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Samedi 11 Mai 2024
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Feu Aziz Abou Ali ressuscité à travers ses œuvres immortelles

Le Musée de Bank Al-Maghrib accueillera, pendant plus de deux mois, les œuvres de l'artiste-peintre et graveur feu Aziz Abou Ali. Une première à laquelle le public de Rabat aura tout le loisir de prendre part, parce qu'elle met en relief l'important legs peint et gravé de cet artiste hors pair, et ce à travers des compositions de formes à la fois néofiguratives et abstraites. Le vernissage aura lieu ce jeudi.

Feu Aziz Abou Ali ressuscité à travers ses œuvres immortelles

C'est toute la mémoire d'un homme, profondément marqué par la mélancolie et la souffrance, qui reprend vie dans cette exposition «Entre art et mélancolie», que l'éditeur, collectionneur et galeriste Rachid Chraïbi s'est donné beaucoup de peine à mettre sur pied. Car il lui a fallu un travail colossal afin de rassembler les œuvres du regretté Abou Ali, éparpillées dans différents pays, notamment en Espagne où il résidait. «Aziz Abou Ali était un immense peintre. Du fin fond de son irrémédiable solitude, il nous faisait parvenir généreusement cette part de lui-même, son art, à nul autre pareil. C’eût été une perte considérablement affligeante de voir ses œuvres disparaître un jour. Aussi, me suis-je fait le devoir de les chercher en Espagne et ailleurs et de les rapatrier», souligne Rachid Chraïbi, commissaire de l'exposition.

Une initiative vraiment louable qui donnera lieu à la contemplation et à l’admiration d’œuvres uniques d'un artiste exceptionnel. «Il nous appartient alors de pousser plus loin notre recherche, pour une appréhension plus complète et plus percutante de l’œuvre de l’artiste disparu et de son parcours», renchérit Rachid Chraïbi qui n'a pas manqué d'ajouter que plusieurs des amis de Aziz ont souhaité, après son décès, voir son œuvre inscrite en tant que patrimoine national. «Je tiens à confirmer à tous ceux qui veulent promouvoir l’œuvre de l'artiste que celle-ci est à la disposition de quiconque désire l'exposer et la médiatiser, tout en prenant soin de bien la conserver». Une belle opportunité pour bon nombre d'amis de l'artiste qui rêvaient de voir son travail rassemblé et mis en valeur, après plusieurs années de recherches et de créativités qui lui ont valu de multiples expositions individuelles et collectives, puis plusieurs hommages après son décès, dont le dernier en date s'est déroulé à «Art week» à Casablanca. Plusieurs travaux critiques furent dédiés à sa profonde recherche plastique, notamment celui de feu Abdelkébir Khatibi qui a décortiqué le personnage et son œuvre d'une manière très approfondie, qualifiant Abou Ali de compositeur de formes à la fois néofiguratives et abstraites. «Abou Ali n’est pas un coloriste, bien qu’il dispose d’une palette sobre, mais dense, ni un peintre du signe, comme le sont de nombreux artistes arabes, mais plutôt un compositeur de formes à la fois néofiguratives et abstraites. Sa maîtrise de l’art de la gravure est indéniable.

Elle correspond à cet amour nuancé pour le noir et le blanc. Un noir vif, qui sature parfois la surface, là où dans la nuit occulte ne brille aucune étoile, mais où l’homme, comme immobilisé par une force secrète, cherche une sortie tourmentée vers la délivrance. L’extrême nudité de cet imaginaire, parfois si dangereusement dépouillé, peut effrayer les esthètes habitués aux merveilles de l’art décoratif. Elle fait peur. Nous touchons à un seuil où la rigidité des formes, accentuée par cette tendance au cauchemar qui hante notre artiste, se met à bouger, sécrétant avec beaucoup de discrétion un monde onirique dont il faut déchiffrer la clôture, mais aussi les éblouissements», avait écrit Khatibi sur l’œuvre de Abou Ali. Le critique Farid Zahi, lui aussi, considère que le parcours d'Abou Ali est singulier, dit-il, plus encore par la qualité, la richesse et la profondeur de ses travaux que par sa vie partagée entre le miroitement de soi et le désir sublimé de grandeur. «Cependant, s’il est des peintres marocains dont l’art ne serait que l’accomplissement d’un moi en proie aux pires déchirements existentiels, Aziz en ferait partie», précise Farid Zahi qui évoque, également, dans sa critique, la productivité acharnée de feu Aziz jusqu’à l’épuisement des mains et la multiplicité des supports et de la matière (gravure, peinture murale, gouache, huile et acrylique...), qui sont deux caractéristiques qui dévoilent amplement les multiples facettes de ce peintre pourtant livré, en apparence, à la linéarité de la création. Comme si chaque matière lui révélait les recoins enfouis de sa personne, les émotions encore en réserve dans les profondeurs inouïes du corps et de la psyché.

Une œuvre qui a fait couler beaucoup d'encre derrière elle. Tout comme le beau texte, écrit par Zineb Abderrazik Chraïbi, le connaissant de très près, au lendemain du décès de l'artiste, dans lequel elle rappelle son itinéraire jonché de conquêtes et de défis. «Cet artiste fut admis brillamment à Séville, où il poursuivit ses études à l’École supérieure des beaux-arts de San Fernando à Madrid pour accéder à une maîtrise en gravure, en peinture murale et en sculpture. Aziz, maître-graveur, a côtoyé les grands : en praticien de haut niveau, il a eu à exécuter, en gravure ou en sérigraphie, des travaux de peintres prestigieux comme Antonio Saura, Miro, Antoni Tàpies». Et d'ajouter que «Aziz choisit une voie ardue, car ce n’est ni le “salonard” féru de relations, ni l’auteur se prévalant de l’œuvre. Pour lui, seule l’œuvre mérite de parler de son auteur. Elle le fit avec acuité, passion et sincérité. Cet effacement de Aziz allait à l’encontre d’une dernière victoire : triompher de sa solitude était peut-être le plus difficile».

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