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Les droits de l’Homme au cœur de la stratégie RH

La responsabilité sociale des entreprises (RSE), perçue initialement comme une démarche volontariste, prend de nouvelles dimensions avec le développement des normes internationales et l'intégration des droits de l’Homme. Dans un contexte de mondialisation, l’entreprise est de plus en plus exposée au regard de ses parties prenantes, en particulier par rapport à sa stratégie sociale.

Les droits de l’Homme au cœur de la stratégie RH

L’entreprise est aujourd’hui appelée, plus que jamais, à intégrer dans sa stratégie globale, des considérations d’ordre social et environnemental, mais aussi être capable de rendre des comptes de ses activités et des impacts de ses décisions plus particulièrement en ce qui concerne le respect des conditions de travail, le développement des communautés locales et surtout son devoir de vigilance en matière de respect des droits de l’Homme dans sa chaine d’approvisionnement.

Des codes de conduite, des normes et des labels ont vu le jour à l’international pour accompagner les entreprises désireuses de satisfaire au mieux les attentes de leur environnement interne et externe. Sur le plan national, les initiatives dans ce sens sont multiples et traduisent un engouement pour la promotion des stratégies sociales dans l’entreprise.

C’est pour débattre de la situation de la responsabilité sociale de l'entreprise et l’importance du respect des droits de l’Homme dans l’entreprise que l’Association nationale des gestionnaires et formateurs des ressources humaines (AGEF) et la Fondation Konrad Adenauer, ont organisé récemment, en partenariat avec le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), une soirée-débat sur le thème «La RSE et les droits de l’Homme, quel rôle pour le DRH».

Intervenant à l’occasion, Driss El Yazami, président du CNDH a tenu a rappeler le contexte actuel de la mondialisation et le pouvoir d’influence des parties prenantes internes et externes des entreprises qui confèrent un poids de plus en plus grandissant aux questions sociales, environnementales, éthiques et de droits de l’Homme.

«Pour répondre à ces exigences, l’entreprise a été amenée à développer un nouveau mode de management responsable qui met l’intérêt des collaborateurs internes et de l’environnement externe au cœur de ses préoccupations», précise-t-il.

La prospérité même de l’entreprise dépend de l’évolution et du bien-être de ses collaborateurs, non seulement internes, mais aussi ceux de toute sa chaine d’approvisionnement, constate M. El Yazami.
L’entreprise est appelée à développer de nouveaux modèles de gestion des ressources humaines pour pouvoir relevés les défis liés à la compétitivité, à la conformité sociale de l’entreprise, à la responsabilité de l’entreprise et à son engagement en tant qu’acteur actif dans le domaine des droits de l’Homme.
L’autre point abordé par les professionnels est celui relatif au rôle du DRH dans l’implémentation d’une démarche RSE/RSO et la promotion des droits de l’Homme dans l’entreprise. Les intervenants ont été tous unanimes pour dire que le DRH est au cœur de ce processus, il porte la stratégie RSE de l’entreprise et veille au respect des droits de l’Homme.

La table ronde a réuni des spécialistes de la question, notamment Abdellah Chenguiti président de l’AGEF, Driss El Yazami, président du CNDH, Amine Oulahyane, Expert en RSE, GRI Certified Training Course et DRH Atlas Copco Maroc, Kamal Fahmi, président du Club des Entreprises Labellisées RSE de la CGEM, directeur développement RH à Managem et Anouar Alaoui Ismaili, directeur régional de l’ANAPEC, Vice-président de l’AGEF. 


Questions à Driss El Yazami, président du Conseil national des droits de l’Homme

«Mettre en place des mécanismes pour identifier les incidences des activités des entreprises sur les droits de l’Homme»

