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Comment les proverbes marocains représentent-ils les rapports hommes-femmes au Maroc ?

Par Fayrouz Fawzi
Doctorante en sociologie littéraire, membre bénévole du Conseil canadien pour les réfugiés

Comment les proverbes marocains représentent-ils les rapports hommes-femmes au Maroc ?
Des rapports ambigus depuis la nuit des temps…

Pour approcher les figures du féminin et du masculin que véhicule le discours proverbial, il importe d'examiner les contenus d’un corpus composé de plusieurs proverbes qui se présentent, du point de vue des origines ethnoculturelles et des aires d’usage, sous les formes de proverbes en dialecte arabe, en dialectes berbères ou de proverbes du Rif.

Les fonctions du discours proverbial comme les occurrences de son émergence comportent des implications socioculturelles importantes. Outre ses fonctions pédagogiques (transmission de savoir, de principes moraux et règles sociales), le proverbe se présente comme un élément de régulation du changement socioculturel.
À titre d'exemple, «Un homme doit pouvoir sacrifier sa vie pour 'ulâdu (littéralement, ses enfants) et pour blâdu (bled, territoire, pays)», selon un proverbe en dialecte arabe. Les deux termes «'ulâdu» et «blâdu» délimitent les lieux ultimes de repli de l’homme : la famille et le territoire.

Le discours proverbial marque la socialisation sexuée dans le Maroc d’aujourd’hui. D'ailleurs, les proverbes constituent une composante essentielle de ce qui est couramment appelé «littérature orale» (i.e. contes, mythes, dictons, devinettes, nukât (farces), etc.). Ils sont socialement représentés et présentés comme étant le résultat d’une expérience ancienne et originelle. En plus, les proverbes marocains se présentent comme une parole traditionnelle et anonyme qui, du point de vue des usagers, traduit une sagesse incontestable : celle des anciens, et signifie l’ordre parfait des choses.

En incarnant le dire des anciens, en connotant une expérience fondatrice, la parole dans le contexte proverbial se trouve chargée de pouvoir. De même, par sa répétition et son positionnement vis-à-vis du temps – ce que A.J. Greimas appelle le caractère archaïque de la forme proverbiale qui constitue une «mise hors du temps» : principe de son autorité, le proverbe fixe des images mentales, des représentations culturelles et des modèles de conduites.
S’agissant des relations de genre, les proverbes mettent en scène une foule de femmes et d’hommes impliqués dans des situations sociales diverses. Ils véhiculent par là une multiplicité de discours et de représentations.
Ces discours restent cependant gouvernés par l’idée d’un féminin mis à la disposition du masculin et relevant du domaine de son autorité. C’est à l’homme, souligne-t-on, qu’incombent les tâches de surveillance, de protection, d’entretien et d’éducation de la femme. «Les femmes : nettoie et emménage, voilà comment il faut les traiter !» conseille un proverbe marocain.

L’homme est donc appelé à effectuer un travail de remodelage envers la femme de telle sorte que celle-ci se conforme à ses attentes. «Le cheval est chéri tant qu’il est attaché», lance un proverbe du Rif, allusion, selon son collecteur, à la femme qui, puisqu’elle ne peut contrôler ses passions à l’image du cheval qui lui non plus ne peut résister à la tentation de galoper, doit être surveillée. Les proverbes mettent l’accent sur ce qu’ils considèrent être des caractéristiques féminines nuisibles à l’ordre social. Ces caractéristiques se rapportent globalement à deux domaines : la sexualité et le secteur des relations publiques. 

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