Son émouvante interprétation a déjà fait le succès de la pièce lors de sa première présentation au Théâtre national Mohammed V, puis à Kénitra. Un jeu magistral qui vaut la peine d’être savouré par d’autres publics du Royaume, notamment ceux de Meknès, d’Agadir et de Tétouan, selon la programmation annoncée. Le Jean-Baptiste Clamence d’Albert Camus a été on ne peut plus mis en valeur par la diction combien magistrale de la comédienne, dont la féminité n’a rien enlevé à la qualité d’orateur et de charmeur du personnage du roman.
«Pour moi, il n’y a pas de distinction entre les deux sexes. Quand on campe un personnage, c’est plus universel et humain. C’est vrai que j’éprouve un peu plus de plaisir quand je parle, dans le rôle de Jean-Baptiste Clamence, de femmes. Mais, en général, un comédien donne vie à un personnage, quel qu’il soit, pourvu qu’il puisse convaincre le spectateur», souligne la comédienne Sophia Hadi. Sur une mise en scène bien dosée de Nabyl Lahlou, le roman de Camus s’est transformé en une belle «Chute» théâtrale qui inaugure la nouvelle Saison culturelle France-Maroc.
Un choix qui ne peut qu’ouvrir une grande parenthèse à propos des immortels textes dont la flamme de séduction ne s’éteint jamais. Et ce, grâce à des artistes comme Nabyl Lahlou et Sophia Hadi qui continuent à fouiner dans les annales de la littérature, des vrais personnages et des vraies sensations. Ce n’est pas donné à tout le monde. Mais, Dieu merci, nous avons encore des intellectuels qui cherchent toujours à remettre en question tout ce que nous abreuvons en art et en culture. Cette expérience avec le chef d’œuvre d’Albert Camus est une preuve de la magie que dégage ce genre de textes qui n’ont pas pris de rides malgré les années. C’est le cas de «La Chute» qui, à travers l’époustouflante Sophia, a pu retenir le souffle des spectateurs durant 2 h 25 dans sa première présentation au Théâtre national Mohammed V.
«Avec la belle scénographie de Nabyl Lahlou, nous avons commencé au début avec 2 h 25 en compagnie du public de Rabat qui est resté concentré pendant tout ce temps-là. Mais, pour pouvoir attirer aussi les jeunes, nous avons décidé de réduire le temps à 1 h 30 pour pouvoir capter un large public. Mais je pense que tous ceux qui aiment Camus n’hésiteront pas à se déplacer pour apprécier son texte écrit dans une belle langue qui me procure, moi-même, beaucoup de plaisir à l’interpréter», renchérit Sophia.
Selon le critique Marie Redonnet, «la diction de Sophia parfaitement maitrisée, restitue chaque phrase, chaque mot du texte qui s’incarne et vit à travers elle (…) Joué par une femme, un masque supplémentaire, Jean-Baptiste Clamence, n’en est que plus troublant, plus ambigu (…) Par son jeu nuancé et sensible, Sophia Hadi exprime la complexité du personnage. Elle en incarne la perturbante et émouvante humanité et nous renvoie à cette part d’ombre et d’imposture que nous portons en nous». On ne peut que tirer son chapeau à cette artiste pour le plaisir qu’elle nous offre à chacune de ses apparitions.