Plus d'une grossesse diagnostiquée sur dix se termine par une fausse couche lors du premier trimestre. La majorité des fausses couches interviennent au commencement de la grossesse, avant deux mois et demi de grossesse. Leur fréquence est deux fois plus élevée à quarante ans qu'à vingt ans. La fausse couche est un avortement spontané de l'embryon ou du fœtus survenu avant la fin du sixième mois de grossesse. Il s'agit d'une grossesse naturelle de mauvaise qualité n'ayant pas réussi à terminer son évolution. La fausse couche est un processus naturel permettant d'éliminer un embryon non viable qui se caractérise par des douleurs ressemblant à celles survenant lors de règles, accompagnées de saignements plus ou moins abondants. Attention cependant aux conclusions hâtives. «Il arrive qu’une femme perde un peu de sang à la date théorique de ses règles pendant les deux ou trois premiers mois de la grossesse. Ce qui n'est pas forcément signe de fausse couche.
Ces pertes n’ont aucun caractère de gravité», explique le Pr Chafik Chraibi, gynécologue. De plus, des saignements ou l’absence de mouvements du bébé (surtout en fin de grossesse quand il n’a plus beaucoup de place pour bouger) n’annoncent pas forcément une mort fœtale in utero. Par ailleurs, à ce stade, il est fréquent que la future maman saigne après un toucher vaginal, car le col est plus fragile. De toute manière, un avis médical est indispensable. Les causes de l'avortement spontané sont très nombreuses. Plus de huit fausses couches sur dix sont causées par une anomalie chromosomique du fœtus. Les fausses couches tardives survenant après deux mois et demi de grossesse sont souvent liées à une malformation utérine. Des infections, telles que la toxoplasmose ou la listériose. Si ces infections ne sont pas mortelles pour la mère, elles le sont pour le fœtus : la maman les lui aurait transmises. Pour l'éviter, il est déconseillé de consommer de la viande rouge pas assez cuite, du poisson cru (type sushi) ou encore des légumes mal lavés. Prudence également avec les chats de gouttière qui pullulent dans nos rues et sont facteurs de risque. De même, une hypothyroïdie, un diabète gestationnel, le tabac, l'alcool et le café peuvent être à l'origine d'une fausse couche. La consommation journalière de deux tasses de café pendant la grossesse aurait comme effet d'augmenter le risque de fausse couche, d'après une étude américaine publiée en janvier 2008, dans la revue «American Journal of Obstetrics and Gynecology». Aussi, il arrive que la qualité du sperme du mari soit à l'origine de fausses couches à répétition. Il faudra alors effectuer un spermogramme.
Et après ?
Après la fausse couche, se baigner (dans la mer ou dans une piscine) ou prendre un bain ou une douche vaginale doit être évité pendant quatre jours. Il est en général conseillé d'attendre deux à trois cycles avant de penser à concevoir un autre enfant. Toutefois, certaines femmes tombent plus rapidement enceintes après leur fausse couche. Les spécialistes s'accordent sur la nécessité de réussir à faire «le deuil» de l'enfant disparu avant d'envisager à nouveau un bébé.
Explications
Pr Chafik Chraibi, professeur de gynécologie obstétrique et chef de service à maternité des orangers du C.H.U de Rabat
«Une femme sur trois a fait une fausse couche connue ou méconnue durant sa vie»
Pourquoi fait-on des fausses couches ?
Il existe de nombreuses causes pouvant être à l'origine d'une fausse couche. Au premier trimestre, 80 à 90% des fausses couches sont dus à des embryons porteurs d'anomalies chromosomiques, souvent non viables, et qui seront éliminés par processus de sélection naturelle. Il y a aussi les œufs clairs, qui sont des sacs gestationnels sans embryon, voués également à l'expulsion. Au second trimestre, plus l'âge gestationnel de la fausse couche est tardif, plus les causes deviennent complexes et imposent un certain nombre d'investigations. On parle de maladie abortive au-delà de trois avortements spontanés suivis. Il peut s'agir de pathologies maternelles d'origine auto-immune tel que le syndrome des anticorps antiphospholipides que le médecin devrait savoir rechercher, de maladies endocriniennes, souvent méconnues ; de foetus porteurs de malformations majeures, de grossesses multiples, de malformations de l'utérus, de béance cervicale, etc.
Quelle proportion de femmes est touchée chaque année au Maroc ?
Il convient tout d'abord de préciser qu'une fausse couche vraie est un diagnostic histologique, attestant de l’existence de trophoblaste dans un produit expulsé. Une femme sur trois a fait une fausse couche connue ou méconnue durant sa vie, et le risque de récidive augmente avec le nombre de fausses couches. A contrario, l’expulsion d’un sac ou de membranes n’est pas forcément un avortement, il peut s’agir d’un moule utérin.
Quels conseils leur prodiguer pour limiter les risques ?
Tout en gardant à l'esprit qu'une femme enceinte n'est pas une femme malade, il faut néanmoins que la grossesse puisse se développer dans un environnement dénué de stress, d'efforts physiques nocifs (port de poids lourds, longues heures de marche, etc.), et d'habitudes toxiques. Idéalement, toute femme souhaitant tomber enceinte devrait bénéficier d'une consultation pré-conceptionnelle, afin d'identifier et de traiter tous les facteurs de risques potentiels, pour que la grossesse future puisse se dérouler dans les meilleures conditions.
À quel moment faut-il s'en inquiéter ?
Toute douleur et/ou saignement ainsi qu’une perte des eaux doit motiver une consultation chez le médecin. De façon générale, tout symptôme anormal au cours d'une grossesse devrait pousser la patiente à consulter, afin d'assurer une prise en charge à temps de toutes les complications pouvant survenir, fausse couche ou autres.
Comment accompagner la mère pour surmonter la perte d'un enfant par fausse couche ?
Quel que soit l'âge de la grossesse, une fausse couche dans une grossesse désirée est vécue comme une perte et doit impérativement s'accompagner d'une prise en charge psychologique, en plus de la prise en charge médicale. Le praticien doit rassurer la patiente et l’accompagner dans son processus de deuil, mais surtout dans la lutte contre le sentiment d’échec ou d’appréhension pour les grossesses futures. Les causes de la fausse couche doivent être recherchées, expliquées de façon objective et traitées de manière préventive.
