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«Ce qui m’intéresse c’est d’aller dans le cœur de l’âme humaine»

● Le temps d’une escale littéraire, qui a eu lieu au Sofitel Essaouira Mogador Golf & Spa, vendredi dernier, le public a eu l’occasion de rencontrer Serge Raffy, journaliste, actuellement rédacteur en chef du «Nouvel Observateur», et homme de lettres.
● L’auteur de biographies d’hommes politiques, dont la dernière en date est celle de François Hollande, revient sur cet exercice délicat et sur sa passion pour l’écriture.

«Ce qui m’intéresse c’est d’aller dans le cœur de l’âme humaine»
Serge Raffy.

Le Matin : Comment êtes-vous venu à la littérature ?
Serge Raffy : Initialement, j’ai fait des études de chimie biologique. J’adorais ces matières, mais à la fac, je me suis rendu compte que je n’étais pas fait pour ça et que j’allais finir laborantin ou rat de laboratoire. Je sentais que je m’étais trompé. J’ai donc changé. Je suis parti vivre en Angleterre pour faire une école de journalisme et j’ai poursuivi des études en littérature. Je me suis mis à étudier l’ancien français et j’ai obtenu une maîtrise en Lettres modernes. On peut donc dire que la littérature est venue par les études puisque je suis d’origine modeste. Mon grand-père était berger. C’est d’ailleurs pour cela que je me sens bien dans les pays arabes et berbères parce qu’il y a beaucoup de moutons et que je suis heureux au milieu des moutons. La littérature est également liée à des chocs d’enfance, d’adolescence et à l’époque des grands livres comme ceux de Jacques London. À partir de là, c’est la boule de neige. On n’arrête plus.

Vous paraissez attiré par les biographies des hommes politiques (Castro, Jospin, Hollande). Qu’est-ce qui vous plaît dans cet exercice ?
Au départ, je n’écrivais pas de biographies. Mes premiers livres, c’était plus des enquêtes sur des faits divers. C’est le hasard qui a fait qu’à un moment, j’ai commencé à écrire des biographies. C’est mon éditeur qui a pensé que j’étais fait pour ça. Moi, au fond, j’aime le romanesque. Notre métier est assez simple, il consiste à raconter des histoires et à essayer de les raconter le mieux possible, mais en même temps en mettant en scène des personnalités et des personnages qu’il s’agisse de politique ou de faits divers. N’importe quel fait divers est passionnant parce qu’il va révéler des itinéraires et des trajectoires d’individus que personne ne connaissait et qui au fond, sont tout aussi importants que le pape ou Obama. Ce qui m’intéresse c’est d’aller dans le cœur de l’âme humaine.

Vous avez dit qu’en écrivant vos biographies, vous essayez de faire (re)surgir le romanesque du politique. Comment y parvenez-vous ?
J’ai une technique de récit qui consiste à faire des chapitres sur le modèle de Mary Higgins Clarck dont je lisais beaucoup les romans. C’est une des reines du roman policier. On peut l’aimer ou ne pas l’aimer, mais elle est d’une efficacité redoutable avec le principe du suspens et du «Cliffhanger». À la fin de chaque chapitre, vous avez une interrogation et vous vous jetez sur le chapitre suivant pour en savoir plus, un peu comme dans les séries américaines. Mes livres politiques fonctionnent sur ces schémas là. Ce qui fait qu’ils sont plutôt faciles à lire parce que je mets en place une technique de narration qui n’est pas celle du journaliste-politique, mais d’écrivain.

Quelles sont les limites de cette technique sachant qu’il vous faut quand même rester lié à des faits réels ?
Les limites c’est que vous êtes subjectif et qu’à un moment donné vous vous attachez au personnage central, sujet de la biographie, et que forcément vous avez un rapport à votre sujet qui est très compliqué. C’est comme une psychanalyse, un jour vous l’adorez et l’autre vous le détestez, ensuite vous être tendre avec lui et par la suite vous pestez parce que vous pensez qu’il est nul… etc. C’est un rapport très compliqué. Il faut, donc, en même temps arriver à garder cette empathie-là et ce style qui va donner la patte romanesque et en même temps se calmer et rester à sa place c’est-à-dire un simple journaliste.
Vous avez contribué à l’écriture du scénario du film «K» d’Alexandre Arcady. Qu’est-ce que cela vous fait de voir des personnages que vous avez créés prendre forme sur le grand écran ?
C’est passionnant parce que le cinéma n’a rien à voir avec la littérature. Les personnages sont beaucoup plus édulcorés, plus simples. L’image en dit dix fois plus que n’importe quel texte. C’est ce qui fait la force du cinéma américain qui n’est pas bavard. Il n’a pas besoin de vous raconter beaucoup de choses. Il suffit de voir la tête de quelqu’un pour savoir s’il va bien ou non, alors qu’en France, on nous dit ce qu’il est en train de penser. Je suis pour ce genre de cinéma et il se trouve que «K» a été un film très américain et que j’ai adoré personnellement. Il n’a pas été un succès en France parce qu’il n’était pas, à l’époque dans les créneaux français.

Et quelle est votre histoire avec la musique ?
Quand j’ai commencé à faire du journalisme, j’avais signé un contrat avec une maison de disques. J’avais fait un 45 tours, mais comme j’étais devenu grand reporter, je parcourais le monde et du coup je n’avais plus le temps de faire de la musique. Mais depuis quelques années, je fais des concerts, je compose paroles et musique, je chante. Avec un autre musicien, je prépare un album. Il y aura des invités, dont Artman Go qui a enregistré avec moi, j’aurai Laurent Voulzy également. Et si par exemple un monsieur comme Dick Annegarn veut me voir, je serai très honoré. C’est pour moi un monstre. Je fais ça pour m’amuser. C’est pour moi un moment de bonheur et de détente. C’est une manière de ne pas être enfermé dans un seul personnage. J’ai écrit un recueil de poésie qui s’appelle «Lignes de fuites» et je pense que je n’aime pas être dans un seul cliché. J’aime bien me balader dans plusieurs rayonnages.
Des projets de livre en vue ?
J’ai signé un contrat pour un roman policier chez Albin Michel qui va s’appeler «Tuez-les tous». Ce sera un roman moderne qui racontera en même temps l’inquisition contre les cathares en France au 14e siècle où la papauté a massacré des centaines de milliers d’hérétiques qui étaient des chrétiens primitifs et qui étaient en rébellion contre les dogmes qui ont tué tant de gens.

Que représente l’écriture pour vous ?
La liberté. L’écriture, c’est vital. Je n’écris pas par souci d’apparaître. Si je n’écris pas, je meurs. C’est ma manière de respirer. Il faut que j’écrive quoiqu’il arrive.  

Si vous aviez à qualifier Essaouira, quel mot choisiriez-vous ?
«La paisible», au bon sens du terme. Dans «paisible» il y a paix et le monde est tellement en mouvement et plein de turbulence qu’un lieu comme ça où on peut dire qu’on peut apaiser le monde et les gens ce serait formidable.

Qui dit paix, dit inspiration. À quand un texte sur Essaouira ?
Oui, ce n’est pas impossible, mais mon inspiration n’est pas liée aux lieux. Je peux écrire n’importe où. Il faut juste que je sois tranquille.

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