Caisse marocaine des retraites (CMR) : «Arrêt cardiaque» annoncé en 2019
La Caisse est déficitaire depuis fin 2012, les cotisations ne couvrant plus les dépenses. Ce qui l’oblige à puiser dans ses réserves techniques. Ces réserves ne tiendront pas au-delà de 2019, selon les experts ou de 2021, selon la déclaration du chef du gouvernement devant les Conseillers en janvier dernier. Autrement dit, la CMR ne trouvera plus dès lors de quoi payer ses pensionnés. Aujourd’hui, le déficit implicite de la Caisse est estimé à plus de 700 milliards de DH, soit un niveau largement au-dessus de ses réserves actuelles qui sont de 74 milliards. La CMR présente actuellement un rapport démographique de trois cotisants actifs pour un retraité.
Pour les spécialistes, le taux de remplacement de la Caisse, jugé généreux (85%), est l’un des principaux facteurs de sa crise financière, en plus du non-élargissement de sa base de cotisants. Pour le gouvernement, cette situation est due en premier lieu au facteur démographique. Le nombre d’adhérents de la CMR a enregistré entre 1986 et 2011 un taux de croissance quatre fois plus important que celui de la tranche des cotisants de la population active.
Placée sous la tutelle du ministère des Finances, la CMR gère aujourd’hui deux régimes contributifs : le régime des pensions civiles et celui des pensions
militaires. Le régime fonctionne en répartition provisionnée selon le principe des primes échelonnées : les pensions de retraite sont financées par les versements des fonctionnaires en activité complétées par les contributions de l’État et des collectivités locales. Les affiliés cotisent à hauteur de 10% sur l’ensemble de leur rémunération brute.
Les employeurs contribuent au même taux, portant ainsi la cotisation totale à 20%. En 2011, l’organisme comptait 898 749 affiliés entre fonctionnaires civils, militaires et personnel des collectivités locales. Quant à l’effectif des pensionnés, il s’élevait à 630 059, selon le rapport d’activité 2011 de la Caisse. Notons que les pensions servies à l’âge normal de départ à la retraite sont allouées à raison de 2,5% par année de service sur la base du salaire touché pendant la dernière année d’activité.
RCAR, les premiers déficits en 2021
Pour le Régime collectif d’allocation des retraites (RCAR), les premiers déficits apparaitront en 2021. La Caisse affiche un rapport démographique de 1,9 cotisant pour
un retraité en 2010, alors que celui-ci était de 7,5 pour 1 en 2001.
Le régime pourra fonctionner grâce à ses réserves (autour de 85 milliards de DH) qui s’épuiseraient en 2043, à en croire les pronostics de l’organisme de prévoyance lui-même.
Selon le Haut-commissariat au plan (HCP), la faible couverture du RCAR s’explique par le fait que l’évolution des cotisants à ce régime a toujours été influencée par la politique de titularisation, donc le passage des affiliés à la CMR ou de privatisation et donc le passage des affiliés à la CNSS. Le nombre de cotisants du Régime a baissé en moyenne annuelle de 1,6% entre 2000 et 2009, alors que celui des bénéficiaires a augmenté de 14,8% sur la même période.
Rappelons que le RCAR est géré par la Caisse de dépôt et de gestion. Il s’applique au personnel des organismes publics soumis au contrôle financier de l’État ou bénéficiant de son concours financier ainsi qu’aux agents non titulaires de l’État et des collectivités locales (personnel contractuel de droit commun, temporaire, journalier et occasionnel). En 2011, il comptait 191 975 affiliés cotisants pour le régime général et 103 927 pensionnés.
Le RCAR a adopté la technique de financement mixte «capitalisation 2/3- répartition 1/3».
Les cotisations salariales (6%) et les contributions patronales fixes (6% également) sont inscrites au livret individuel de l’affilié, capitalisées au taux d’intérêt de 4,75%.
Le salaire annuel moyen de carrière correspond à la moyenne de tous les salaires soumis à cotisation pendant toute la carrière de l’affilié et revalorisés à la date de liquidation de la pension, rappelle le HCP.
CNSS, une situation moins inquiétante, mais...
Contrairement à la CMR et au RCAR, la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) est dans une situation jugée moins inquiétante. Les cotisants sont encore plusieurs à financer les retraités. Le rapport est d’environ 8 pour 1 en 2010.
La Caisse, qui gère les retraites du secteur privé, devrait enregistrer ses premiers déficits en 2027 et épuiser ses réserves dix ans plus tard. Selon son rapport annuel 2011, le nombre de salariés déclarés a atteint 2,54 millions de personnes. Il s’agit d’une progression de 10,4% par rapport à 2010 et de 61% en comparaison à 2005. La Sécurité sociale enregistre la progression annuelle la plus élevée de la population affiliée entre 2000 et 2010, grâce au développement du tissu économique du secteur privé et aux efforts déployés auprès des entreprises afin d’élargir sa couverture.
Rappelons que la CNSS est un régime public placé sous la tutelle du ministère de l’Emploi et de la formation professionnelle. Les cotisations, calculées sur la base d’un taux fixé à 11,89%, sont assises sur un salaire plafonné actuellement de 6 000 DH/mois et réparties à hauteur de 1/3 à la charge du salarié et de 2/3 de l’employeur. Le régime est géré selon la technique de la prime échelonnée : les taux de cotisation sont fixés de manière à assurer l’équilibre du régime sur une période minimale de cinq années. La pension servie est égale à 50% de l’assiette de liquidation pour les 3 240 jours d’activité plus 1% de la même assiette pour chaque 216 jours d’assurances dans la limite toutefois d’un maximum de 70%. L’assiette de liquidation est représentée par le salaire moyen des 8 dernières années d’activité.
CIMR, encore un demi-siècle de «grâce»
La Caisse interprofessionnelle marocaine de retraites (CIMR) semble épargnée pour l’instant. Son premier déficit ne devrait surgir qu’après 2060. Le rapport démographique est toutefois faible et tourne autour de 2,1 cotisants pour un pensionné. En 2011, la CIMR comptait 5 120 entreprises adhérentes, 283 000 affiliés cotisants et 136 202 allocataires.
Régime complémentaire facultatif pour les salariés du secteur privé, la CIMR se base sur un système de retraite par points : les droits des actifs sont exprimés en points qui sont transformés en pensions au moment du départ à la retraite. Ce régime est ainsi alimenté par des cotisations supportées à la fois par les salariés et par l’employeur (varient de 3 à 10% du salaire). La part salariale est prélevée à la source, directement sur le salaire brut par l’employeur qui se charge de la reverser à la CIMR. La part patronale, égale à la part salariale, est majorée de 30% depuis 2007, indique le HCP. Le nombre de points acquis entre la date d’affiliation et celle du départ à la retraite sert de base pour la liquidation de la pension. De par les dispositions de la réforme engagée en 2003, la valeur du point de liquidation est restée figée jusqu’en 2010, et ce, pour aboutir à un rendement du régime de 10% à cette époque. L’évolution de la valeur du point de liquidation suivra par la suite celle du salaire de référence. Le point valait 12,11 DH en 2011. Le prix d’acquisition des points CIMR est égal à six fois le salaire de référence dont la valeur en 2011 était de 20,10 DH. Ce dernier augmente proportionnellement au salaire moyen de la population affiliée. Les pensions de retraite de la Caisse, servies par le régime en général à 60 ans, sont revalorisées chaque année sur la base du taux d’inflation.