La «guerre» du médicament. Ce n’est pas le titre d’un film encore moins celui d’une série. C’est le scénario auquel on assiste avec les deux protagonistes que sont les industriels du médicament et les pharmaciens d’officine. Pour mieux comprendre ce bras de fer, un rappel des faits s’impose.
Les industriels interpellent le ministère
Vers mi-septembre, le ministère de la Santé annonce au «Matin» la baisse des prix de 1 000 médicaments, notamment les antidouleurs, les antibiotiques, ceux destinés aux traitements antidiabétiques, des maladies cardiaques et de l’hypertension artérielle.
Abdelhakim Zaalim, chef de division de la pharmacie à la Direction du médicament et de la pharmacie relevant du ministère, avait d’ailleurs annoncé dans nos colonnes que le ministère est actuellement «en phase de finalisation de ce décret qui sera publié très prochainement dans le Bulletin officiel». Sauf que l’élaboration de ce projet de décret ne reçoit pas l’assentiment des industriels du médicament. Dans un communiqué publié fin septembre, trois associations représentant le secteur de l’industrie pharmaceutique, notamment l’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique (AMIP), ont fait part de leur «étonnement» et de leur «inquiétude» au sujet de ce décret «élaboré unilatéralement par le ministère de la Santé».
En un mot, ils jugent cette démarche «non consensuelle, partielle et contraire aux principes de la transparence et de la concertation qui ont toujours caractérisé les échanges entre eux et le ministère». Et les industriels de conclure que cette démarche «aura des impacts socio-économiques catastrophiques sur une industrie pharmaceutique marocaine déjà fragilisée (…) et mettra en péril les investissements présents et futurs économiquement importants pour notre pays».
Les pharmaciens prennent leur contre-pied
Quelques jours plus tard, les pharmaciens brisent le silence et apportent un démenti. «La Fédération nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc (FNSPM) a été frustrée de lire dans les journaux que les industriels n’ont pas été concertés et qu’ils ne sont pas au courant du projet de décret alors qu’ils ont assisté à toutes les réunions (pendant deux années) avec le ministère de la Santé et le secrétaire général», lit-on dans leur communiqué.
Mieux, précisent-ils, les industriels «étaient les premiers à signer un accord avec le ministre, suivi de plusieurs sorties médiatiques annonçant en fanfare qu’ils ont fait un geste citoyen», poursuit le document. Les pharmaciens d’officine vont même jusqu’à déclarer «qu’un jeu mal sain et machiavélique est en train d’être orchestré par les industriels du médicament.» Vous êtes sûrement nombreux à vous demander à quelle version se fier. C’est pour trouver une réponse à cette interrogation que «Le Matin» est entré en contact avec le responsable de la communication au niveau du ministère de la Santé. Jusqu’au moment où nous mettions sous presse, nous n’avons pas reçu de réponse de sa part. Nos colonnes restent toujours ouvertes pour d’éventuels éclairages sur la question.
Les industriels du médicament qui estiment qu’ils n’ont pas été impliqués par le ministère dans l’élaboration du projet de décret vont-ils appliquer la baisse des prix une fois que la mesure entrera en vigueur ? La réponse à cette question serait prématurée.
En tout cas, du côté des pharmaciens, on souhaite prendre les devants pour parer à toute éventualité. «Nous allons envoyer un courrier à tous les ministères concernés et à la primature, des lettres d'explications à tous les walis et gouverneurs et des lettres de mise en demeure contre d'éventuelles ruptures de stocks de médicaments par les laboratoires pharmaceutiques.
Les industriels n'ont pas le droit de prendre en otage le citoyen et mettre en péril sa vie avec des ruptures de stock programmées comme paru dans certains organes de presses», a indiqué au «Matin» Amri Oualid, président de la FNSPM. Nous avons essayé de joindre Abdelghani El Guermai, président fondateur de l’AMIP, pour avoir son avis sur la chose, mais nos tentatives sont restées vaines.