s’impose à moi. J’aime tout ce qui est onirique, tout ce qui fait appel à notre sensibilité enfouie, trop oubliée... Cela peut partir d’un tout petit rien, d’un souffle sur une branche, d’un geste même, de petites choses indicibles du quotidien auxquelles on ne prête pas attention la plupart du temps. Puis lorsque j’ai le sentiment d’avoir saisi quelque chose d’intéressant, alors je décide d’approfondir le sujet pour, peut-être, faire naître une série. Parfois, les idées mettent de nombreux mois, voire des années à germer. Je reviens souvent sur d’anciennes photos, presque oubliées, pour voir si je peux construire quelque chose. Le temps qui passe est un allié, car laisser reposer des images me permet de prendre la juste distance, de ne plus être dans l’affect, de ne plus être dans l’instant et dans l’effervescence du moment, de la prise de vue et donc de pouvoir décider à froid si cela vaut la peine ou pas.

Le Maroc tient-il une place importante dans vos représentations artistiques et photographiques ?
J’ai commencé à photographier ici au Maroc où la lumière est si particulière, pour ne pas dire «lumineuse». Si je suis si sensible à la lumière et aux couleurs, c’est d’avoir grandi ici, au soleil, où tout est baigné de clarté. Certaines séries, comme ma série «Songe blanc», en sont imprégnées. Cependant, je n’ai pas à priori de sujet de prédilection, si ce n’est peut-être les grandes étendues, les plages. Mais je ne souhaite pas me cantonner à un style ou un pays. Je puise dans ce que je trouve où je me trouve.

Quelle technique utilisez-vous ou préférez-vous ?
J’ai bien évidemment commencé en argentique. Aujourd’hui, je travaille en numérique, même si le passage de l’un à l’autre a été douloureux. Je ne retouche pas mes photos, je préfère obtenir ce que je souhaite à la prise de vue. Cela est pour l’instant très important pour moi, car il me permet de distinguer mon travail de photographe de celui de graphiste. Mais je ne m’interdis pas un jour, dans le cadre d’un projet précis, de travailler d’une autre façon. Je n’en ressens pas le besoin ni l’envie aujourd’hui. Ce qui importe est d’être au plus près de mes émotions, de mes sensations, à travers mes images.

Quels sont les photographes que vous admirez ?
C’est sans aucun doute Sarah Moon, Harry Gruyaert, Shoji Ueda, pour la photographie et Edward Hopper pour la peinture.

Vos projets ?
J’ai plusieurs séries en cours dont je ne souhaite pas encore parler, car elles sont toutes en phase de conception donc pas encore abouties.

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