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La magie du luth sublimée par le Trio Joubran

Qui a dit qu'on ne pouvait pas assurer un spectacle avec le luth comme seul instrument musical ? Qui a dit que la musique instrumentale n'attirait pas le grand public ? Toutes ces idées sont balayées d'un revers de la main par le Trio Joubran, digne héritier du maître luthiste palestinien Hatem Joubran. Leur dernier spectacle à Mawazine en était une illustration sublime.

La magie du luth sublimée par le Trio Joubran

Ils ont reçu le prix Ziryab de la virtuosité à Tétouan il y a quelques jours, et le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils le méritent amplement. Le Trio Joubran a envoûté le public du Théâtre Mohammed V dimanche dernier à Rabat, à l'occasion de la 15e édition du Festival Mawazine rythmes du monde. Le luth était la star du spectacle et pendant près d'une heure et demie, les trois frères palestiniens originaires de Nazareth, accompagnés du percussionniste Youssef Hbeisch, se sont surpassés, pour cette soirée qui a marqué la fin d'une longue tournée mondiale. Musique, poèmes, mise en scène, lumière, atmosphère... tous les ingrédients étaient réunis pour faire de ce spectacle un moment magique où l'aura du Trio a brillé pour le plus grand bonheur du public.

L'osmose entre ces artistes authentiques et le public s'est aussi manifestée par les narrations de Samir Joubran, qui prenait le micro de temps en temps pour s'adresser aux festivaliers et même chanter. L'aîné des trois frères a interprété un des chefs-d’œuvre du grand compositeur Mohamed Abdelouahab, «Kolida kan lih», en mémoire à Mahmoud Darwich. Le défunt poète palestinien était aussi présent dans la prestation du Trio par sa voix ! Le magnifique jeu musical des artistes, qui se défiaient sur scène avec leurs luths, était en effet ponctué de poèmes de feu Mahmoud Darwich.

À la fin du spectacle, ovationné par le public venu en masse pour les admirer, le Trio Joubran est revenu sur scène pour interpréter un morceau musical à six mains en hommage au grand luthiste marocain, feu Saïd Chraïbi. «Nous jouons ce morceau à la mémoire de Saïd Chraïbi que malheureusement nous n'avons pas eu l'occasion de rencontrer, mais pour lequel nous avons une grande admiration», a déclaré Samir Joubran, avant de jouer avec ses frères sur un seul et même luth. Aussi, et à la demande d'un enfant âgé de cinq ans, les trois frères artistes ont repris place sur la scène pour jouer et chanter un des classiques de feu Abdelhalim Hafed: «Ahouak», applaudis d'un public en transe.

Le Trio Joubran est le premier groupe musical composé de trois luthistes. «Nous sommes nés dans une famille obsédée par l'oud. Nous n'avions donc d'autres choix que d'en jouer. Lorsque j'ai commencé ma carrière de luthiste, je me suis fixé comme objectif de me détacher du pouvoir du chanteur. J'ai donc sorti deux albums solos avant d'être rejoint par Wissam, et par la suite Adnan. Et c'est comme ça que le Trio Joubran a vu le jour en 2004», a expliqué Samir aux journalistes avant le spectacle. Exprimant leur joie d'être à nouveau au Maroc et se disant fiers de représenter la Palestine au Festival Mawazine, le Trio est revenu longuement sur sa relation avec Mahmoud Darwich. «On est fier d'avoir accompagné notre cher Mahmoud Darwich pendant plus de 13 ans. Une expérience qui nous a permis de mieux comprendre qui nous étions en tant que Palestiniens. Darwich nous a appris comment être des artistes originaires de Palestine sans surfer sur la vague de la victimisation, ni celle de l'héroïsme».

À la question de savoir si le public s'intéressait au genre musical interprété par le Trio, Samir a répliqué que le problème ne résidait pas dans le public. «Le problème réside dans l'industrie de l'art. C'est elle qui s'intéresse plus au style chanté qu'à l'instrumentaliste. La preuve est que là où nous nous produisons, le public vient toujours en masse. Nous ne jouons pas pour une élite ou une catégorie sociale et culturelle particulière, les gens qui viennent nous admirer sont de tous les âges et de tous les horizons».


Questions à Samir Joubran, luthiste palestinien

«J'appelle les artistes du Moyen-Orient à apprendre davantage sur la culture marocaine»

Que représente pour vous le prix Ziryab de la virtuosité ?
Un hommage rendu à un artiste oriental par le Maroc est une distinction très symbolique. Ce prix est un honneur pour nous et un témoignage d'amour dont nous sommes fiers. J'espère qu'on sera toujours à la hauteur de vos espérances.

Quelle est la particularité de votre public marocain ?
Là où nous nous produisons, nous sentons que le public découvre un nouveau genre culturel musical. La particularité de chaque public se manifeste par ses réactions. Ce qui est typique chez le public marocain, c'est quand il se lève au milieu du spectacle pour chanter le fameux «Sla w slam...». Dans ces moments-là, je sens que la symbiose s'est installée entre le public et notre groupe. J'ai le sentiment d'avoir donné «quelque chose» et qu'il me l'a rendu.

Quel message souhaitez-vous adresser au public ?
Puisque nous sommes au Maroc, j'ai plutôt un message important à adresser aux artistes de l'Orient. Je dois avouer que vous êtes au Maroc beaucoup plus ouverts et plus intéressés par la culture orientale que nous le sommes pour votre culture. Donc j'appelle les artistes du Moyen-Orient à apprendre davantage sur la culture marocaine et à créer plus de ponts entre l'Orient et le Maroc, parce que c'est de cela que dépend l'avenir des générations à venir.

Quand sortira votre prochain album ?
Nous avons commencé à travailler sur le nouvel album. Ce que je peux dire c'est qu'il sera prêt pour le début de l'année prochaine. Jusqu'à présent, nous n'avons pas encore de grande visibilité sur sa spécificité.

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