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Comment analyser la nouvelle politique internationale des États-Unis

Bouchra Rahmouni Benhida
Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages?: «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée?», Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

Comment analyser la nouvelle politique internationale des États-Unis

C’est un nouveau tournant que prend la politique internationale américaine. Des alliances inattendues avec Cuba ou encore avec l’Iran, des positions plus volontaristes en Afrique avec la nouvelle alliance contre Boko Haram… L’Amérique semble opérer un grand écart par rapport à ses positions historiques. Mais quelle analyse faut-il en avoir ?

La signature, il y à peine une semaine, de l’accord sur le nucléaire iranien est un évènement assez exceptionnel pour être signalé. Cela fait en effet plus de 10 ans qu’une fin positive dans ce dossier est négociée et il s’agit du premier accord multilatéral de cette ampleur qui ait trouvé une issue positive sans guerre.

Des alliances inattendues

Mais le fait non moins exceptionnel, et certainement historique, est sans doute le rapprochement entre les États-Unis et l’Iran. Pour les deux pays, qui ont connu des relations tumultueuses depuis 1979 (renversement du shah, crise des otages, destruction en vol de l’avion Iran Air 655), la normalisation des relations est plus qu’importante et représente certainement un tournant sur la scène politique internationale. Elle signe en effet un retour en force de l’Iran et la confirme comme une force internationale non négligeable. Mais qu’est ce que cela signifie du côté américain ? Il est bien évident que la vision américaine de l’Iran n’a pas fondamentalement changé, mais qu’elle a plutôt évolué au gré de la conjoncture. L’Iran représente, en effet, un partenaire majeur dans le conflit irakien pour les États-Unis et son soutien est tout aussi indispensable en Syrie. L’accord doit donc être plutôt analysé sous ce prisme : à court terme, l’alliance paraît indispensable face à l’EI qui est l’ennemi commun, mais à long terme, la question demeure sur les relations que les deux pays pourront réellement entretenir d’autant plus qu’ils ne partagent pas les mêmes valeurs.

Le cas cubain se pose différemment. Car dans ce pays, qui est également en passe de normaliser ses relations avec les États-Unis après un embargo de plus de 53 ans (il a été mis en place en 1962), il y a surtout des enjeux économiques. La proximité d’un marché assez peu structuré, où les États-Unis exportent déjà près de 2.5 milliards de dollars de produits agricoles, est en effet une aubaine que ne sauraient contrebalancer les menaces politiques presqu’inexistantes. Cuba n’est en effet plus la flamboyante anti-américaine de Fidel et, la pauvreté aidant, aspire plus au développement qu’à la lutte communiste. C’est donc désormais en terrain neutre que les États-Unis iront conquérir leurs marchés économiques et le succès leur semble d’ores et déjà promis. Mais ne risquent-ils pas de s’éloigner de leurs alliés historiques. Certes, les États-Unis se rapprochent de leurs ennemis historiques, mais il ne faut pas perdre de vue leurs alliés. Et dans cette nouvelle configuration, on peut se demander quel rôle ces derniers pourront jouer.

Quelles seront les nouvelles relations avec les Occidentaux ?

Sur le front cubain, il semble que l’Europe ait emboîté le pas aux États-Unis. Depuis le 4 mars 2015, l’Union européenne a en effet repris ces négociations avec Cuba en vue d’une normalisation des relations comme l’ont fait les États-Unis depuis décembre dernier. Les Européens semblent donc bien décidés à ne pas laisser passer les opportunités économiques offertes par l’Île de Castro tout comme ils comptent travailler plus étroitement avec l’Iran.
La conclusion de l’accord sur le nucléaire préfigure en effet un approfondissement des relations entre les deux blocs. L’Union européenne, qui ne dispose pas encore de représentation en Iran, envisage en effet de renforcer ses relations avec les ambassades européennes sur place et se dit très attentive à la question des droits de l’homme dans le pays. Les partenaires qui risquent d’être le plus froissés, en particulier par la normalisation des relations avec l’Iran, sont Israël et l’Arabie saoudite. Le premier ministre israélien n’a d’ailleurs pas caché son désaccord, car son pays considère l’Iran comme un grand adversaire au même titre que l’Arabie saoudite. Il est donc à craindre que ces deux pays modifient leurs relations avec les États-Unis.
Malgré la chute du mur, un certain antagonisme subsistait entre les défenseurs du communisme et ceux du capitalisme.

Vers un monde sans blocs ?