Éco-Emploi : Quelle est l’action du CNDH pour la promotion des droits de l’Homme en entreprise ?
Driss El Yazami : Notre conseil a toujours porté un intérêt justifié et légitime à la question de la protection et de la promotion des droits de l’Homme en entreprise. Dans ce cadre, et dans la suite du séminaire international sur la RSE, organisé à Rabat en 2008, l’adoption de la Déclaration d’Édimbourg et des principes directeurs en 2011, le CNDH a lancé en 2012 un dialogue multipartite, avec la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) sur les droits de l’Homme en entreprise, sous forme de 13 rencontres organisées, durant trois mois, avec toutes les parties prenantes publiques et privées et de la société civile. Ce dialogue a abouti à la tenue, en février 2013, d’un séminaire sur le thème «Droits de l’Homme et entreprises au Maroc» qui a réuni 200 participants représentant le gouvernement, l’entreprise, la société civile, les syndicats et des institutions de gouvernance.
D’autres actions ont suivi dont :
• La présentation, en novembre 2013, d’un avis à la Chambre des représentants sur le projet de loi relatif aux travailleurs de maison.
• L’appui, en mars 2013, de la requête de l’Union marocaine du travail (UMT) concernant la promulgation de l’article 288 du Code pénal sur le droit de grève.
• L’établissement, en 2013, de partenariats avec l’Association des gestionnaires et des formateurs (AGEF), avec l’Institut marocain de l’audit social (IMAS) et avec la Royal Air Maroc en avril 2013 et l’organisation des ateliers de sensibilisation sur les droits de l’Homme en entreprises… Par ailleurs, trois études, en cours de publication, ont été réalisées, portant sur l’accessibilité et l’employabilité des personnes en situation de handicap et l’harmonisation des lois et politiques du Maroc avec les normes du droit fondamental du travail, et une enquête sur les «Droits humains et travail des femmes ouvrières dans les exploitations
agricoles au Maroc».

Quel rôle pour les DRH ?
Le responsable des ressources humaines a vu son rôle évoluer d’une approche traditionnelle où il gérait les affaires du personnel à un partenaire stratégique dans l’entreprise. Au-delà de la supervision de l’action RH, il s’est vu octroyer le rôle de responsable de la relation de l’entreprise avec ses parties prenantes. Plusieurs DRH sont également des directeurs RSE.
Pour accomplir ses rôles, le responsable RH doit faire face à de nouveaux défis liés aux questions du respect des droits fondamentaux du travail :
1. La lutte contre les discriminations faites aux femmes dans le milieu du travail.
2. La lutte contre le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement.
3. La prévention des discriminations.
Ces défis peuvent être résumés en un seul. Celui de la mise en œuvre de la responsabilité des entreprises en matière de droits de l’Homme. Il s’agit de mettre en place des mécanismes permettant d’identifier des incidences des activités des entreprises sur les droits de l’Homme, selon le principe de la diligence raisonnable. C’est une démarche de management de risque d’impact positif ou négatif sur les droits des collaborateurs internes et externes de l’entreprise, qui consiste à identifier et évaluer le risque, proposer des actions pour le supprimer ou le minimiser, suivre sa mise en œuvre et communiquer sur les résultats. 


Entretien avec Amine Oulahyane, expert en responsabilité sociétale, GRI Certified Training Course et DRH Atlas Copco Maroc

«La RSE est l’outil par excellence de la promotion des droits de l’Homme pour l'entreprise»

