Boulevard Mohammed V, un site qui évoque tout le génie architectural qui fait la fusion entre le style art déco et l'art arabo-mauresque. Sur plus de deux kilomètres, cette artère commerçante rassemble les plus beaux immeubles de la ville. La rencontre de motifs des arts décoratifs marocains et de configurations art déco a produit des décors de façades originaux où les éléments d'ornement viennent agrémenter les façades blanches et nues, caractéristiques de l'époque. Les touristes et les passants peu pressés ne peuvent qu’admirer le nombre impressionnant de bijoux art déco qui tiennent encore debout sur ce boulevard icône de la capitale économique. Installées depuis plus de 70 ans, ces bâtisses racontent inlassablement l'histoire d'une ville, d'une époque. Depuis le lancement du Tramway Casablanca, une grande partie de ces bâtiments, classés comme patrimoine de la ville, sortent petit à petit de l'oubli.
«Beaucoup d’immeubles ont été réhabilités en respectant leur cachet architectural. D’autres sont en cours de renouvellement et d’élévation selon un cahier des charges qui devrait prend en considération les anciennes façades», explique Wafaa, une jeune guide dans le cadre des Journées du patrimoine 2015. Suivie par un groupe de touristes et quelques Marocains fans des joyaux architecturaux, Wafaa raconte avec fierté l’histoire d’un boulevard qui l’inspire et les détails de ses immeubles phares. L’architecte Marius Boyer est très présent dans cette visite. «Casablanca est un véritable laboratoire architectural à ciel ouvert, souligne notre guide. Nous allons voir comment les architectes ont su exploiter la carte blanche qui leur a été donnée pour donner libre court à leur génie notamment Marius Boyer qui change de style à chaque création architecturale». Selon la guide de Casamémoire, l’architecte français change souvent de registre et d’inspirations. Dans l’immeuble Assayag, il représente le parfait exemple de la modernité en architecture.
L’architecte y a introduit tous les services modernes : vide-ordures, garage au sous-sol, chauffage central, ascenseurs… Cet immeuble est l’un des seuls bénéficiaires des réflexions de l’architecte Marius Boyer sur le gratte-ciel de type new-yorkais, pensé pour le nouveau quartier du Port à la fin des années 1920, et qui ne verra pas le jour. Les tours de dix étages sont en 1930, les plus élevées de Casablanca. Mais leur originalité est ailleurs. Marius Boyer a, en effet, l’audace de convoquer deux types d’architectures emblématiques : celui de l’immeuble à gradins et celui de la tour cruciforme. Cette opération, composée de trois tours et de trois petits bâtiments, avec retraits, terrasses et loggias, voit le jour dans les conditions nettement plus favorables qu’en Europe. Marius Boyer a aussi marqué de son empreinte l’immeuble Maroc Soir en 1924, mais cette fois avec des éléments néo-mauresques des années vingt : panneaux abondamment sculptés de part et d’autre de baies en plein cintre, surmontées d’auvents recouverts de tuiles vertes, zelliges et lambris à l’intérieur. On ne peut pas visiter le boulevard Mohammed V sans s’arrêter sur l’un des plus beaux bâtiments construits par Marius Boyer avec l’architecte Jean Balois entre 1922 et 1927. L’immeuble El Glaoui dont le commanditaire n’est autre que le célèbre Glaoui, Pacha de Marrakech, est l’un des plus spectaculaires de cette artère.
Outre les créations Marius Boyer, l’immeuble de la Compagnie transatlantique conçu par l’architecte Edmond Gourdain en 1929 témoigne d’une décoration moderne qui évoque avec mesure l’art marocain : des festons de tuiles vertes, des teintes ocrées dans le goût du pays… Selon la guide, cet immeuble figure parmi les bâtiments construits pour encourager les investisseurs et cadres à s’installer à Casablanca en leur offrant un maximum de confort. Le fameux Marché central est également un grand témoin des efforts fournis pour attirer les investisseurs. Construit par Pierre Bousquet en 1917, le Marché central se situe à l’emplacement de l’Exposition franco-marocaine de 1915, voulue par Lyautey pour promouvoir le Maroc. Le génie et la splendeur du boulevard Mohammed V sont tout simplement sans égal. La visite programmée dans le cadre des Journées du patrimoine permet de rêver la mémoire de 18 bâtiments au total, mais le circuit tracé entre le Marché central et l’immeuble El Glaoui offre l’occasion de respirer l’histoire de plusieurs années de création, d’une époque où le beau, le moderne et le pratique s’alliaient à merveille.