Plus feutré bien sûr, mais tout de même présent avec notamment les oppositions régulières de la Chine et de l’URSS à certaines décisions occidentales, des alliances entre la Russie et l’Iran sur certains sujets ou encore les discours virulents de dirigeants comme Feu Hugo Chavez contre les États-Unis. Désormais, avec la normalisation des relations entre les États-Unis et l’Iran, l’antagonisme entre le communisme et le capitalisme ne semble plus d’actualité. Les questions du développement et celle du terrorisme, qui est devenu l’ennemi commun, semblent être passées par là. Et désormais, les blocs seront plutôt définis ainsi. 


les relations américano-cubaine

C'est avec la révolution cubaine de 1959 que les relations entre les états-Unis et Cuba se détériorent. Avant cette période, les états-Unis occupaient presque Cuba grâce à l'amendement Platt, qui leur a permis d'intervenir dans les affaires internes du pays, d'y établir des bases et d'investir dans la production du sucre et du tabac entre 1902 et 1958. Les choses se gâtent avec l'arrivée de Castro au pouvoir et l'expropriation des compagnies américaines. Ces derniers instaurent l'embargo le 7 février 1962 et inaugurent une périodes de tensions diplomatiques majeures telles que le célèbre débarquement de la baie des cochons.

Guantanamo et la démocratie

L'ouverture historique de l'ambassade des états-Unis à Cuba a donné l'occasion au monde de constater que la normalisation des relations entre les deux pays mettra encore du temps. Les griefs sont en effet encore nombreux avec au premier rang desquels la question de Guantanamo et celle de la démocratie. Les cubains réclament que Guantanamo leur soit rendu, chose que les Américains refusent d'envisager pour le moment. Quant aux anti-castristes installés aus états-Unis, ils demandent une suspension des relations avec le régime de Castro. Marco Rubio, le sénateur de Floride d'origine cubaine, s'est même dit prêt à remettre les accords en cause tant qu'il n'y aurait pas de véritable ouverture démocratique à Cuba.

les inquiétudes respectives des gouvernements iranien et américain

Il existe des obstacles sérieux à l'amélioration des relations entre les deux pays. Le gouvernement américain définit cinq points de politique iranienne qu'il considère inacceptables :
-les supposés efforts iraniens d'acquérir des armes nucléaires et d'autres armes de destruction massive;
-la participation supposée de l'Iran au terrorisme international ;
-le soutien supposé à une opposition violente au processus de paix au Proche-Orient;
-Les menaces et activités subversives supposées contre ses voisins· 
-le non-respect des droits de l'homme
Les obstacles vus par les Iraniens sont les suivants :
-L'opération Ajax qui a écarté du pouvoir le Premier ministre démocratiquement élu Mohammad Mossadegh et restauré le Shah qui était parti en exil;
-Les avoirs iraniens gelés qui n'ont pas été mis à disposition depuis 1979;
-Le soutien américain à des organisations terroristes anti-iraniennes (OMPI par ex.);
-L'assistance des compagnies américaines dans le développement des installations de production d'armes chimiques pendant la Guerre Iran-Irak;·        
-La destruction en vol de l'avion d’Iran Air (vol 655) par le USS Vincennes ayant causé la mort de nombreux civils;·        
-Les survols illégaux de drones dans l'espace aérien iranien depuis 2003;
-Le non-respect des droits de l'homme.

Relations états-Unis/Iran

Les états-Unis et la Grande Bretagne ont lancé l'Opération AJAX, ont aidé à organiser les manifestations afin de renverser Mossadegh et ont aidé à faire revenir le Shah en Iran. Après son retour d'un bref exil, le Shah a défait les limitations constitutionnelles liées à sa position et a commencé à régner en monarque absolu, étouffant ainsi les débuts de démocratie dans le pays. Pendant son règne, le Shah a reçu un soutien américain significatif, faisant fréquemment des visites officielles à la Maison-Blanche et gagnant les faveurs de nombreux présidents américains. Les liens proches du Shah avec Washington et son agenda pour occidentaliser l'Iran rapidement ont vite rendu furieuses certaines franges de la population iranienne, et particulièrement les conservateurs islamiques. Les conflits sociaux ont augmenté, avec des actes de violence et l'assassinat de figures de la Savak, la police politique. Lors de la Révolution iranienne de 1979, le Shah perd le pouvoir une seconde fois. L'Ayatollah Khomeini devient le nouveau chef du pouvoir en Iran et peu de temps après s'amorce une violente rhétorique contre les États-Unis décrivant ce pays comme le Grand Satan et également comme une nation d'infidèles.

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