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Gestion des RH dans les PME, qui s'en occupe et comment ?

La gestion des ressources humaines est-elle vraiment une laissée pour compte dans les stratégies management des PME ? Souvent accusés de faire prévaloir la bonne vieille logique de l’administration du personnel, en avançant l'argument de la faiblesse des moyens, les dirigeants des petites et moyennes entreprises devraient changer d’approche et aller vers un vrai management du capital humain.

Gestion des RH dans les PME, qui s'en occupe et comment ?

La première richesse d’une entreprise, quels que soient sa taille ou son statut, ce sont les hommes et les femmes qui y travaillent. Dès lors que l’on aborde le recrutement, la formation, la paie, l’aménagement du temps de travail, les relations professionnelles ou la gestion des conflits, la notion de gestion des ressources humaines (GRH) prend toute son ampleur et son importance pour la performance, la croissance et la compétitivité de l’entreprise. Outre les fonctions administratives visant à assurer le bon fonctionnement du travail, la DRH se place aujourd’hui comme l'acteur incontournable du changement et de l’évolution. Elle permet ainsi de recruter les profils talentueux, d'assurer leur développement de carrière, de gérer leur bien-être, mais aussi de fidéliser les bons profils. Des objectifs ambitieux que les grandes entreprises semblent intégrer de plus en plus dans leur stratégie de développement. Qu’en est-il des petites et moyennes entreprises (PME) qui, aux côtés des très petites entreprises (TPE), constituent plus de 90% du tissu économique du Maroc ?
En effet, avec un nombre de salariés compris entre 10 et 250, les PME réalisent des résultats importants contribuant au développement économique et social du pays, mais ne semblent pas vraiment intégrer les pratiques liées au développement RH, du moins dans leur majorité. Elles n’arrivent pas vraiment à passer de l’administration du personnel à un vrai management du capital humain.

«La plupart des PME considèrent le management du capital humain comme étant une ostentation réservée aux grandes structures ou aux organisations de taille», explique Brahim Temsamani, docteur en management des organisations, formateur-consultant-coach chez Horizon RH et auteur de plusieurs ouvrages dans le domaine du management, organisation et GRH. Mais pourquoi les PME boudent-elles la GRH ? Dans la plupart des cas, le manque de moyens financier est avancé comme étant la principale raison par les responsables de ces structures. En effet, «les contraintes financières font que les dirigeants des PME optent pour une gestion centrée surtout sur l’administration RH», explique Meryem Benslimane, consultante en développement des compétences et en RH. Ainsi, faute de moyens financiers, les PME n’investissent pas vraiment dans le volet relatif au développement de carrière des collaborateurs, au recrutement, à la formation…

Pour pallier à cette situation, notamment le volet relatif aux relations professionnelles, «les dirigeants des PME peuvent adopter une gestion plus flexible du capital humain», recommande l’experte. Et d’expliquer que cela consiste à adopter une démarche plus réactive en s’appuyant sur la proximité dans les rapports hiérarchiques. «Des mails de remerciements, des messages de reconnaissance, des réunions d’échanges ou même des rencontres hors bureau, sont des actions qui permettent d’assurer un management de proximité dans une PME», souligne Meryem Benslimane. Certes, ces actions peuvent paraître secondaires pour les dirigeants qui ont d’autres priorités, mais sont d’une grande importance pour les collaborateurs. Rappelons que ce sont les collaborateurs motivés et engagés qui permettront à l’entreprise, quelle que soit sa taille, d’évoluer et de gagner en compétitivité. Mieux vaut donc consacrer du temps aux collaborateurs, les écouter, comprendre leurs besoins et reconnaître leurs efforts.

Le recrutement, un casse-tête pour les dirigeants des PME

Le constat est connu de tous, plus l’entreprise est petite, moins elle a droit à l’erreur. Un mauvais choix peut être coûteux pour une PME, raison pour laquelle la phase de recrutement doit être bien ficelée. Toutefois, les dirigeants des PME semblent être exigeants, en termes de compétences.

Ils cherchent des candidats polyvalents, capables d’assurer une grande quantité de travail, suffisamment engagés et surtout autonomes. Ils cherchent aussi des talents dotés d’une fibre commerciale leur permettant de vendre les produits et services de la PME, indépendamment des postes occupés et sans pour autant demander des augmentations ou encore des formations. C’est dire que les PME cherchent des perles rares, ce qui n’est pas évident. Toutefois, il faut souligner qu’après le processus de recrutement, toute PME doit être capable de fidéliser ses profils, notamment ceux qui sont talentueux, car elle risque de les perdre. Pour réussir cette équation à multiples paramètres, la PME se doit d’opter pour une politique de recrutement et de gestion de carrière orientée management des talents dans le cadre d’une stratégie plus globale de la gestion des RH. Concernant le volet de la formation, les dirigeants ont également tout intérêt à déployer des plans de formation organisés et structurés, car il s’agit bel et bien d’un enjeu de compétitivité. D’ailleurs, pour soutenir ces PME, de nombreux établissements, notamment l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT), se disent disposés à collaborer dans ce sens.

