Après une première baisse des prix de plus de 400 médicaments fin 2011 et une seconde baisse des prix qui a concerné 320 médicaments fin 2012, il paraît que les citoyens auront droit à une troisième réduction des prix des médicaments prochainement. Cette nouvelle baisse, attendue depuis le début de l’année, pourrait atteindre 80% des prix actuels. Elle concernera plusieurs types de médicaments, notamment différentes classes d’antibiotiques, les antidouleurs, les traitements de certains dérèglements des fonctions uro-sexologiques, des traitements antidiabétiques ainsi que des médicaments destinés au traitement des maladies cardiaques et de l'hypertension artérielle. «Cette seconde étape de baisse des prix des médicaments ne concernera pas une catégorie particulière comme celle de l’année dernière qui a concerné les médicaments onéreux utilisés en oncologie et dans la prise en charge des hépatites virales, mais elle sera plutôt globale. La révision des prix concernera cette fois tous les médicaments», souligne Abdelhakim Zalim, chef de division de la pharmacie à la Direction du médicament et de la Pharmacie relevant du ministère de la Santé. «Le projet de décret, que nous avons finalisé il y a quelques mois, a été transmis au chef de gouvernement Abdelilah Benkirane, qui l’a transmis au ministère des Affaires générales et la gouvernance pour validation des prix proposés.
Il est prévu que ce projet de décret passera au conseil du gouvernement très prochainement», poursuit Zalim. Pour les pharmaciens, quelle que soit la nature de la baisse, elle va automatiquement aggraver la situation catastrophique que traverse la pharmacie d’officine. «Les précédentes baisses, qui ont déjà touché les prix des médicaments, ont induit une baisse des chiffres d’affaires des pharmacies qui va se situer entre 7% et 20% en 2013. Les pharmacies rurales et les pharmacies géographiquement défavorisées sont les plus vulnérables et risquent de faire les frais de ces baisses importantes des prix des médicaments. D’ailleurs, les faillites se multiplient ces derniers temps. Dans la ville de Mohammedia par exemple, 4 pharmacies ont fait faillite ces dernières années et le nombre de pharmaciens en grave difficulté ne cesse de croître», explique Abderrahim Derraji, pharmacien et fondateur des sites «Pharmacies.ma» et «Medicament.ma».
Et d’ajouter que «les baisses annoncées, la crise économique qui ne dit pas son nom, l’augmentation du prix des carburants et leurs répercussions, la non-généralisation de la couverture médicale et la stagnation du pouvoir d’achat ne présagent rien de bon. Seules de vraies mesures compensatoires pourraient éviter une hécatombe chez les pharmaciens et le ministre de la Santé est bien conscient de cette situation. Quant aux industriels, ils seront obligatoirement touchés par la baisse. L’impact variera en fonction de la taille de l’entreprise et de son statut». De leur côté, les industriels se plaignent du manque de visibilité causé par la baisse des prix des médicaments. «Nous avons appris que le ministère de la Santé a décidé de procéder à la baisse des prix d’une 3e tranche de médicaments, mais nous ne savons pas de quels produits il s’agit. Nous ne savons pas non plus l’importance de cette baisse ni de quelle manière elle va être calculée.
Depuis plusieurs décennies, nous travaillons positivement en partenariat et en toute transparence avec notre ministère de tutelle et en particulier avec la Direction du médicament et de la pharmacie, nous regrettons que ce dialogue enrichissant ne cesse de se détériorer depuis 4 ans», indique Abdelghani El Guermaï, président de l’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique (Amip). Et de poursuivre : «L’industrie pharmaceutique marocaine, considérée comme l’un des fleurons de l’industrie nationale, est de plus en plus impactée et nous ne disposons d’aucune visibilité. Il devient urgent de retrouver un climat de travail rationnel et professionnel avec tous les ministères concernés par notre profession. Il faut rappeler que la crise internationale n’a pas épargné non plus notre industrie et que le marché est stagnant depuis 3 ans alors que toutes les charges ne font qu’augmenter. Si le ministère de la Santé maintient sa politique, il finira tout simplement par détruire 60 ans de travail et d’efforts de tous les laboratoires nationaux et internationaux, ce que nous n’accepterons en aucun cas». Par ailleurs, pharmaciens d’officine et industriels s’accordent à dire que l’amélioration de l’accès aux soins ne dépend pas que des prix des médicaments. Pour eux, il serait plus judicieux de s’attaquer à d’autres chantiers comme la généralisation de la couverture de l’assurance maladie qui touche pour le moment près de 30%. «La baisse du prix des médicaments est à mon avis un leurre. Quand on réduit le prix de certains anticancéreux même de 80%, ils resteront inaccessibles pour tout patient ne disposant pas d’une assurance maladie. Les examens, les analyses et les actes médicaux ne sont pas non plus accessibles pour une large frange de la population. Et bien souvent quand les malades arrivent dans nos officines, ils n’ont plus de quoi acheter leurs médicaments. Le pharmacien est presque obligé de leur faire crédit en courant le risque de ne pas se faire payer», conclut Derraji.