Hier, chiffonnier se lançant à l'assaut des poubelles de la métropole, Mustapha El Hamri, un quadragénaire casablancais, est devenu, aujourd'hui, un maillon dans le processus de recyclage.
Expérience inédite que celle initiée par l’Association «Bahri» qui œuvre pour la protection de l’environnement. Une idée somme toute simple, mais qui a changé la vie de Mustapha El Hamri. Ce dernier est passé du statut de chiffonnier à celui de maillon important dans la chaîne du recyclage, à petite échelle, faut-il le préciser ? Âgé de 47 ans, une gueule fort sympathique respirant l’arrière-pays, El Hamri poussait sa carriole à longueur de journée, et durant une bonne partie de la nuit, prenant d'assaut les bacs à ordure de la métropole.
Un travail désagréable, voire pénible et dangereux, à tout point de vue. Il aura fallu que son chemin croise, au coin d’une rue, celui de Zineb et Saad Abid, cofondateurs de l'association «Bahri», pour que l’idée prenne naissance. Trois mois et quelques interventions plus tard, notamment de la part de la mairie de Casablanca pour l’autorisation, et de Atlanta-Sanad pour le financement, El Hamri a troqué sa carriole endommagée contre un vélo électrique flambant neuf, en plus de tenues de travail propre, le tout de couleur verte environnementale. Le tricycle est doté d’une minibenne pour la collecte des déchets destinés à être recyclés (carton, papier, plastique, etc.) et notre ami ne cache pas sa joie de pouvoir travailler autrement. De même, ils sont révolus les temps où il devait fouiller les poubelles pour en extraire ce qui peut rapporter quelques pièces. Dorénavant, des particuliers et des entreprises font appel à lui pour lui confier le produit du tri sélectif préalablement effectué.
«J’ai laissé le travail de chiffonnier derrière moi, plus jamais je ne referai ça. Aujourd’hui, je travaille plutôt dans la propreté, je rencontre des gens respectueux de l’environnement et j'ai retrouvé ma dignité», raconte El Hamri. Et de se remémorer : «Auparavant, quand j’en avais les moyens, j’achetais une paire de gants pour fouiller les poubelles, mais ce n’était pas toujours le cas. C’est un travail dur et sale, en plus d’être risqué la nuit. À plusieurs reprises, j’ai failli être agressé par des voleurs… plus jamais ça, jamais…»
Père de famille, notre ami a débarqué seul à Casablanca dans les années 90, femme et enfants vivants loin de lui dans sa région natale. Il travaillait dans les chantiers de construction en tant que maçon. Un accident de travail ayant affecté sa jambe, en plus de l’avoir amputé d’un doigt, Mustapha ne pouvait plus exercer le métier qu’il maîtrisait. Il s’est alors transformé en marchand ambulant, vendant tantôt du pain, tantôt des œufs… Un métier qui ne lui assurait pas un revenu suffisant pour payer son loyer à 600 DH, en plus de l’argent qu’il devait régulièrement envoyer à sa petite famille. Depuis près d’une année, il s’est converti en chiffonnier malgré lui, faute de travail et d’aptitude physique pour en dénicher un. Une «carrière» qui fait désormais partie du passé, depuis quelques mois déjà. Une initiative qui gagnerait à être suivie.
Un agenda bien rempli
L’agenda de Mustapha El Hamri devient de plus en plus chargé. Aujourd’hui, il a pour «clients», entre autres, le consulat américain et Dar America, chez lesquels il fait son passage tous les vendredis matin afin de collecter ce qui résulte du tri sélectif au niveau de ces deux institutions. À ceux-là s’ajoutent l’école espagnole, un laboratoire pharmaceutique partenaire de «Bahri» et d’autres entreprises et institutions sont en phase d’être démarchées par l'association, afin qu’elle fasse appel aux bons offices d’El Hamri. «Je pense que l’idée est là et chacun est libre de s’en inspirer. Si l’on parvient à reconvertir les quelque 13 000 chiffonniers qui sillonnent la métropole, ce serait vraiment une opération salutaire, et pour eux et pour la ville. Au niveau de “Bahri”, nous assurons un suivi de l’activité de Mustapha afin de comparer sa situation présente à celle antérieure. Actuellement, il doit gagner entre 50 et 100 DH par jour et l’objectif est qu’il puisse atteindre 200 à 250 DH», conclut pour sa part
Saad Abid.