Le Maroc a lancé des plans d’investissement ambitieux dans les énergies renouvelables pour réduire les importations des énergies fossiles. Ces plans nécessitent une infrastructure réseau flexible et optimisée, à l’instar des smart grids, ces réseaux électriques intelligents. Une technologie qui permet aussi de réduire les coûts et de gérer efficacement le réseau électrique.
Le Maroc devrait adopter en 2015 la technologie smart grid. Définie comme un réseau électrique capable d’intégrer intelligemment les comportements et actions des utilisateurs (producteurs et consommateurs) qui y sont connectés, cette technologie permet en effet de fournir efficacement une énergie électrique durable, économique et sûre. C’est dans cet objectif que l’Office national de l’eau et de l’électricité (ONEE) lancerait un appel d’offres international en 2015 pour implémenter cette technologie au Maroc.
«Le Maroc connaît une mutation importante en termes de transition énergétique. Nous nous sommes engagés dans plusieurs projets colossaux de production d’énergie propre. L’adoption de la technologie smart grid s’inscrit dans la continuité de ces projets. Par exemple, un smart grid nous permettra de mieux produire et distribuer l’énergie solaire produite à Ouarzazate, la distribuer au niveau national et en exporter une partie en Europe. Ceci sans connaitre d’importantes pertes énergétiques», nous déclare une source de l’ONEE, proche du dossier. Cette dernière nous rappelle que les centrales électriques de Jorf Lasfar seront également dotées de cette technologie ainsi que les autres installations éoliennes, solaires et hydrauliques. Car il faut le savoir, il existe une grande complémentarité entre énergie propre et smart grids. Une énergie renouvelable est plus efficace si elle est mieux utilisée grâce notamment à cette technologie.
De même, l’ONEE devra trouver des solutions pour gérer d’une façon optimale sa production et la vente de son électricité. Il faut savoir que depuis 2002, la consommation d’électricité augmente à un rythme annuel moyen de 7%.
Une demande se fait de plus en plus importante face à une capacité installée limitée. De même, à cause de son modèle économique, l’ONEE ne peut pas subvenir efficacement à cette demande puisqu’il vend à perte. D’ailleurs, l’office achète de l’électricité sur le marché espagnol via ses interconnexions avec ce marché, vu que le kwh espagnol lui revient moins cher que celui produit localement. En 2012, ces achats ont représenté 2,8 milliards de DH. C’est dans ce contexte que l’ONEE a signé un contrat-programme avec l’État tout récemment et s’est engagé à adopter des mesures urgentes pour revenir à un équilibre financier. Parmi ces mesures, figure entre autres le lancement de l’appel d’offres relatif aux smart grids en 2015.
Par ailleurs, le Maroc, qui importe plus de 96% de ses besoins énergétiques, aura à gagner en adoptant de telles technologies. Surtout lorsque l’on sait que les importations énergétiques du Royaume plombent la balance commerciale. Au premier trimestre 2014, la facture énergétique du Maroc avoisinait 25 milliards de dirhams, en hausse d’environ 20% par rapport à la même période une année auparavant.
Si le bouquet énergétique est compris en grande partie d’énergie fossile, l’énergie propre prendra de l’importance les prochaines années. Ce qui diminuera considérablement la facture énergétique du pays. De même, avec les smart grids, la consommation électrique du Marocain baisserait de 10 à 15%. Aux États-Unis, on estime cette baisse à 12% à l’horizon 2030. Cette baisse de consommation est salutaire surtout lorsqu’on sait que le taux de croissance de la consommation énergétique est de plus en plus supérieur au taux de croissance du PIB marocain ces dernières années.
En plus, de la baisse de la facture énergétique et la touche environnementale, les smart grids présentent plusieurs avantages. Le réseau est mieux géré, plus efficace et fiable. La qualité du service aux clients est également améliorée, puisque les pannes seront détectées à distance à titre d’exemple. De même, les coûts d’opération et de maintenance vont être réduits, d’où la création de nouvelles sources de revenus.
Mohammed Tawfik Mouline, DG de l’Institut royal des études stratégiques (IRES)
«Quatre défis majeurs pour le Maroc»
Pour relever ses défis énergétiques, le Maroc a mis en place une nouvelle stratégie énergétique à l’horizon 2020. Celle-ci vise à assurer la sécurité d’approvisionnement, à œuvrer en faveur de la préservation de l’environnement en intégrant la problématique énergétique dans un contexte de développement durable et à accroître la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique national. Elle porte également l’ambition de faire du Maroc un acteur clé en matière d’exportation de l’énergie vers l’Europe.
Toutefois, la concrétisation des ambitions de cette stratégie reste tributaire du relèvement de quatre défis majeurs. Tout d’abord, il faut s’assurer d’une intégration industrielle à travers l’implication du tissu industriel marocain dans la réalisation des équipements nécessaires aux parcs solaires/éoliens. Deuxièmement, le Maroc doit acquérir une maîtrise de la dimension technologique à travers le renforcement des capacités nationales en matière de recherche scientifique et d’innovation.
Troisièmement, il est nécessaire de développer des réseaux intelligents «smart grids», pour assurer l’intégration des énergies renouvelables dans les réseaux électriques et permettre ainsi la maîtrise de la demande d’énergie. Enfin, il est primordial de mobiliser des ressources financières nécessaires tant internes qu’externes pour assurer la mise en œuvre appropriée des objectifs de la stratégie énergétique nationale.