Ainsi, et dans le cadre de son plan de développement 2020, l’OFPPT avait annoncé la création de 120 nouveaux établissements de formation professionnelle et sa volonté de dispenser des formations au profit des TPE et PME, en plus de la formation de 1.920.000 bénéficiaires, à l’horizon 2021, tout en réservant 20.000 places à la formation en cours du soir. «Si on cherche la mise à niveau de nos salariés, surtout ceux qui travaillent dans les PME-PMI, il n’y a pas mieux que d’assurer des formations, notamment a travers l’office ou les opérateurs publics sur la base des études d’ingénierie réalisées par les GIAC (Groupements interprofessionnels d'aide au conseil)», avait déclaré Larbi Bencheikh, DG de l’OFPPT, lors de la présentation du contrat programme signé à cet effet. C’est dire que les PME ont intérêt à investir dans une vraie stratégie de gestion du capital humain afin de le fidéliser et remporter le défi de la performance. 


Déclaration de Meryem Benslimane, consultante en développement des compétences et en RH

«Les PME ont, aujourd’hui plus que jamais, intérêt à investir dans le capital humain pour faire face à un double défi : un environnement en perpétuel changement et une concurrence de plus en plus rude. Il est clair que, faute de moyens financiers, les PME ne peuvent pas se permettre de mettre en place constamment certaines pratiques RH permettant la fidélisation des talents et qui sont jugées coûteuses pour les entreprises. Face à cette réalité, les dirigeants doivent miser sur le développement des relations humaines avec leurs collaborateurs, en développant chez eux les sentiments d’appartenance, de partage et d’engagement. Ils doivent également bannir certaines pratiques qui risquent de démotiver les collaborateurs, notamment :
• Opter pour un management basé essentiellement sur la confiance tout en oubliant le processus.
• Ne pas respecter l’équilibre entre la vie personnelle et professionnelle des salariés et les surcharger de travail.
• Avoir un système d’évaluation et de management de favoritisme, en privilégiant certains collaborateurs.
• Négliger les volets de la communication et du partage d’information, ouvrant la porte aux rumeurs.
• Ne pas permettre aux collaborateurs d’évoluer dans leurs postes. L’évolution étant importante, quelle que soit la taille de l’entreprise. • Dramatiser les erreurs commises par les collaborateurs et les sanctionner. » 


Entretien avec Brahim Temsamani, docteur en management des organisations, formateur, consultant et coach chez Horizon RH

«Il est intéressant de s’inspirer des pratiques RH qui ont réussi ailleurs et de les intégrer agilement dans le contexte de la PME marocaine»

Éco-Emploi : Quels sont les enjeux du management du capital humain pour une PME ?
Brahim Temsamani : À vrai dire, l'expression «capital humain» n’est pas un concept de la GRH, il est plutôt emprunté à la science économique. Développé au début par Theodore Schultz (1961) et ensuite par Gary Becker (1965), le terme capital humain correspondait à cette théorie qui considérait l’individu comme un agent économique rationnel qui investit en lui-même par des formations en vue d’augmenter sa productivité et sa rétribution. Cependant, depuis les années 1990, ce vocable est devenu très utilisé par les auteurs, gestionnaires et cadres dirigeants à la place du terme ressources (ou richesses) humaines. Aujourd’hui, les enjeux pour une PME concernant le management du capital humain sont nombreux. Toutefois, je peux les résumer en une seule phrase : il s’agit de savoir comment une entreprise peut se doter d’une main-d’œuvre productive, stable et satisfaite. Autrement dit, comment peut-elle réaliser concomitamment les trois activités suivantes : acquisition, développement et rétention des ressources humaines tout en étant agile et compétitive ? Or dans le contexte marocain, la plupart des PME considèrent le management du capital humain comme étant une «ostentation» réservée aux grandes structures ou aux organisations de taille. De ce fait, un autre enjeu surgit : comment intégrer/harmoniser la dimension RH dans/avec la stratégie de la PME ?