Éco-Emploi : Quelle lecture faites-vous de la situation de la RSE dans les entreprises marocaines ?
Amine Oulahyane : Le Maroc a connu une évolution progressive par rapport à l’introduction de la responsabilité sociale en tant que concept formalisé vers des approches normalisées. Une première analyse sommaire du développement de la RSE au Maroc ferait ressortir certaines initiatives principales : une volonté royale, un cadre constitutionnel, un cadre institutionnel, des normes, labels et référentiels. En effet, la volonté royale était traduite dans le discours de Sa Majesté, du 1er décembre 2005, à l’occasion de la troisième édition des Intégrales de l’investissement et qui a mis l’accent sur l’importance de la responsabilité sociale et du développement humain dans la création d’un partenariat avancé avec les investisseurs socialement responsables. «C’est dans cet esprit que Nous suivons, avec le plus haut intérêt, l’émergence d’un mouvement d’investissements et de placements financiers couplant les objectifs légitimes de rentabilité et de profits à des critères, non moins légitimes et universels, de responsabilité sociale et de développement humain et durable. Le Maroc, par sa législation et ses choix politiques et sociétaux, peut et veut être pour les investisseurs socialement responsables, un partenaire et une destination assumant pleinement les standards sociaux, environnementaux et de bonne gouvernance les plus avancés» Aussi, la Constitution dans son article 154 met l’accent sur la transparence et la redevabilité en tant que principes fondamentaux de RSE. Pour le cadre institutionnel, on note que la charte du Conseil économique et sociale regroupe 39 principes, 92 objectifs opérationnels et 250 indicateurs structurés en 6 parties compatibles avec l’esprit de la responsabilité
sociétale.
• Les Labels :
- Le label de la CGEM, reconnu aujourd’hui comme une des premières initiatives nationales pour le développement de la RSE, est organisé au tour de neuf axes notamment les droits de l’Homme, les conditions de travail et relations professionnelles, la responsabilité sociale des fournisseurs et sous-traitants et le développement de l’engagement sociétal.
- Le label de la fibre citoyenne de l'Association marocaine des industries du textile et de l'habillement (AMITH) représente une initiative sectorielle pour valoriser les efforts accomplis dans le volet social et sociétal. Plus de 50 entreprises ont été labellisées en vue d’être en lignes avec les principales exigences sociétales des donneurs d’ordres internationaux, notamment celles en relation avec le travail des enfants, la discrimination, la santé et sécurité…
• Les normes :
- La norme marocaine NM 00.5.601, mise en œuvre en 2009, vise à encourager les entreprises marocaines à se conformer aux exigences sociales à caractère légal. L’initiative s’est conclue par l’adhésion de seulement 3 sociétés marocaines. Elle comporte des principes en relation avec le respect des droits de l’Homme et des travailleurs.
-  La Social Accountability (SA8000), lancée en 1997, est accordée pour une période de trois ans avec des audits de suivi chaque six mois. Au Maroc, une seule société en aurait bénéficié à cette date.
- La RSO-ISO 26000 : le Maroc a bénéficié d’un programme international lancé dans la région MENA par ISO, financé par l’agence S.I.D.A. (The Swedish International Development Cooperation Agency) en coordination avec le ministère de l’Industrie et son institut de normalisation Imanor (Institut marocain de normalisation). Le programme ISO Mena avait pour objectif de promouvoir la RSE dans les pays émergents. Des experts marocains ont été formés pour accompagner les entreprises pilotes sélectionnées pour faire partie du programme. En totalité, 15 entreprises ont été accompagnées pour l’implémentation de la norme ISO26000 dans le cadre de ce projet. Cette norme certifiable est basée sur 7 questions centrales couvrant 36 domaines d'actions axées sur les droits de l'Homme,
Pour le Référentiel, on cite celui de GRI Global Reporting Initiative : lancé en 1997, c'est un cadre référentiel pour le reporting sociétal et développement durable. Dans sa version 4, la matrice de pertinence représente un outil très fort pour identifier les aspects pertinent pour l’entreprise mais aussi pour leurs partie prenantes. En 2013, trois entreprises marocaines ont été classifiés «Non-GRI» contre une «GRI-Refrenced». En 2014 uniquement deux entreprises dont une «Non-GRI» et l’autre «GRI-Refrenced». en 2015, aucune entreprise Marocaine n’a été identifiée encore identifiée dans la base de sdonnées GRI.

Comment faire de la RSE un outil d’intégration des principes des droits de l’Homme dans l’entreprise ?
La RSE est de fait l’outil par excellence de la promotion des droits de l’Homme pour toute organisation qui s’engage dans le respect des droits de l’Homme d'une façon structurée. L’analyse de toutes les initiatives RSE précédemment présentées fait ressortir les droits de l’Homme comme étant un socle indéniable des normes, labels et référentiel RSE. Les sujets liés aux droits de l’Homme représentent la majorité absolue des principes, aspects et exigences des différentes initiatives RSE. En chiffres, les droits de l’Homme constituent entre 50 et 90% des sujets couverts par la RSE.
En pratique, toute entreprise qui se veut socialement responsable et qui s’engage de fait dans une approche de promotion des droits de l’Homme peut emprunter différentes méthodes pour y parvenir. Les outils sont nombreux, les approches sont multiples, mais le cœur reste le même.
• Les pré-requis et sans être exhaustif sont indéniablement les principes de transparence, de redevabilité, d'équité et de respect des droits de l’Homme
• L’identification des parties prenantes en interne et en externe en prenant en considération la chaine de valeur
et la chaine d’approvisionnement.
• L’identification de sa responsabilité sociétale en se basant sur la pertinence des questions RSE et leur importance. Une matrice de priorisation donnerait une idée sur les aspects les plus importants pour l’entreprise, mais où elle n’est pas performante.
• La matrice de matérialité de GRI est un bon outil pour combiner les aspects pertinents et pour l’entreprise, mais aussi ses parties prenantes.
Par expérience et par la force des choses, les aspects liés aux droits de l’Homme tel que : le travail des enfants, l’équité genre, la santé et sécurité au travail, les heures de travail, la liberté syndicale… constituent les éléments les plus importants dans un plan d’action RSE.