Est-il aisé de passer de l’administration du personnel à la gestion du capital humain dans une PME ?
Pour passer de l’administration du personnel au management du capital humain, la PME doit au moins garantir les dix points suivants : la sécurité, le partage, l’équité, l’employabilité, la déontologie des affaires, la reconnaissance, l’écoute, la transparence, la conformité sociale et la dynamique sociale. Dans mon ouvrage «À propos des Ressources humaines», j’explique notamment que la maturité de la Fonction RH passe par quatre phases, et qu'une entreprise ne peut pas faire de saut, c'est-à-dire passer par exemple de l’étape une à quatre, mais qu'elle doit procéder de manière progressive et par couches cumulatives et de façon vigilante et bien planifiée.
Personnellement, je pense qu’une PME ne peut pas passer systématiquement et directement de l’administration du personnel (niveau un) à la gestion intégrée du capital humain (niveau quatre). Souvent, la PME marocaine se situe soit dans la phase une ou deux. Ce passage ou ce saut qualitatif dépend non seulement des compétences du directeur ou du responsable des RH et de la volonté politique et managériale du dirigeant, mais aussi d’autres variables exogènes à l’entreprise. Les quatre phases sont comme suit :
• Phase 1 : Niveau mécanique : il y a seulement de la gestion administrative du personnel (recrutement classique, la paie, la gestion des dossiers administratifs, etc.).
• Phase 2 : Niveau organique : intégration des activités de la GRH génératrices de valeur ajoutée et renforcement des dispositifs existants (par exemple, au niveau du recrutement, l’entreprise met en place un processus de recrutement intégré, une politique d’accueil et d’intégration, etc.).
• Phase 3 : Niveau stratégique : ici la DRH est dotée de nouvelles techniques de gestion comme la GPEC, le SAP 360°, les bilans de compétences, la stratégie des rémunérations, etc.
• Phase 4 : Niveau médiatique : la DRH devient une structure communicante via des outils SIRH (comme HR Access, People Soft ou SAP). La communication se fait davantage par portail, workflow et d'autres fonctionnalités ERP intégrées.

Quels moyens se donner pour fidéliser les profils talentueux ?
Effectivement, une entreprise doit fidéliser uniquement les RH les plus talentueuses (guerre des talents) et qui sont considérées comme de hauts potentiels, jeunes ou seniors. Mais c’est l’inverse qui se produit malheureusement, c'est-à-dire que ce sont les «bras cassés» qui restent dans l’entreprise, alors que les plus compétents et talentueux ont déjà trouvé d’autres jobs ailleurs, avec plus de responsabilités, une rémunération meilleure et des possibilités de carrière plus attractives.
La fidélisation et la rétention des RH talentueuses sont sans nul doute un défi majeur pour les entreprises marocaines, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes. D’où la nécessité de mettre en place une stratégie alignée progressivement sur sept axes :
• Avoir une politique de recrutement et de gestion de carrière orientée management des talents.
• Se doter d’une politique de diversité et d’égalité des chances.
• Passer de la logique «Bilan des compétences» à la logique «Bilan des talents».
• Accompagner la mobilité professionnelle.
• Permettre aux talents de s’exprimer et de s’épanouir.
• Intégrer la gestion des talents dans la culture de l’entreprise.
• Devenir une structure apprenante et qualifiante.

Pourriez-vous partager avec nous quelques astuces pour le succès du management RH dans une PME ?
Il faut d’abord reconnaître que la pratique de la GRH au Maroc est assez récente, alors qu’elle était déjà au niveau stratégique pendant les années 1980 dans les pays développés. C’est pour cette raison qu’il est intéressant de s’inspirer des pratiques RH qui ont réussi ailleurs et de les intégrer agilement dans le contexte de la PME
marocaine.
Un effort d’adaptation et de contextualisation est non seulement nécessaire, mais virtuellement obligatoire. En outre, il est important que le responsable ou directeur des RH soit issu d’une formation spécialisée en RH (Master ou MBA) et non pas un simple juriste ou quelqu’un qui a fait des études de droit ! Dans ce domaine, l’expérience est aussi un facteur clef du succès. De même, la formation en GRH pratique pour les managers de proximité, les chefs de départements et les autres responsables s’avère aujourd’hui une nécessité incontournable. Lorsque j’ai écrit, il y a quelques années, avec J.-M. Peretti, «Tous DRH», j’étais parfaitement convaincu que la GRH n’est pas le domaine privilégié de la seule DRH, mais concerne tous les responsables hiérarchiques et fonctionnels. Il s’agit là d’une fonction partagée, décentralisée et totalement médiatisée. 

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