Quel est le rôle du DRH dans ce processus ?
La bonne gouvernance a été reconnue comme le cœur de la responsabilité sociétale surtout sous la norme ISO2600. Il s’agit de la façon par laquelle une entreprise prend ses décisions en vue de contrôler et limiter leurs impacts. Les modèles d’aide à la décision distinguent entre le décideur qui prend la décision finale, l’Homme d’étude qui présentent les éléments d’aide à la décision et enfin les agis qui subissent les impacts des décisions prises.
Dans une approche RSE, les agis deviennent partie prenante dans le processus de prise de décision, soit via des réunions de dialogue, soit par des procurations de pouvoir qui séparent les responsabilités et qui garantissent le maximum d’objectivité.
Le DRH représente l’Homme d’étude par excellence. Il est souvent qualifié «d’influenceur» beaucoup plus que décideur. Le parcours des normes, référentiels et labels démontre que les activités dans la majorité des sujets traités sont directement liées aux ressources humaines y compris les droits de l’Homme.
Le DRH est l’interlocuteur numéro un pour les sujets les plus critiques concernant les droits de l’Homme, à savoir, les relations avec les partenaires sociaux, la discrimination sous sa forme genre, race ou appartenance, le travail des enfants, la couverture sociale… Dans certaines sociétés, la fonction de responsable des parties prenantes a commencé à voir le jour et constitue souvent une extension du champ de travail du DRH. 


Déclaration de Abdellah Chenguiti, DRH Sews Cabind Maroc et président de l’AGEF

«L’organisation du débat de l’AGEF sur les droits de l’Homme dans l’entreprise s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention de partenariat qui unit l’association et le CNDH qui s’engagent à œuvrer pour la promotion et la sensibilisation sur les thématiques des droits de l’Homme en entreprise. Le respect des droits de l’Homme répond à une triple exigence : la première est d’ordre économique et découle des règles dictées par les donneurs d’ordres. La deuxième, à caractère juridique, est liée à la réglementation internationale et la législation nationale. La troisième relève de l’éthique, en ce sens que le respect des droits fondamentaux des travailleurs est un principe de bonne conduite d’entreprise. Une étude récente sur la pratique de la RSE dans la PME marocaine a montré que 63% des dirigeants interrogés déclarent “connaître la RSE”, et la perçoivent comme “un atout”, cependant, 77% ne connaissent pas le référentiel qui permet de mettre en place une démarche RSE, 63% estiment ne pas avoir les moyens financiers pour la mettre en place, et 55% disent ne pas en avoir le temps ! Nulle GRH sans respect des droits fondamentaux
de l’Homme au travail. Le temps où l’on pouvait dire “Human rights is not the business of business” (les Droits de l’Homme ne sont pas l’affaire des hommes d’affaires) est révolu. Aujourd’hui, syndicats, associations et médias dénoncent les violations des droits de l’Homme au travail. Il est clair qu’on ne peut parler de GRH sans respect des droits fondamentaux de l’Homme. De même, c’est un formidable levier de motivation. À mon sens, le respect des Droits fondamentaux est un véritable cercle vertueux : plus l’entreprise respecte les droits de ses salariés et adopte envers eux un comportement responsable, plus ils sont engagés et font confiance à l’entreprise d’où une amélioration des performances et une meilleure position dans les marchés exigeants sur la dimension sociale. Ce succès amène bien entendu l’entreprise à œuvrer davantage pour le respect des droits de ses salariés : la boucle est ainsi bouclée».

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